L'agent secret (Секретный агент)
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N’avait-on pas ordonn'e de le surveiller, ne le faisait-on pas pister dans l’espoir de retrouver par lui le caporal Vinson, tra^itre et bient^ot d'eserteur ?…
— Si le Deuxi`eme Bureau, songeait Fandor, a d'ecid'e mon arrestation, il est bien 'evident que je n’arriverai pas `a 'echapper… la police d’espionnage est merveilleusement organis'ee, s’il prend fantaisie aux officiers qui la dirigent de me consid'erer comme un complice de Vinson, ils me coffreront dans les vingt-quatre heures.
« J’agis comme un imb'ecile, pensa soudain Fandor, ce qu’il faut avant tout, c’est que je mette Juve au courant de ce qui se passe, et il demanda la communication t'el'ephonique avec le policier.
Le policier 'etait sorti, Fandor laissa un message pour lui.
***
— Dix heures du soir ! peste ! il ne faut plus que je perde de temps si je ne veux pas rater mon train…
Le caporal Vinson, en h^ate, achevait de se v^etir. L’appartement de Fandor n’'etait pas des plus luxueux ni des plus vastes. Le militaire s’habillait dans la propre chambre du journaliste.
— O`u diable est mon pantalon d’uniforme ?
Le jeune homme bouleversa toute une pile de v^etements pos'ee sur les rayons d’une armoire et finit par atteindre le pantalon qu’il devait rev^etir pour arriver en tenue `a sa nouvelle garnison. Il acheva de s’habiller en un tour de main.
Soudain, un violent coup de sonnette avait retenti…
Apr`es quelques minutes, l’importun qui attendait `a la porte de l’appartement sonna de nouveau.
Il fallait prendre un parti. Des gouttes de sueur perlaient au front du militaire.
Rapidement, le jeune soldat retira ses chaussures, pour ne pas faire de bruit, et, sur la pointe des pieds, il gagna le vestibule de l’appartement. Par le trou de la serrure, il regarda qui sonnait une quatri`eme fois.
Mais, `a peine avait-il coll'e son oeil `a la porte, que le caporal Vinson parut compl`etement affol'e…
Il 'etouffa un juron.
— Nom de Dieu ! c’est ce que je craignais… Ce bonhomme-l`a, c’est l’agent du Deuxi`eme Bureau… je le reconnais… pas de doute `a conserver. J’ai 'et'e indiqu'e, on m’a vendu… qui, par exemple ?… Ah ! je suis frais !
Le caporal Vinson vit que le visiteur mettait la main `a sa poche, choisissait une cl'e `a son trousseau.
— Ca y est. Cet individu poss`ede des passe-partout… Ah ! une id'ee…
Au moment m^eme o`u l’agent, qui venait sans doute pour l’arr^eter, introduisait sa cl'e dans la serrure, le caporal Vinson, sautant en arri`ere, bondissait vers le cabinet de J'er^ome Fandor. Il ferma `a cl'e la porte `a l’instant pr'ecis o`u l’agent p'en'etrait dans l’appartement…
— Halte, cria celui-ci en entendant Vinson…
Le caporal, en r'eponse, fermait `a double tour…
— C’est enfantin, ce que vous faites, cria l’agent, j’ai des passe-partout. Rendez-vous donc…
Et, s’armant d’une nouvelle cl'e, il ouvrit la porte que Vinson venait de clore. Le caporal n’'etait plus dans la pi`ece… L’agent se pr'ecipita `a une autre porte qui faisait communiquer le cabinet de travail avec la salle `a manger.
Il l’ouvrit, p'en'etra dans cette nouvelle pi`ece : elle 'etait encore vide.
— Allez toujours, cria l’agent, vous voyez bien que vos portes ne me r'esistent pas une seconde et que je vais finir par vous acculer au fond de l’appartement !…
Mais, en disant cela, l’agent ne pr'evoyait pas la manoeuvre qu’avait imagin'ee le caporal Vinson…
Reculant de pi`ece en pi`ece, en effet, celui-ci n’avait eu d’autre but que d’attirer l’homme qui le poursuivait au bout de l’appartement. D`es que l’agent eut p'en'etr'e dans la salle `a manger, le caporal Vinson bondit dans le corridor, traversa d’un saut le vestibule, ouvrit la porte de l’escalier, qu’il claqua derri`ere lui… Fallait-il descendre ?
Il 'etait 'evident que l’agent allait se pr'ecipiter sur ses traces. Une poursuite s’engagerait et, en voyant un soldat en uniforme, des passants se m^eleraient `a la chasse ; fatalement Vinson serait pris…
— Rusons ! pensa-t-il…
Et pr'ecipitamment, au lieu de descendre l’escalier, il le monta, gagnant l’'etage sup'erieur, le troisi`eme… Il n’'etait pas arriv'e sur le palier qui dominait l’appartement de Fandor, que l’agent, `a son tour, arrivait sur l’escalier et courait `a la rampe, pour t^acher d’apercevoir Vinson, qu’il supposait en train de descendre, de s’enfuir dans la direction de la rue…
L’agent, ne voyant personne allait descendre lorsque quelqu’un, habitant la maison probablement, se mit en devoir de monter.
Tr`es probablement, l’agent n’avait point le d'esir d’^etre reconnu, car, entendant que l’on venait `a sa rencontre, il s’arr^eta net de descendre… rebroussa chemin, traversa le palier o`u d'ebouchait l’appartement de Fandor, et voulut gagner le troisi`eme…
Cela ne faisait pas l’affaire du caporal Vinson !
— Bigre ! pensa-t-il, s’il monte de la sorte, j’aurai beau reculer, il va me pincer au sixi`eme…
Le caporal Vinson eut une id'ee de g'enie.
Tout en restant sur place, il marcha d’un pas pesant, imitant le bruit de quelqu’un qui descend…
Imm'ediatement, l’agent qui montait vers lui s’arr^eta.
S’il ne tenait pas `a ^etre vu par le locataire qui montait, il n’avait pas non plus le d'esir d’^etre reconnu par la personne qui descendait, croyait-il.
Or, entre un locataire entrant et un locataire partant, l’homme qui poursuivait le caporal Vinson n’avait pas le choix des moyens.
Il venait de sortir de l’appartement de Fandor, il poss'edait un passe-partout… il ouvrit la porte `a nouveau et rentra chez le journaliste.