L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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De tous c^ot'es, les agents couraient, les chiffonniers fuyaient.
— La rafle, r'ep'eta H'el`ene, si j’essaie de franchir le cercle des gardiens de la paix, j’ai grande chance d’^etre arr^et'ee. Que faire ?
La jeune fille eut soudain une id'ee de g'enie. Elle franchit d’un bond la petite barri`ere cl^oturant la courette o`u elle se trouvait, elle courut `a perdre haleine dans la direction de la cabane qu’habitaient maintenant le p`ere et la m`ere Zizi.
— Ils ont beaucoup de mat'eriel, songeait H'el`ene. `A coup s^ur on leur pr^etera une charrette pour sauver tout cela. Ce serait une bien grande malchance si je ne pouvais cacher le portefeuille `a son bord.
La fille de Fant^omas, sortie du jardin de l’Accapareur, suivit en courant les ruelles qui traversaient le campement des chiffonniers. Les agents qui avaient commenc'e par r'eveiller les biffins du c^ot'e de la porte de Paris, avaient repouss'e ceux-ci dans la direction oppos'ee. Les ruelles o`u passait la fille de Fant^omas 'etaient d'ej`a d'esertes.
Or, comme la fille de Fant^omas, `a bout de souffle, courant aussi vite qu’elle le pouvait, voulait traverser un jardin abandonn'e, elle entendit une exclamation de col`ere :
— Ah, la garce, cette fois-ci elle ne m’'echappera pas !
H'el`ene n’eut m^eme pas le temps de tourner la t^ete.
Elle ressentit brusquement une violente douleur `a la nuque. Elle comprit qu’on venait de lui ass'ener un coup de poing `a assommer un boeuf.
`A demi morte, la fille de Fant^omas tomba sur le sol de tout son long. Et c’est dans un brouillard rouge qu’elle distingua, pench'ee sur elle, la face bestiale de Jean-Marie, qui, rudement, arrachait son corsage, s’emparait du portefeuille qu’elle y avait cach'e, de Jean-Marie qui riait, qui soudain se redressait, qui culbutait.
H'el`ene n’en vit pas plus. Elle s’'evanouit.
Pr`es d’elle, l’incendie flambait le paysage de carton et de bois.
***
— Brute, mis'erable.
Au moment o`u Jean-Marie, qui, depuis le d'ebut de la rafle, se pr'ecipitait sur H'el`ene et lui ass'enait un terrible coup de poing, un homme s’'etait 'elanc'e.
Il avait saisi Jean-Marie au collet, d’une pouss'ee il le relevait, il le frappait au visage :
— Tu vas mourir.
— Ma^itre ! Fant^omas !
Jean-Marie, titubant, abruti par les coups que lui ass'enait Fant^omas, qu’il reconnaissait fort bien, l’ayant d'ej`a vu grim'e en chiffonnier, recula, incapable de r'esister.
Il aurait expi'e sur l’heure le mal qu’il venait de causer `a la fille du bandit, si des silhouettes de gardiens de la paix n’avaient fait leur apparition.
— Allons, vous autres, foutez-nous le camp. Vous voulez donc vous faire pincer par l’incendie ?
Jean-Marie d'ej`a en avait profit'e pour fuir.
Indiff'erent aux flammes qui tourbillonnaient au-dessus de sa t^ete, `a la fum'ee qui devenait asphyxiante, `a la mort qui peut-^etre le guettait, Fant^omas 'etait agenouill'e aupr`es de sa fille 'evanouie. Et lui, le Ma^itre de l’Effroi, lui, le Roi de l’'Epouvante, lui, que rien n’avait fait fr'emir, il appelait d’une voix infiniment douce :
— H'el`ene ? H'el`ene ? ma fille ? qu’as-tu ? je t’en prie ? qu’as-tu ?
— Ah nom de Dieu, je m’en doutais.
Les agents n’avaient pas disparu qu’un nouveau personnage, qui jusqu’alors, probablement avait 'echapp'e `a la rafle, faisait son apparition, consid'erait par-dessus la haie le bandit toujours agenouill'e pr`es de sa fille. C’'etait un jeune homme qui ne devait pas appartenir au monde des chiffonniers, car il se sauvait devant l’incendie, les bras vides.
Fant^omas, en entendant parler, avait lev'e la t^ete :
— Qui ^etes-vous ? que voulez-vous ?
Or, le jeune homme ne semblait nullement 'emu par la vivacit'e de ces questions.
— Elle a 'ecop'e ? dit-il, c’est la fille au p`ere et `a la m`ere Zizi, hein ?
Et, tout en parlant, le jeune homme, `a son tour, franchit la haie et s’approcha.
— Si c’est pas malheureux, continua-t-il, de penser que l’on peut cogner comme ca sur une enfant : heureusement, ca ne sera rien, un 'etourdissement, mais il faudrait pas la laisser l`a ?
— Ah ca, qu’est-ce que ca vous fait que cette jeune fille soit malade ? qui ^etes-vous donc ?
— Qui je suis ? mon vieux, je pense que mon nom ne vous renseignera pas beaucoup, et quant `a ma profession, elle n’a rien d’int'eressant. J’suis camelot, pour vous servir. Mais ca n’est pas tout ca, faudrait voir moyen, patron, d’emporter un peu plus loin la donzelle. `A rester l`a, nous allons nous faire griller tous les trois comme de vulgaires canards. Grouillons-nous.
Mais Fant^omas ne semblait nullement dispos'e `a donner son aide au camelot.
Depuis quelques instants, en effet, il profitait des lueurs aveuglantes de l’incendie pour d'evisager avec une fixit'e 'etrange le jeune homme qui lui proposait de l’aider `a sauver sa fille.
— Le Camelot, dit-il `a mi-voix, mais je le reconnais, c’est lui, lui.
Brusquement, Fant^omas se leva `a son tour. Plus brusquement encore, il traversa en courant le jardinet, il disparut, laissant sa fille aux mains du jeune homme.
Et celui-ci, stup'efi'e, l’entendit crier :
— C’est H'el`ene, je vous la confie, sauvez-la. Moi, je n’ai que le temps de m’'echapper.
***
— Ah nom de Dieu, brigadier, croyez-vous que c’'etait juste ?
— Oui, oui. Il avait bien combin'e son coup.
— Quelle crapule.
— Vous avez raison, brigadier. Des gaillards comme ca, c’est vraiment pain b'eni quand on peut les prendre sur le fait. Celui-l`a n’y coupera pas. C’est la guillotine.
— En effet. Ca sera la guillotine.
— Ou les travaux forc'es `a perp`ete.
— Comme de juste.
… La plaine de Saint-Ouen n’'etait plus qu’un immense brasier d’o`u montaient vers le ciel des tourbillons de fum'ee rabattus par un vent implacable.