L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Vous visez, monsieur Havard, la communication de l’ambassade russe ?
— Oui, la communication de l’ambassade, qui m’est arriv'ee `a cinq heures du soir et qui m’apprenait que, par le fait d’un myst'erieux hasard, le prince Nikita a failli tuer Ellis Marshall en faisant assaut avec lui `a la salle d’armes. Ce qui est au moins 'etrange, vous en conviendrez, si vous voulez bien penser qu’une heure `a peine apr`es l’arriv'ee de la lettre de l’ambassade, j’apprends que les domestiques d’Ellis Marshall ont retrouv'e leur ma^itre mort assassin'e, la gorge ouverte d’un coup de rasoir en son domicile. De vous `a moi, qu’est-ce que cela vous donne `a penser ? Le prince Nikita, d’une part, `a onze heures du matin, `a la salle d’armes, manquant de tuer Ellis Marshall, un agent qui doit le g^ener, manquant de le tuer, vous m’entendez, ratant son coup et puis, deux heures apr`es, ce m^eme Ellis Marshall d'ecouvert chez lui, mort assassin'e.
— Ce qui me donne `a penser ? Hum…
Et, se d'ecidant enfin `a riposter :
— Cela ne me donne rien `a penser, monsieur Havard.
— Vraiment ? Eh bien, moi, savez-vous ce que j’ai fait en apprenant cet assassinat ?
— Ma foi non, monsieur Havard ?
— Eh bien, je n’ai pas h'esit'e. J’ai fait appeler Juve, et je lui ai dit :
— Et Juve vous a dit, monsieur ?
— Eh bien, il ne m’a rien dit, pour la bonne raison qu’il n’est pas encore revenu. Le prince Nikita a eu son 'etrange accident `a onze heures du matin, `a la salle d’armes. J’ai recu `a trois heures la lettre de l’ambassade me le signalant. `A trois heures et demie on me t'el'ephonait la mort d’Ellis Marshall, et Juve partait imm'ediatement. Depuis, plus aucune nouvelle. Je ne sais m^eme pas ce qu’est devenu Juve.
Or, M. Havard n’avait pas fini sa phrase, que la porte de son cabinet s’ouvrit.
Juve 'etait radieux.
— Quand on parle du loup, monsieur Havard, commenca-t-il.
Mais M. Havard n’'etait pas d'ecid'ement en 'etat de plaisanter. Il coupa brusquement la parole `a Juve pour lui demander :
— Eh bien ? Quel est l’assassin ? Est-ce le prince Nikita qui a tu'e Ellis Marshall ? Pourquoi ce meurtre ?
Juve, sans se presser, avec un calme merveilleux qui contrastait avec l’'enervement de M. Havard, se d'ebarrassa de son chapeau, plia le journal qu’il tenait `a la main, puis enfin se laissa tomber dans un grand fauteuil plac'e face au bureau de M. Havard.
— Chef, dit tranquillement Juve, vous n’y ^etes pas.
— Allons donc.
— Mais d’abord, voici qui va singuli`erement 'eclairer votre religion. Monsieur Havard, savez-vous pourquoi Ellis Marshall a 'et'e tu'e ?
— Non. Dites.
— Parce qu’il poss'edait le portefeuille rouge.
— Ellis Marshall avait le portefeuille rouge ? Vous ^etes certain de ce que vous avancez ?
Juve haussa l'eg`erement les 'epaules, parut h'esiter avant de se d'ecider `a r'epondre :
— Ma foi, certain, monsieur Havard, c’est un gros mot. Je ne suis pas certain qu’Ellis Marshall avait « le » portefeuille rouge, mais je suis s^ur qu’il poss'edait « un » portefeuille rouge.
— Allons, expliquez-vous.
Mais Juve avait pour habitude de ne pas se d'emonter, de ne jamais s’'emouvoir. Tout naturellement, d’ailleurs, il poursuivait, d’autant plus calme que son interlocuteur 'etait plus agit'e :
— Voil`a, je m’explique, monsieur Havard.
Et Juve, sans se presser, tranquillement, informa le chef de la S^uret'e que s’il avait 'et'e fort long `a mener son enqu^ete, la cause en 'etait aux multiples d'emarches qu’il avait cru devoir effectuer.
— Je me suis rendu `a la salle d’armes. Il m’a sembl'e int'eressant de savoir, en effet, dans quelles circonstances le prince Nikita avait failli tuer Ellis Marshall.
Et, de plus en plus pos'ement, Juve parla des incidents de la matin'ee, comment vingt t'emoins avaient apercu le portefeuille rouge de l’Anglais au moment o`u il avait 'et'e perc'e par l’'ep'ee du prince Nikita.
— Vous comprenez bien, monsieur Havard, que sachant alors qu’Ellis Marshall avait un portefeuille rouge, je n’h'esitai pas `a conclure que c’'etait pour avoir ce portefeuille rouge qu’on avait tu'e ce dernier ?
— Et alors, alors ? Qu’est-il devenu, ce portefeuille ?
— Vous m’en demandez trop. Ce portefeuille rouge a disparu. J’ai perquisitionn'e partout chez Ellis Marshall, il n’est plus chez lui, on l’a vol'e.
M. Havard, d`es lors, crut tenir la v'erit'e.
— Vous voyez Lerey, vous voyez que j’avais raison. Le prince Nikita, le matin, a voulu tuer Ellis Marshall pour lui voler ce portefeuille, il a manqu'e son coup, il l’a recommenc'e ce soir, et cette fois il l’a r'eussi. C’est bien votre avis Juve ?
— Pas du tout.
— Ah. Qu’est-ce que vous croyez donc ?
— Parvenu chez Ellis Marshall, je me suis d’abord int'eress'e `a l’examen du corps de la victime. Ellis Marshall est mort, monsieur Havard, d’un terrible coup de rasoir.
— Mais cela ne prouve pas que ce ne soit pas le prince Nikita.
— 'Evidemment. Tout de m^eme, monsieur Havard, c’'etait d'ej`a extraordinaire. J’ajoute que, tout de suite, cela devint significatif. Savez-vous ce que j’ai appris, dix minutes apr`es mon arriv'ee au domicile du mort ?
— Quoi donc ?
— Qu’Ellis Marshall avait recu la visite d’un soi-disant garcon coiffeur.
Juve alors, longuement, minutieusement, – mais M. Havard ne songeait plus `a l’interrompre, – fit le r'ecit de son enqu^ete. Merveilleux d’habilet'e, Juve avait r'eussi, d`es les premi`eres minutes de son arriv'ee chez Ellis Marshall, `a apprendre par la concierge de l’immeuble charg'ee de donner les communications t'el'ephoniques, que l’Anglais, quelques heures avant, avait t'el'ephon'e `a un certain num'ero qui 'etait le num'ero d’un coiffeur. Juve, naturellement, s’'etait pr'ecipit'e chez le coiffeur o`u il avait appris l’invraisemblable histoire du faux garcon perruquier.