L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Vous me rendrez raison.
L’inconnu eut un sourire froid et tr`es calme :
— Vous rendre raison ? Me battre avec vous ? Vous ^etes fou, monsieur. Je n’en ai nul motif et nulle envie. Vous ^etes grotesque. Sortez. N’'eternisez pas une sc`ene ridicule. Sortez donc vous dis-je. Puisque vous ^etes familier de la maison, vous devez conna^itre le chemin.
Et telle 'etait l’autorit'e avec laquelle cet inconnu parlait que le prince Nikita sortit, en effet, mais non sans s’^etre inclin'e gravement devant Dame Brigitte et lui avoir d'eclar'e :
— Vous voudrez bien pr'esenter mes hommages respectueux `a Mme de Br'emonval et lui affirmer que je saurai, co^ute que co^ute, la d'ebarrasser d’un goujat qui se permet de parler chez elle en ma^itre et n’en a s^urement pas le droit, puisqu’il n’ose pas se nommer.
***
— Ainsi, disait `a pr'esent l’inconnu, s’adressant `a la femme de charge de Mme de Br'emonval, ainsi voil`a ce que tu fais ? Tu sais que je suis aux prises avec les pires difficult'es, tu sais que je joue ma t^ete, tu sais que Fandor et Juve ont jur'e de me faire monter `a l’'echafaud, que je fr^ole la mort tous les jours, et c’est ce moment-l`a que tu choisis pour me trahir, pour me tromper, pour t’acoquiner avec des officiers 'etrangers, avec un Russe, avec ce prince Nikita, qu’un jour peut-^etre je devrai combattre comme j’ai combattu tous ceux qui ont fait obstacle `a ma route. Oh ! sans doute, je sais ce que tu penses. Ta pauvre cervelle de femme trouve des excuses `a ta conduite. Vous autres, vous avez une imagination folle d`es qu’il s’agit de vous justifier. Tu inventes en ce moment que c’'etait ton droit de me trahir ? que j’ai eu des ma^itresses ? que tu te vengeais ? H'e, malheureuse, faut-il donc que je plaide devant toi la diff'erence qui fait moindre la trahison de l’homme que la trahison de la femme ? Trahie. Tu penses que je t’ai trahie ? 'Etait-ce quand je recherchais ma fille `a Paris-Galeries et que tu t’imaginais que Raymonde 'etait ma ma^itresse ? R'eponds.
Mais Dame Brigitte se taisait toujours.
— Ton silence prouve, peut-^etre mieux que n’importe quoi, ton inconscience. Je t’aimais, entends-tu. Je t’aimais. Moi, moi qu’on dit incapable d’amour, moi qu’on croit impassible, moi qui passe aux yeux de tous pour une brute sans coeur, je t’aimais. J’avais pour toi des tr'esors de tendresse, des vertiges d’adoration. Et il faut que je m’apercoive que tu me trahissais l^achement, b^etement, sottement.
La voix de Fant^omas – car l’inconnu qui entretenait Dame Brigitte, qui venait de jeter `a la porte le prince Nikita, n’'etait autre que Fant^omas – semblait sombrer dans un sanglot muet.
Le bandit, bient^ot, ma^itrisa pourtant son 'emotion :
— Je t’aimais, dit-il encore, je t’aimais, mais je ne t’aime plus. Je ne veux plus t’aimer, comprends-tu ? Il faut que je ne t’aime plus.
Mais, comme il prononcait ces mots de d'esespoir, brusquement, d’un 'elan insens'e, la du`egne aux cheveux blancs, se jeta `a ses genoux.
— Il faut que tu ne m’aimes plus, cria-t-elle. Ah, ne dis pas ca, ne blasph`eme pas. Gurn, mon amant, ma joie, ma vie, mon ^ame. Il est impossible que tu ne m’aimes plus ? c’est impossible.
— Tu m’as trahi.
— Non, ce n’est pas vrai.
— Pourquoi recevais-tu cet officier ?
— Tu sais bien que je fr'emis chaque fois que je sais que quelqu’un contrarie tes plans, tes projets. 'Ecoute. Tu ne peux pas m’en vouloir ? Tu ne peux pas exiger, toi que j’aime, que je sois `a ce point aveugle, que j’oublie qui tu es ? ce que tu fais ?
— Tu me reproches mes crimes ?
— Je n’ai pas la force de rien te reprocher. Mais, piti'e. 'Ecoute-moi. Ne me dis pas que tu m’aimes plus, toi que j’aime. 'Ecoute pourquoi je recevais cet officier, ce Nikita ? Oh, pas pour te trahir, crois-le bien. Tout simplement pour le supplier de ne plus s’occuper du portefeuille rouge, pour l’'ecarter de ta route, pour le sauver de toi qui es le ma^itre de tout, de toi que rien n’arr^ete, de toi que j’aime quand m^eme follement, furieusement. Je te le jure.
Et, tandis que Dame Brigitte adressait `a Fant^omas cette pri`ere passionn'ee, voil`a que tout d’un coup elle se relevait, elle se reculait et, d’un geste fou, arrachait sa perruque, d'epouillait son corsage, enlevait sa jupe. Et ce n’'etait plus Dame Brigitte alors. C’est, dans tout l’'eclat de sa beaut'e affolante, dans la ti'edeur de sa chair passionn'ee, dans la griserie de son corps jeune et svelte, la s'eduisante lady Beltham qui se jeta au cou du bandit.
— Pardonne-moi ? supplia-t-elle, puis elle expliqua : c’est tout `a fait par hasard, alors que Jean-Marie voulait m’assassiner, que le prince Nikita est parvenu jusqu’`a moi, `a Kergollen, au moment o`u, pr^ete `a m’endormir, je venais de quitter mon d'eguisement de Dame Brigitte. Il m’a vue, il m’a trouv'ee belle. Mais je suis belle pour toi, pour toi seul. 'Ecoute, j’ai su qu’il s’occupait du portefeuille rouge. Je l’ai suppli'e de te laisser la route libre. Aujourd’hui, s’il a vu Mme de Br'emonval, c’est pour le faire c'eder. Mais je n’aime que toi au monde.
Fant^omas convaincu par son accent passionn'e, pardonna en effet. Il repoussa doucement sa ma^itresse :
— Va, dit-il, je te crois, je veux te croire. Si tu m’aimes, je t’aime aussi, je ne veux pas t’arracher de moi, mais je ne veux plus de cette existence perp'etuellement malheureuse qui est la n^otre. Maud, je t’en conjure, quitte Paris, ne sois plus ni lady Beltham, ni Mme de Br'emonval, ni Dame Brigitte, ni quoi que ce soit au monde. Accepte de ne rien ^etre que la femme que j’aime. Pars o`u je te dirai d’aller, o`u nous vivrons tous les deux, seuls, l’un pour l’autre, `a tout jamais.
Et, tr`es doucement alors, lady Beltham r'epondait :
— Ordonne, commande, je suis ta chose, je t’aime.
19 – L’HOMME AUX MAINS ROUGES
— Alors, m`ere Zizi, vous n’avez pas trouv'e que c’'etait une chose 'epouvantable que de vendre ce brave Papillon ?
— Ma foi, non, ma fille. Qu’est-ce que tu veux, la malheureuse b^ete est morte sur le coup. Elle avait recu la roulotte juste en plein ventre et sur la t^ete. Que voulais-tu que nous fassions de son corps, le p`ere Zizi et moi ?
— Vous avez raison, maman Zizi. Mais, tout de m^eme, je suis bien certaine que ce n’est pas vous qui avez eu l’id'ee d’appeler l’'equarrisseur. Avoir vendu Papillon `a l’'equarrisseur. Tenez, je ne peux pas me faire `a cette id'ee-l`a, m`ere Zizi. La pauvre b^ete, elle m'eritait un autre sort.
— Dame, qu’est-ce que tu veux, on n’est pas riche ? Les r'eparations vont co^uter cher. Quand on nous a donn'e le conseil de vendre Papillon `a l’'equarrisseur, ni le p`ere Zizi, ni moi, n’avons rien trouv'e `a redire.
— Mais qui est-ce qui vous a donn'e ce conseil, encore une fois ?
— Je ne sais pas. N’importe qui. Quelqu’un qui 'etait l`a, un camelot, il me semble. Oui, un camelot. Mais pourquoi me demandes-tu ca ?
— Oh, pour rien, par curiosit'e. Et on a enlev'e les harnais ?
— Oui. Nous avons vendu le cadavre de notre b^ete et puis ses harnais, et puis tout. Nous nous faisons vieux, et l’'epoque des grands voyages est finie pour nous deux Zizi. Nous r'eparerons la roulotte parce que le p`ere et moi, nous sommes tellement habitu'es `a vivre sous son toit que ce serait un cr`eve-coeur d’^etre oblig'es de nous installer ailleurs. Mais voil`a tout. Et toi, H'el`ene, qu’est-ce que tu aurais fait `a ma place ?