L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Le « voil`a » du perruquier 'etait triomphal. Moins triomphale fut l’exclamation d’Ellis Marshall :
— Mais vous m’avez abominablement coup'e. Me voici balafr'e pour huit jours.
— Oh, ce n’est rien, monsieur, rien du tout.
— Comment, ce n’est rien du tout ? Ah c`a, vous vous moquez de moi ?
— Nullement, monsieur, nullement, les coupures de la face n’ont jamais caus'e une r'eelle laideur. Songez `a l’esth'etique des sauvages qui se couturent le visage `a seule fin de para^itre avoir combattu en vaillants guerriers. Vous me direz que ce sont des sauvages. L’argument n’a aucune valeur. Je le prouve. Les Allemands agissent de m^eme, monsieur. Les 'etudiants allemands, vous ne l’ignorez pas, sont fiers des balafres – je reprends votre propre terme – qu’ils se font au sabre, ils en sont fiers, ainsi.
— Taisez-vous. Aoh, je n’ai jamais connu de pire bavard comme vous. De plus, vous 'etiez un maladroit, vous m’avez horriblement coup'e et je le r'ep`ete…
— Vous tombez en cela dans une profonde erreur, monsieur, mais qu’importe, j’ai l’habitude d’^etre incompris. Et maintenant, proposait le terrible bavard, comme l’Anglais, apr`es s’^etre pass'e le visage `a l’eau fra^iche, contemplait d’un air chagrin les deux larges coupures qui le d'efiguraient, et maintenant, vous proposerai-je, noble repr'esentant de l’^ile anglaise, vous proposerai-je de vous parfumer ? Les anciens s’oignaient d’huile d’olives, mais nous sommes en p'eriode de d'ecadence, et on se sert plus commun'ement d’eau de Cologne que l’on fabrique `a Paris, d’eau de Portugal que l’on fabrique `a Paris encore, de benjoin, de…
— Aoh, vous allez me fiche le camp imm'ediatement. Le plus vite sera le pr'ef'erable, et je vous donne mon billet que je ne ferai pas des congratulations de vous `a votre maison. Allez, hop.
Exc'ed'e, Ellis Marshall avait empoign'e par le bras le garcon perruquier, il le conduisit de force jusqu’`a la porte de son appartement, il le poussa dans l’escalier tout en r'ep'etant, absolument hors de lui :
— Aoh, aoh, vous 'etiez une insolente, une ignorante, une pr'etentieuse, une d'esagr'eable cr'eature.
Et en m^eme temps il d'ecrochait le t'el'ephone : Il fallut bien au brave Anglais dix bonnes minutes pour obtenir de l’apathie des demoiselles du bureau central la communication qu’il d'esirait. Il l’eut enfin et, ayant fait appeler `a l’appareil le patron coiffeur, il commenca imm'ediatement `a lui adresser de virulents reproches :
— Allo… allo… clamait Ellis Marshall, pench'e sur l’appareil transmetteur ; vous 'etiez une brute, digne de la pendaison. Vous m’avez envoy'e un garcon qui est…
— Mais, monsieur Ellis, je ne comprends pas du tout ce que vous me dites, c’est demain matin que je dois…
— Allo, vous 'etiez digne de passer `a la machine-guillotine pour l’'etendue et la grandeur de vos mensonges. Vous ne voulez pas avouer que vous m’avez t'el'ephon'e il y a une heure en m’annoncant l’arriv'ee d’un nouveau garcon venant ce soir au lieu de demain matin ? et vous ne m’avez pas envoy'e une sorte de fou incons'equent ?
— Mais, jamais de la vie, monsieur Marshall, jamais de la vie. Je ne comprends rien `a ce que vous me racontez. Je ne vous ai pas t'el'ephon'e. Je ne vous ai envoy'e personne. Vous avez 'et'e victime d’un escroc.
Le patron-coiffeur devait `a coup s^ur continuer `a protester, mais le malheureux Ellis Marshall ne l’entendit pas davantage.
Alors que suffoquant de rage, pris d’une de ces col`eres folles particuli`eres aux Anglais, il se penchait sur son t'el'ephone, pr^et `a foudroyer son interlocuteur par une bord'ee de jurons, il perdit compl`etement notion de tout ce qui l’entourait.
C’est alors en effet que, sans qu’il e^ut eu le temps de pousser un cri, sans qu’il e^ut vu qui l’attaquait, sans s’^etre apercu que d’une armoire voisine doucement ouverte, un homme enti`erement v^etu de noir, le visage masqu'e d’une longue cagoule noire, 'etait sorti, s’'etait approch'e de lui, avait lev'e la main, Ellis Marshall, la gorge horriblement taillad'ee par un furieux coup de rasoir, laissa choir l’appareil t'el'ephonique et, poussant un r^ale 'etouff'e, tomba `a la renverse, inond'e de sang.
Moins de trois secondes plus tard, le malheureux baronnet avait cess'e de vivre.
Non seulement, en effet, l’assassin ne manifestait aucune 'emotion, mais m^eme il 'eclata de rire et y alla de son soliloque :
— Pas un cri, pas une exclamation. J’ai toujours le geste vif, la main s^ure. Je puis encore compter faire de jolies choses dans ma vie.
Tout en monologuant, le sinistre bandit ne perdait pas son temps.
Apr`es s’^etre assur'e qu’Ellis Marshall 'etait bien mort, en effet, il jeta le rasoir qui lui avait servi `a perp'etrer son crime, puis il se dirigea vers le lit o`u quelques minutes auparavant le baronnet anglais avait d'epos'e le veston qu’il portait le matin m^eme.
C’est avec une visible anxi'et'e que Fant^omas s’empara de ce v^etement.
Il le tourna et le retourna dans tous les sens, et, soudain, une exclamation de rage s’'echappa de ses l`evres :
— Avoir ourdi toute cette affaire, avoir r'eussi cette invraisemblable histoire de la salle d’armes, m’^etre apercu, gr^ace `a elle, que cet imb'ecile d’Anglais avait le portefeuille, ^etre parvenu jusqu’`a lui, l’avoir tu'e, et puis que tout cela soit inutile, qu’un inconnu, car je n’ai pu voir ses traits de l’armoire o`u j’'etais dissimul'e, ait 'et'e plus vif que moi, ait r'eussi `a subtiliser ce portefeuille, c’est vraiment `a devenir fou.
***
Si Fant^omas, furieux de son 'echec, exhalait sa mauvaise humeur, le garcon coiffeur qu’il accusait n’avait pas 'et'e, quelques minutes auparavant, beaucoup plus satisfait du r'esultat de la visite qu’il venait de faire `a son client anglais.
`A peine Ellis Marshall, en effet, avait-il referm'e sa porte, que l’extraordinaire garcon perruquier avait chang'e d’attitude.
Avec une prestesse insoupconnable chez un individu qui venait de jouer le r^ole d’un bavard, il arrachait la perruque, il se d'epouillait d’une fausse barbe, de deux sourcils postiches, il pliait son chapeau mou, se coiffait d’une casquette plate, puis, retirant sa veste, il la retournait, l’enfilait `a l’envers et, m'etamorphos'e, il se d'ecidait `a descendre l’escalier, `a sortir de l’immeuble, poussant l’audace jusqu’`a saluer la concierge au passage.
Le faux garcon coiffeur, pr'ecipitant sa marche, se dirigeait alors vers le square de la Trinit'e, peu 'eloign'e de l’endroit o`u habitait Ellis Marshall. L`a, avec une extr^eme 'emotion, il tira de sa poche le portefeuille rouge d’Ellis Marshall.
H'elas, il suffit de quelques instants pour que son visage change^at du tout au tout d’expression. Le jeune homme, en effet, venait d’ouvrir le portefeuille rouge qu’il tenait dans ses mains, il en v'erifiait le contenu et il songea, bl^eme de fureur :