L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Mis'ericorde, je suis jou'e. C’est bien un portefeuille rouge, mais ce n’est pas le « Portefeuille Rouge ». Ah, nom d’un de nom d’un chien, qui donc alors peut l’avoir ? Bon sang de bon sang, c’est `a flanquer sa d'emission. Voil`a que je suis camelot, que je file tous les individus int'eressants. Ce matin, j’arrive au bon moment `a la salle d’armes pour ^etre t'emoin du « d'echirage » du veston. Ce soir, je me compose un merveilleux personnage de coiffeur, je raconte un boniment invraisemblable `a cet excellent Anglais pour 'eviter de prendre la tondeuse en mains et ne pas avouer avant d’avoir r'eussi mon vol que je suis totalement incapable de couper les cheveux `a quelqu’un. Et tout cela, tout cela, des tr'esors d’ing'eniosit'e, des merveilles de ruse, tout cela pour rien. Ah, c’est fichant, c’est `a devenir merlan pour de bon.
Il se leva brusquement :
— Apr`es tout, mon petit, se d'eclara-t-il, redevenu joyeux et de bonne humeur, apr`es tout, cela n’a pas d’importance. J’ai 'echou'e aujourd’hui. Je r'eussirai demain. Demain ou apr`es demain, mais je r'eussirai ou j’y perdrai mon nom.
Cet homme qui, successivement, avait 'et'e camelot, puis garcon coiffeur, qui d'eployait une telle activit'e pour rattraper le fameux portefeuille rouge, 'evidemment donnait dans l’optimisme.
25 – REPROCHES ET F'ELICITATIONS
— Je ne suis pas plus b^ete qu’un autre, et dans le fond de mon ^ame, j’estime, m^eme, que je suis plus intelligent qu’un autre. Et pourtant, ma parole, je n’y comprends plus rien du tout. Ah, c’est insupportable, `a la fin, de voir comme l’on est second'e. Il faudrait tout faire soi-m^eme.
M. Havard, qui, depuis pr`es de deux heures, dans le silence de son cabinet, 'etudiait avec une minutie qui prouvait le soin extr^eme qu’il apportait `a tous ses travaux, une pile d’'enormes dossiers plac'es devant lui, repoussa d’un geste las tous les papiers 'epars, passa la main sur son front, avec le geste d’un homme qui se r'esigne `a ne point tirer au clair une affaire embrouill'ee.
— Et Juve qui ne revient pas, murmura-t-il, que diable a-t-il encore fait ? Je parie qu’il s’est livr'e `a quelque enqu^ete stupide relativement `a la mort de ce malheureux Anglais. Je parie qu’il aura voulu faire du z`ele et qu’il va nous amener des complications diplomatiques.
M. Havard, qui avait l’esprit prompt et le geste rapide, brusquement se leva, alla `a un gigantesque tableau de sonneries qui pendait `a la muraille et, d’un doigt rageur, fit carillonner un timbre dont on entendit l’'echo lointain.
Un huissier parut.
M. Havard devait ^etre de fort mauvaise humeur, car c’est d’une voix bourrue qu’il jeta l’ordre que l’on attendait respectueusement :
— Envoyez-moi le chef des Recherches.
Sans bruit, la porte se referma. Elle se rouvrit pour livrer passage `a un petit homme, replet, d'ej`a vieux, portant d’'enormes lunettes rondes, affect'e d’un accent marseillais, qui le rendait `a la fois sympathique et grotesque.
— Mon cher monsieur Lerey, commenca M. Havard, je vous ai fait demander tout simplement pour avoir le t'emoignage n'ecessaire `a la paix de ma conscience, le t'emoignage que voici : oui ou non, monsieur Lerey, comprenez-vous quelque chose aux aventures du portefeuille rouge ?
M. Lerey, qui connaissait parfaitement le caract`ere du chef de la S^uret'e, car il y avait d'ej`a fort longtemps qu’il travaillait sous ses ordres, se garda soigneusement de croire au d'esespoir de M. Havard.
— T'e, monsieur Havard, r'epondit-il donc au chef de la S^uret'e, vous voulez plaisanter, j’imagine, je ne vois pas ce qui peut vous embrouiller en ce moment ? C’est limpide, tout cela, limpide.
Mais M. Havard n’avait pas plaisant'e. Il avait m^eme si peu plaisant'e en affirmant qu’il ne comprenait plus rien `a l’affaire du portefeuille rouge, que le calme satisfait de son subordonn'e acheva de le mettre en col`ere :
— Ah vous trouvez que c’est limpide, fit-il en tapant un violent coup de poing sur son bureau. Eh bien, moi, je trouve que vous avez un certain toupet, ou encore un formidable g'enie, monsieur Lerey. Car, enfin, de deux choses l’une ? Ou vous avez trouv'e toutes les explications voulues et vous ^etes un grand homme. Ou vous n’avez m^eme pas compris les myst`eres qui vous entourent, et…
— Et je suis un imb'ecile ? t'e, monsieur Havard, il y a peut-^etre de l’un et de l’autre. J’ai des id'ees, j’ai des clart'es sur la chose. Mais peut-^etre aussi que je me trompe…
— Eh bien, parlez, mon ami, voyons, d’apr`es vous, qu’est devenu le portefeuille rouge, depuis le moment o`u le Skobeleff a fait naufrage ? Vous avez lu les rapports de Juve ?
— Je les ai lus, monsieur Havard, et c’est en me fondant sur eux que je vais vous r'epondre : le Skobeleff naufrag'e, notre ami Juve sauve le portefeuille et le cache dans une anfractuosit'e de la falaise. `A ce moment, c’est ce que Juve vous a dit, il part par la route en prenant dans ses poches un faux portefeuille, de facon `a attirer les recherches de ses ennemis.
— Apr`es ? Qu’arrive-t-il ?
— Apr`es, monsieur Havard ? Il arrive que le prince Nikita, averti par Juve, se rend en Bretagne pour aller chercher dans la cachette le fameux portefeuille rouge.
— Mais il n’y est plus ? Qui le poss`ede, alors d’apr`es vous ?
— H'e, monsieur Havard, Juve, dans un rapport, vous en a inform'e. C’est tr`es probablement la fille de Fant^omas. C’est elle qui est venue, pendant que Juve s’en allait, reprendre le portefeuille qu’elle lui a vu cacher, et cela est si vrai que, rappelez-vous-en, Juve, persuad'e que la jeune fille l’a dissimul'e dans la roulotte du p`ere et de la m`ere Zizi s’en va perquisitionner dans cette roulotte. Vous vous rappelez, monsieur Havard, comment cette perquisition s’est termin'ee ?
— Naturellement, par la d'egringolade de la roulotte, d'egringolade provoqu'ee par Fant^omas, affirme Juve. Et alors ?
— Alors, monsieur Havard, alors c’est tout.
M. Havard haussa les 'epaules. Une seconde, il sembla m^achonner entre ses dents quelque apostrophe virulente adress'ee au chef du Service des Recherches, mais il se contint.
— Alors, d'eclara-t-il, ce n’est pas tout, monsieur Lerey. C’est m^eme `a ce moment, au contraire, que ces affaires deviennent tragiques. Voyons, vous ^etes au courant des 'ev'enements de ce matin ?