L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Monsieur, d'eclara-t-elle en saluant l’officier, qui, tr`es bas, s’inclinait devant elle, vous faites vraiment un avocat extraordinaire. Je n’'etais ici pour personne, vous avez su convaincre ma gouvernante que j’y 'etais pour vous. C’est un v'eritable succ`es d’'eloquence.
— Laissons ce succ`es, madame, il n’ajoute rien au bonheur que j’ai `a me trouver devant vous.
— Cela vous fait donc bien plaisir ?
— En doutez-vous, madame ?
— Mon Dieu…
Le prince Nikita se leva. Quittant le fauteuil o`u il 'etait assis, il s’avanca de deux pas vers le canap'e sur lequel Mme de Br'emonval venait de se jeter :
— Vous ^etes cruelle, madame, vous savez fort bien quel bonheur j’ai `a pouvoir, comme je le fais en ce moment, prendre votre petite main mignonne et…
Mais, au m^eme moment, tandis que le lieutenant Nikita voulait saisir la main de Mathilde de Br'emonval, et peut-^etre la porter jusqu’`a ses l`evres, celle-ci se levait, l’air subitement devenu hautain :
— Je vous en prie, dit-elle.
Et, sans affectation, la jeune femme allait s’asseoir sur un si`ege plus 'eloign'e du prince Nikita.
Comme il n’apparaissait cependant pas que son audace e^ut exag'er'ement d'eplu `a celle qu’il courtisait, le prince Nikita ne fut nullement troubl'e.
— Madame, reprit-il, vous ^etes tr`es m'echante aujourd’hui. Voulez-vous donc que je pense r'eellement avoir forc'e votre porte et que ma pr'esence vous d'esoblige ?
Cette fois, un sourire passa sur le visage gracieux de Mme de Br'emonval.
— L`a, l`a, vous employez tout de suite les grands mots. Et d’abord, pourquoi voulez-vous que j’ajoute foi `a vos d'eclarations ? Vous pr'etendez que vous avez plaisir `a me voir, c’est fort galant `a vous, mais qui me prouve que vous m’^etes r'eellement d'evou'e ?
— Oh, oh, songea le jeune homme, me serais-je donc r'eellement fourvoy'e ? Vais-je avoir discr`etement une invitation `a passer chez le bijoutier ?
Voulant pousser l’aventure jusqu’au bout, le prince n’h'esita pas :
— Vous n’avez pas de preuves, madame, de mon d'evouement, je le reconnais, r'epondait-il en souriant, mais il ne tient qu’`a vous d’en avoir autant qu’il vous sera agr'eable ; parlez donc : votre chevalier servant vous 'ecoute et, soyez-en certaine, vous ob'eira.
— Je me contenterai de savoir qu’il ne m’a pas d'esob'ei.
Cette phrase, le prince Nikita ne la comprit pas :
— Vous avoir d'esob'ei, madame ? en quoi ? mon Dieu, vous m’aviez autoris'e `a me pr'esenter chez vous, j’esp`ere…
— Il ne s’agit pas de cela.
— De quoi donc, alors ?
— Je vous ai demand'e, monsieur, de renoncer `a chercher le portefeuille rouge que vous 'etiez venu reprendre en Bretagne. Vous occupez-vous encore de cette affaire ?
— Madame, r'epondit le prince Nikita, mon devoir est de m’occuper de cette affaire, je n’y saurais faillir. Je m’en occuperai donc encore, croyez-le bien, sauf…
— Sauf quoi, monsieur, quelles conditions mettriez-vous `a abandonner une recherche qui me fait peur pour vous ?
— Une condition, madame, que sans doute vous ne sauriez imaginer. Je dois aller m’occuper du portefeuille rouge, gardez-moi prisonnier pr`es de vous, je n’irai pas.
Et, en achevant cette r'eponse, pr'ecise `a en ^etre insolente, le prince Nikita, qui savait qu’une femme pardonne toujours qu’on lui manque de respect parce qu’elle en est toujours flatt'ee, leva les yeux, cherchant `a deviner sur le visage de Mme de Br'emonval la r'eponse qu’elle allait lui faire et qui, sans doute, allait ^etre d'ecisive.
Or, la jolie femme, loin de l’'ecouter, maintenant, pr^etait l’oreille, l’air fort inqui`ete.
— Qu’avez-vous donc, madame ?
— Ne bougez pas, monsieur, ne bougez pas, je reviens dans deux minutes.
Rest'e seul, Nikita tendit l’oreille.
De la galerie voisine, des bruits de voix arrivaient jusqu’`a lui, des bruits de voix qu’il ne parvenait pas `a comprendre nettement, mais o`u il d'em^elait n'eanmoins, par moments, des intonations qui trahissaient l’organe de dame Brigitte, puis encore des accents masculins.
— Bigre, pensa l’officier, assez inquiet de la suite des 'ev'enements ; qui diable peut survenir si malencontreusement ? Dame Brigitte n’a point l’air satisfaite. Oh, oh, aurais-je la mauvaise fortune d’^etre sur le chemin d’un mari peu complaisant ?
Quelques secondes, le prince s’efforcait encore d’'ecouter les conversations voisines, puis, subitement, il tressaillit.
Brusquement la porte du salon s’ouvrit. Un homme entra dans la pi`ece, d’une quarantaine d’ann'ees, 'el'egamment v^etu, que dame Brigitte suivait `a distance respectueuse.
— Que d'esirez-vous, monsieur ? demanda le visiteur.
Le prince Nikita s’inclina, avec une nuance d’impertinence :
— Pardon, mais `a qui ai-je l’honneur de parler ?
— Peu importe. Vous ne me connaissez pas. Veuillez me dire tout bonnement, je vous en prie, la cause de votre visite ici. Vous 'etiez venu voir Mme Brigitte ?
'Etait-ce un quelconque M. de Br'emonval ?
— Mille gr^aces, monsieur, r'epondit le prince Nikita. J’ai eu le plaisir d’^etre recu par madame, en effet, mais j’ai eu le bonheur, ensuite, de voir Mme de Br'emonval, et je serais encore avec elle, j’imagine, si, pour 'echapper `a vos importunit'es, je suppose, elle n’avait cru bon de me demander de l’attendre deux minutes.
— Impossible, dit l’autre, Mme de Br'emonval n’est pas `a Paris.
Et c’'etait l`a une phrase, en v'erit'e, extraordinaire pour le prince Nikita.
— Je vous le r'ep`ete, je causais avec elle quelques secondes avant votre arriv'ee.
L’inconnu alors se retourna vers Dame Brigitte :
— Je suppose, lui demanda-t-il d’une voix que la rage faisait trembler, qu’il ment ? R'epondez, Brigitte.
Dame Brigitte n’eut pas `a r'epondre.
Avant m^eme qu’elle e^ut pu ouvrir la bouche, le prince Nikita, d’un geste furieux, venait de tirer son portefeuille, d’y prendre une poign'ee de cartes de visite qu’il jetait `a la figure de l’inconnu qui osait le soupconner de mensonge, en hurlant.