L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Au hasard, J'er^ome Fandor frappa `a la porte du milieu. Il y avait d'ej`a quelques minutes que le journaliste attendait le r'esultat de son appel, lorsqu’une voix retentit :
— Qu’est-ce que c’est ?
— On demande le p`ere Grelot.
Une bord'ee d’injures r'epondit :
— Esp`ece d’abruti, esp`ece de macaque, tas d’idiot, vermine, ah, j’vas t’apprendre, moi, `a m’appeler le p`ere Grelot.
En m^eme temps, la porte s’ouvrit. Un petit vieillard bedonnant apparaissait `a Fandor dans un pittoresque costume, compos'e, en guise de souliers, de vieilles bottes d'eform'ees, en guise de pantalon et de veston, d’un 'enorme paletot transform'e en robe de chambre. Une calotte grecque ornait la t^ete du bonhomme.
— Qu’est-ce que vous me voulez ? r'ep'eta-t-il, la porte entreb^aill'ee, et pourquoi m’appelez-vous le p`ere Grelot ? Je me nomme M. Mar'echal. Ca vous 'ecorcherait pas les l`evres, je suppose ?
Devant ce flot d’invectives, Fandor n’avait pas bronch'e.
— Si je viens vous voir, dit-il enfin, c’est probable que je sais `a quoi m’en tenir. Allons, vieux, faites-moi place, que je puisse entrer dans votre piaule : c’est Jim qui m’envoie. Je viens pour une lecon.
— Ah, c’est Jim qui vous envoie. C’est diff'erent. Fallait le dire. Qu’est-ce qu’il y a pour votre service, mon garcon ?
— Je vous l’ai dit, j’voudrais une lecon.
— Une lecon de quoi ? je ne vous comprends pas du tout. Je ne suis pas professeur.
— Oh, la ferme, c’est pas la peine de me balanstiquer des boniments, p`ere Grelot, j’vous dis tout de suite que j’viens pas au hasard, c’est Jim qui m’envoie. Ca devrait vous ouvrir les mirettes et vous 'eclairer l’entendement. Allons. Faites pas la b^ete et ne perdons pas notre temps. Donnez-moi une lecon.
Le vieux h'esitait encore.
Le nom de Jim que Fandor prononcait avec une belle assurance lui 'etait `a coup s^ur familier, mais tout de m^eme la police est si bien faite parfois, qu’il faut se m'efier toujours. Et le p`ere Grelot se m'efiait, se m'efiait avec toute la prudence acquise que peut avoir un homme qui, vingt fois au moins, a gliss'e du banc de la correctionnelle derri`ere les verrous.
— Une lecon, r'ep'eta-t-il, vous r'ep'etez cela tout l’temps, mon ami, c’est `a vous en faire baver des ronds de chapeaux, une lecon de quoi ? Pr'ecisez, sapristi. J’peux aussi bien vous apprendre `a 'ecrire et `a lire qu’`a siffler la Valse Bleue.
— Ca va bien. Une lecon de grelots.
'Evidemment, Fandor venait de trouver le mot qui devait calmer les soucis du vieillard. Brusquement il s’effacait, s’aplatissait contre la muraille, pour laisser le passage libre :
— Entrez, commanda-t-il, vous ^etes un dr^ole de particulier, mais apr`es tout, j’m’en fous, si c’est Jim qui vous envoie, j’peux pas vous foutre `a la porte.
— Manquerait plus qu’ca.
Fandor, d’une d'emarche titubante, crapule, la d'emarche des apaches de profession, s’introduisit dans le logis du p`ere Grelot. Il inspecta d’un coup d’oeil la pi`ece o`u il venait de p'en'etrer, nota tout de suite avec une surprise qu’il ne songeait pas `a dissimuler qu’elle 'etait assez cossue, garnie d’un mobilier en pitchpin, d’une armoire `a glace, d’un lit recouvert de couvertures `a peu pr`es propres.
— Vous ^etes bien, dans vos meubles, dit-il, avec le claquement de langue appropri'e, on voit qu’ca rapporte l’'ecole.
— Oh, ca n’rapporte pas gros, mais tout de m^eme, j’ai de quoi vivre, et c’est bien justice, il n’y en a pas beaucoup, allez, pour me faire la pige.
Tout en parlant, cependant, le p`ere Grelot poussait par l’'epaule Fandor vers l’armoire `a glace. Il en ouvrit le battant et Fandor ne fut pas peu surpris de voir que l’armoire 'etait fausse en r'ealit'e, dissimulait une porte que le p`ere Grelot ouvrit, qu’il lui fit franchir :
— Voil`a l’'ecole, annonca le vieillard, j’ai d'ej`a un 'el`eve ce matin.
Fandor traversa l’armoire `a glace. La pi`ece dans laquelle il p'en'etra 'etait enti`erement vide, ne comportait aucun meuble, `a part, toutefois, si c’en 'etait un, au centre, un mannequin, repr'esentant un homme habill'e, un mannequin articul'e de grandeur naturelle et sur lequel, au premier coup d’oeil, on distinguait, cousus ou attach'es au bout de longues ficelles, plusieurs centaines de grelots. Au mur, dans un cadre dor'e de fort bonne apparence, d’ailleurs, une grande feuille de papier sur laquelle 'etaient mentionn'ees, sous un titre, fait `a la ronde, en grosses lettres :
Fandor, toutefois, ayant enregistr'e en une seconde mannequin et tableau, reporta toute son attention sur un personnage qui, d`es son entr'ee, s’'etait lev'e, un sourire fig'e sur les l`evres. C’'etait un jeune garcon d’une quinzaine d’ann'ees, aux accroche-coeur soigneusement pommad'es, bottines fines, ayant au bout de ses mains blanches des ongles longs et noirs, figurant `a merveille, enfin, le jeune ouvrier promu souteneur.
Le p`ere Grelot fit les pr'esentations :
— Un 'el`eve dit-il, en montrant Fandor, un copain fit-il, en d'esignant le jeune voyou, mais un copain qui fait ma fiert'e, mon orgueil, qui travaille d'ej`a mieux que p`ere et m`ere.
— Oh ca, s^ur, s’exclama la jeune crapule avec un air de vanit'e extr^eme, n’y a qu’`a consid'erer l’'etat de service, mon p`ere est `a la Guyane, ma m`ere en Centrale, moi je suis encore libre et, nom de d’la, j’pense bien ne pas ^etre pr^et d’^etre fait.
Tout cela, cependant, c’'etait du bavardage, de la perte de temps.
— Allons, au travail dit P`ere Grelot, toi, Mimile, montres-y voir d’abord comment c’qu’c’est qu’on coupe les poches.
Mimile ne se le fit pas dire deux fois.
— Bon, voil`a, expliqua-t-il, en regardant Fandor, si tu n’es pas dessal'e, si t’es pas `a la coule, t’op`ere dans une foule. Le pante est devant toi, tiens, comme lui – et il montrait le mannequin derri`ere lequel il se placa. T’as vu qu’il fourrait dans ses profondes une pochette remplie de braise, ou ses cl'es, ou des fafiots, ou n’importe quoi enfin, qui para^it bon `a faire. Bien voil`a comment que t’op`ere. Suis bien mon geste.
En deux temps, trois mouvements, avec une prestesse qui laissa Fandor pantois, l’'el`eve avait tir'e de sa poche une paire de longs ciseaux et, passant la main sous le bras du mannequin, avait op'er'e une fente dans la doublure du gilet, tendu la main, recu quelques pi'ecettes s’'echappant de la poche, puis il 'eclata de rire :