Капут
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«Qu’avez-vous fait `a cet homme?»
«C’est un tra^itre» me r'epondirenr-ils, «un traditor».
«C’est vrai?» dis-je au bless'e.
«Oui, je suis un traditor. Je veux rentrer en Espagne, je n’en peux plus. Je ne veux pas mourir. Je veux rentrer en Espagne. Je suis espagnol. Je veux rentrer en Espagne».
«C’est un tra^itre! Un traditor!» disaient les camarades, le regardant d’un regard plein de haine.
Je fis enfermer «el traditor» dans une baraque `a part, et je t'el'egraphiai `a de Fox`a: «Il traditor veux rentrer en Espagne viens vite». Deux jours apr`es de Fox`a arriva. La neige tombait. Il 'etait aveugl'e par la neige, bless'e au visage par les glacons que les sabots des chevaux soulevaient de la piste glac'ee. D`es qu’il me vit:
«De quoi te m^eles-tu? Peut-on savoir porquoi tu te m^eles des choses qui ne te regardent pas? Tu n’as pas fini de m’emb^eter avec tes histoires? O`u est-il, ce tra^itre?»
«Bon. Allons le voir».
«El traditor» nous recut en silence. C’'etait en garcon de vingt ans, blond, aux yeux clair, tr`es p^ale. Il 'etait blond commes les espagnols blonds, il avait les yeux clairs comme les espagnols aux yeux clairs. Il se mit `a pleurer. Il dit: «Je suis un tra^itre. Yo un traditor. Mais je n’en peux plus. Je ne veux pas mourir. Je veux rentrer en Espagne». Il pleurait, et nous regardait avec des yeux pleins de peur, d’espoir, de pri`ere.
De Fox`a 'etait 'emu:
«Ne pleure pas» lui dit-il, «on va t’envoyer en Espagne. Tu y sera bien recu. On te pardonnera. Ce n’est pas de ta faute si les Russes ont fait de toi, qui 'etais un gosse, un communiste. Ne pleure pas».
«Je suis un tra^itre» disait le prisonnier.
«Nous sommes tous des tra^itres» dit soudain de Fox`a `a voix basse.
De Fox`a lui fit signer, le jour apr`es, une d'eclaration, et partit le jour m^eme.
Avant de partir il alla chez le G'en'eral Edqvist:
«Vous ^etes un gentilhomme» lui dit-il, «donnez-moi votre parole que vous sauverez la vie de ces malheureux. Ce son des chic types. Il pr'ef`erent mourir, plut^ot que renier leur foi».
«Oui, ce sont des chic types» dit le G'en'eral Edqvist, «je suis un soldat j’admire le courage et la loyaut'e m^eme chez les ennemis. Je vous donne ma parole. Du reste, je suis d'ej`a d’accord avec le Mar'echal Mannerheim. On les traitera comme des prisonniers de guerre. Partez sans crainte, je r'eponds de leur vie».
De Fox`a serra la main du G'en'eral Edqvist en silence, la gorge 'entragl'ee par l’'emotion. Quand il s’assit dans le tra^ineau, il souriait.
«Enfin» me dit-il, «tu auras fini de m’emb^eter avec toutes ces histoires! Je vais t'el'egraphier `a Madrid, et d'es j’aurai le r'eponse, on verra. Merci, Malaparte». «Adios, Augustin»
«Adios».
Quelques jours apr`es arriva la r'eponse de Madrid. Le prisonniers fut accompagn'e `a Helsinki, o`u l’attendaient un officier et un sousofficier espagnols. «El traditor» partit en avion pour Berlin, et de l`a pour l’Espagne. Il 'etait clair que les autorit'es espagnoles voulaient monter l’afaire. Le prisonnier 'etait combl'e d’attentions, il partait plein de joie.
Deux mois apr`es je rentrai `a Helsinki. C’'etait le printemps, les arbres de l’Esplanade 'etaient couverts de feuilles neuves, d’un vert tendre, les oiseaux chantaient dans les branches. La mer, au fond de l’Esplanade 'etait verte aussi, elle paraissait couverte, elle aussi, de feuilles neuves. J’allai prendre de Fox`a `a sa villa de Bruneparken, nous marchions ensemble de long de la mer, pour nous rendre au Kemp. L’ile de Suomenlinna 'etait blanche d’ailes de muettes.
«Et le prisonnier, el traditor? Tu as de ses nouvelles?»
«Encore?» cria de Fox`a,
«Cet homme, j’ai fait moi aussi quelque chose, pour lui sauver la vie».
«J’ai failli perdre mon poste, pour ce type l`a! Et c’est de ta faute».
Il me raconte que «el traditor» avait 'et'e recu `a Madrid fort bien. On le promenait dans les caf'es, dans les th'eatres, dans la plaza dos toros, dans les stades, dans les cin'emas. On le montrait, les gens disaient: «Tu vois ce beau garcon? Il 'etait communiste, il a 'et'e fait prisonnier sur le front russe, il combattait avec les Russes. Il a voulu rentrer il a reconnu Franco en Espagne. C’est un brave garcon, un bon espagnol».
Mais «el traditor» disait:
«Ca, un caf'e? Il faut voir les caf'es de Moscou».
Et il riait. Il disait:
«Ca, un th'eatre? Un cin'ema? Il faut voir les the^atres et les cin'emas de Moscou».
Et il riait On l’emmena au stade. Il dit `a haute voix:
«Cela, un stade? Il faut voir le stade de Kiev».
Et il riait. Tout le monde se retournait, et il disait `a haute voix:
«Cela, un stade? Le stade de Kiev, celui l`a est un stade!»
Et il riait.
«Tu comprends!» me dit de Foxa, «tu comprends? C’est de ta faute. C’est aussi de ta faute. A Madrid, au Minist`ere, on 'etait furieux contre moi. Tout cela pour ta faute. Cela t’ apprendra `a te m^eler des choses qui ne te regardent pas».
«Mais enfin, ce garcon… qu’est-ce qu’on lui a fait?»
«Que veux-tu qu’on lui fasse? On ne lui a rien fait» dit Augustin avec une voix 'etrange, «de quoi te m^eles-tu?»
Il sourit. «On l’avait enterr'e selon le rite catholique».
Граф Августин де Фокса, которого я сделал знаменитым, описав его в романе «Капут», дал интервью мадридской газете «А.В.С.». В своих заявлениях, сделанных, без сомнения, в отместку за некоторые не понравившиеся ему в романе пассажи, он заявил, что все остроумные высказывания в «Капуте» принадлежат ему. Очень хорошо. Когда в романе говорит де Фокса, я всегда уточняю, что говорит де Фокса. Я никогда не придумывал ничего, даже тех острот, которые слышал из его уст. «Капут» – исторический роман, хотя его персонажи – люди нашего времени, а не времен Людовика XIII. Это исторические, но современные персонажи. Де Фокса – один из самых остроумных людей, кого я встречал в жизни. Когда испанцы острят, они самые остроумные люди на свете. Прочтя его заявления в газете, я задался вопросом, почему в моем романе я не поведал историю об испанских пленных. И поскольку де Фокса не рассказал ее, я сделаю это сам, чтобы она не оказалась потерянной и забытой. Тем более если бы ее рассказал де Фокса, он бы все испортил, потому что насколько он хороший рассказчик, настолько плохой писатель. Да не прогневается де Фокса, но такие истории я умею описывать лучше, чем он.
В феврале 1942 года я был прикомандирован к финской дивизии под командованием генерала Эдквиста, которая занимала непростой участок фронта на Карельском перешейке между Ладожским озером и Ленинградом. Однажды генерал вызвал меня к себе.
– Мы взяли восемнадцать испанских пленных, – сказал мне он.
– Испанских? Вы воюете с Испанией?
– Я не знаю, – сказал он, – дело в том, что этой ночью мы взяли в плен восемнадцать русских, которые по-испански объявили себя испанцами.
– Очень странно.