L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
Шрифт:
Accroupi sous la roulotte, le policier commenca `a perquisitionner dans la caisse. Il se passionna m^eme tellement `a sa besogne, qu’il finit par enjamber les parois de la caisse en bois, entra dedans, il s’y coucha presque. Or, Juve s’'etait `a peine introduit de la sorte dans cette grande caisse qu’avec une inqui'etude soudaine il releva la t^ete, 'ecouta.
— Sapristi, murmura-t-il, on a march'e. J’ai entendu marcher. Pourvu que ca ne soit pas le p`ere et la m`ere Zizi qui reviennent. Je serais frais, s’ils me trouvaient l`a.
Juve jeta autour de lui un regard soupconneux. La nuit tr`es noire ne lui permettait pas de voir bien en d'etail ce qui l’entourait. Il pouvait tout juste distinguer un horizon restreint, et cet horizon apparaissait parfaitement d'esert. Devant lui, entre les deux roues constituant l’avant-train de la roulotte, Juve apercut d’abord les quatre pattes du cheval, puis un peu d’herbe descendant en pente roide, enfin le foss'e des fortifications. `A droite, entre la roue avant et la roue arri`ere, Juve apercevait toute la plaine de Saint-Ouen, mais il n’en distinguait rien de pr'ecis : il la devinait plut^ot, aux lumi`eres clignotantes qui scintillaient par moments dans les baraques voisines des chiffonniers.
Juve se retourna sur lui-m^eme, voulant examiner ce qui se passait `a gauche de la roulotte et ce qui se passait en arri`ere. Or, le policier n’eut pas le temps de se livrer `a cet examen. Alors que rien n’avait pu lui faire deviner la chose, soudain ce fut la catastrophe.
Juve, abasourdi, sentit la roulotte s’'ebranler, elle avanca un peu, lentement d’abord. Juve vit le cheval reculer en se cabrant, puis soudain la roulotte augmentait l’allure, Juve avait tout juste le temps de s’accroupir au fond de la bo^ite, miraculeusement d'etach'ee de la roulotte, pour n’^etre pas guillotin'e par l’essieu arri`ere qui lui fr^olait la nuque. Le v'ehicule d'evalait la pente, entra^in'e par sa masse, pour se jeter, 'ecrasant sous lui le malheureux Papillon, au fond du foss'e des fortifications.
Juve sorti comme un diable de sa bo^ite, la pluie des invectives s’abattit sur lui. Appel'es dehors par le fracas de l’accident, les chiffonniers avaient apercu le policier et ils s’'etaient pr'ecipit'es sur lui qui ne les attendit pas pour d'etaler, franchir une haie, sauter le foss'e.
Mais qui soudain devant lui faisait pousser ce sourd juron par l’homme poursuivi ?
Une silhouette noire qui s’enfuyait en silence, se confondant avec la nuit, la silhouette d’un homme moul'e dans un maillot noir, dont le visage se dissimulait derri`ere une cagoule noire, qui glissait sans bruit, souple, vif comme l’'eclair.
Juve n’eut pas besoin de la regarder longtemps pour la reconna^itre.
— Fant^omas, hurla Juve, tu ne m’'echapperas pas toujours.
Et en m^eme temps, toujours courant, le policier tirait son revolver, tendait le bras, faisait feu.
Imprudence.
C’'etait se signaler `a ceux qui le poursuivaient.
— Je suis fichu, songea Juve, ils vont m’'echarper vif.
Sa situation semblait, en effet, d’autant plus d'esesp'er'ee que, par une inconcevable malchance, il venait, courant au hasard, de p'en'etrer dans une impasse o`u il 'etait pris comme dans un pi`ege.
Or, tandis qu’affol'e il revenait sur ses pas, une v'eritable fusillade 'eclatait dans la plaine de Saint-Ouen ; le coup de revolver du policier avait encore surexcit'e les biffins, acharn'es `a s’emparer du mis'erable qui avait pr'ecipit'e dans le foss'e la roulotte des Zizi. Allaient-ils se tuer entre eux ? Mais subitement le policier s’arr^eta, fig'e sur place, ne sachant plus o`u donner de la t^ete. Devant lui, `a quelques m`etres, revolver au poing, portant des torches, les biffins se pr'ecipitaient. L`a Juve eut une inspiration : au lieu de fuir, il s’'elanca vers ses adversaires :
— En arri`ere, en arri`ere, cria-t-il, il a fui par l`a.
Et tromp'es par ce cri, les autres, le prenant pour l’un d’eux, rebrouss`erent chemin.
Hors d’haleine, Juve s’arr^eta, cependant qu’autour de lui s’agitait tout un peuple de chiffonniers maintenant r'eveill'es, furieux, ne comprenant rien `a ce qui se passait, soupconnant une rafle de police et fuyant en d'esordre. `A ce moment pr'ecis, Juve 'eprouva une violente surprise. Un camelot porteur d’un 'enorme paquet de journaux passa en effet pr`es de lui en courant, et Juve l’entendit lui crier distinctement :
— Foutez le camp, nom d’un chien, je me charge du reste.
Qui 'etait-ce ? Que lui voulait-on ? L’avait-on reconnu ?
Mais Juve n’avait plus rien `a faire dans la plaine de Saint-Ouen. Fant^omas, `a coup s^ur, 'etait loin. Les chiffonniers continuaient `a tirailler, mais cela n’avait gu`ere d’int'er^et.
Hochant la t^ete, Juve, tr`es pr'eoccup'e, se dirigea vers la barri`ere o`u, maintenant, des gardiens de la paix attir'es par les coups de revolver, apparaissaient. Mieux vaut tard que jamais.
18 – LA TRIPLE MATHILDE DE BR'EMONVAL
Pas `a pas, pensif et ronchon, le lieutenant prince Nikita descendait l’escalier assez roide et fort peu luxueux de l’immeuble qu’habitait Juve, rue Bonaparte.
— Ce policier n’est pas chez lui. Comment expliquer sa disparition ? Il a pourtant d^u recevoir mon t'el'egramme l’avertissant que je n’avais pas retrouv'e le portefeuille rouge ? Alors ? comment se fait-il qu’il ne m’ait pas attendu ? et que vais-je faire ?
D'ebarqu'e le matin du rapide de Bretagne, le prince russe s’'etait imm'ediatement rendu chez le policier, mais comme il ne l’avait pas trouv'e, il se sentait perdu.
— Aller `a l’ambassade ? songeait-il, ce serait absurde. Il est absolument inutile de mettre notre excellent ambassadeur au courant de ma d'econvenue. Alors ? Il faut avouer que, depuis trois jours, je fais un dr^ole de m'etier. Avant-hier, le long de la falaise, je retournais des pierres comme un imb'ecile, `a la recherche d’un portefeuille absent d’ailleurs. Puis je sauvais cette jolie femme qui a nom Mathilde de Br'emonval, puis encore j’apprenais que son pr'etendu assassin 'etait le plus honn^ete homme du monde, au lieu qu’elle-m^eme 'etait une gourgandine. Allez y comprendre quelque chose. Je ne suis pas policier, moi.