L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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L`a, les t'emoins affirm`erent d’une seule voix que la jeune fille avait, de ses propres mains, et sous leurs yeux, remplac'e la cartouche truqu'ee par une v'eritable.
— C’est encore une histoire d’amoureux, criait un jeune homme `a mine d’ouvrier d’usine, encore une garce qui a voulu se venger de son amant. Elle a fait feu sur lui, expr`es.
Un autre, d’une bonne foi tout aussi apparente, affirmait :
— On a parfaitement vu quand elle a gliss'e la deuxi`eme cartouche.
Et d’autres, toujours aussi convaincus, s’acharnaient contre la malheureuse, victime sans s’en douter m^eme, de ce besoin de jouer un r^ole inn'e au coeur de certains.
Le commissaire ne pouvait rien 'evidemment contre des t'emoignages aussi pr'ecis et aussi concordants. Il signa un mandat de d'ep^ot.
Tant et si bien qu’H'el`ene couchait, le soir m^eme, dans la chambre de force de la maison de d'etenus de Morlaix, d’o`u elle devait ^etre, le lendemain, dirig'ee sur la prison de Brest.
— Monsieur le commissaire, protesta enfin H'el`ene, comme on s’appr^etait `a l’entra^iner, est-ce que vous n’allez pas interroger le jeune homme que j’ai bless'e ? Il serait le premier `a dire que je suis innocente et que tout ceci est le fait d’un horrible malentendu.
Malheureusement, le commissaire n’'ecouta pas cette requ^ete, il y attachait m^eme d’autant moins d’importance, qu’H'el`ene semblait la faire avec une r'eelle h'esitation, comme 'etant elle-m^eme peu convaincue de ce qu’elle avancait.
C’est qu’en v'erit'e, tout en parlant, la fille de Fant^omas venait d’^etre prise d’un doute affreux.
Litt'eralement boulevers'ee par la marche rapide des 'ev'enement dont elle 'etait victime, la jeune fille, qui n’avait rien compris `a ce qui lui arrivait, venait d’y trouver une explication tragique.
C’'etait si extraordinaire `a ses yeux, en effet, cette apparition de Fandor sur l’estrade o`u elle-m^eme allait faire feu, qu’elle se prenait `a se demander si le journaliste 'etait bien arriv'e l`a par hasard, si le coup de fusil n’avait pas 'et'e machin'e, combin'e par l’ami de Juve `a des fins qu’elle n’entrevoyait pas encore, mais qui devaient `a coup s^ur se rattacher `a l’implacable poursuite que le policier et le journaliste conduisaient contre son p`ere.
— Fandor ne vient pas, songeait H'el`ene tandis que les gendarmes l’emmenait brutalement, c’est assur'ement qu’il ne veut pas venir, c’est qu’il ne doit pas venir, c’est qu’il se venge de mon p`ere et de moi en favorisant mon arrestation.
H'el`ene, `a vrai dire, se trompait du tout au tout.
`A peine Fandor avait-il rappel'e `a lui ses esprits dans la pharmacie o`u il venait de panser ses blessures – une 'ecorchure `a l’'epaule – qu’il songeait au sort de la malheureuse enfant.
— Mis'ericorde, pensait le journaliste, se rappelant brusquement le brouhaha, la col`ere de la foule au moment de l’accident, mis'ericorde, ils vont l’'echarper.
Qu’allait dire, d’ailleurs, la fille de Fant^omas si on l’arr^etait ?
Allait-elle livrer son identit'e ? refuserait-elle de r'epondre ?
Mais, dans ce cas, que d'eciderait le magistrat ? Ne trouverait-il pas dans ce mutisme une raison suffisante pour maintenir la jeune fille sous les verrous ?
Quittant la pharmacie o`u l’on venait de le soigner, Fandor se pr'ecipita au Palais de Justice de Morlaix, demanda le Procureur, d'ecid'e `a obtenir la mise en libert'e de l’innocente H'el`ene.
Mais au Palais de Justice, Fandor ne trouva qu’un greffier imb'ecile, un certain M. Lerouge, qui refusa d’abord de le recevoir `a cette heure avanc'ee de la nuit, puis enfin, consentit `a s’entretenir quelques minutes avec lui, mais avec un m'econtentement visible, car il 'etait fort occup'e `a consulter l’indicateur des chemins de fer pour trouver un train qui le men^at rapidement le lendemain `a Paris, o`u il comptait aller faire un peu la f^ete.
Fandor finit par 'eclater lorsque le greffier lui communiqua que le procureur 'etait `a Brest, occup'e non des devoirs de sa charge, mais d’une charmante petite amie qu’il avait l`a.
Quand il arriva enfin au commissariat, Fandor y trouva, non plus le commissaire, qui venait de partir se coucher, mais bien un simple brigadier de gendarmerie, fort aimable, celui-l`a, mais terriblement d'esireux de ne rien faire de nature `a le compromettre.
Fandor dut parlementer pendant plus de vingt minutes pour obtenir que le brigadier consent^it `a enregistrer une d'eclaration formelle dans laquelle le journaliste affirmait qu’il y avait eu
`A quoi bon d’ailleurs, 'etant donn'e que la jeune fille resterait, dans tous les cas, enferm'ee jusqu’au lendemain matin.
Furieux, rageur, jalousant la tranquillit'e de Juve, qui, confortablement install'e dans un wagon du rapide, se dirigeait vers Paris, Fandor se retrouvait donc `a deux heures du matin sur la place d'eserte de Morlaix.
En maugr'eant le journaliste rentra se coucher… Il dormit tr`es mal, se r'eveilla `a l’aube.
— Peste de peste, grommelait-il, que dois-je faire maintenant ? Les instructions que Juve m’a donn'ees sont, en somme, assez peu explicites. Je dois muser le long de la route, pour donner le change `a Fant^omas, et lui faire croire que, malgr'e ma tranquillit'e apparente, je ram`ene le portefeuille rouge `a Paris. Bien. « Muser », qu’est-ce que ca signifie au juste ?
De tr`es bonne heure, J'er^ome Fandor retourna au poste de police, et l`a, profitant de ce que le commissaire de Morlaix ne le connaissait pas, il interviewa le fonctionnaire sous un pr'etexte quelconque, et parvint `a savoir ce qu’H'el`ene 'etait devenue.
— La jeune fille arr^et'ee hier soir ? Figurez-vous qu’elle est d'ej`a transf'er'ee `a Brest. Elle est partie ce matin.
— `A Brest. Pourquoi diable a-t-on transf'er'e la prisonni`ere `a Brest ? Nous ne sommes pas dans le ressort judiciaire du Tribunal de l`a-bas et puisqu’il y avait flagrant d'elit ici ?