L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Les agents qui venaient de proc'eder `a la rafle se retiraient enfin, rentrant `a Paris, harass'es, et c’'etaient deux d’entre eux qui devisaient de la sorte, joyeux.
Alors que l’incendie battait son plein, en effet, alors que M. Havard, en compagnie de Juve, se d'ecidait `a quitter le campement des chiffonniers, une sc`ene 'etrange avait eu lieu, qui avait profond'ement satisfait les braves gardiens de la paix.
L’un d’eux avait apercu, marchant avec pr'ecaution au milieu des cabanes croulantes, des d'ecombres de toutes sortes, un homme, un homme jeune, qui portait sur ses 'epaules, ployant sous ce faix, une femme `a demi 'evanouie. D’abord, un mouvement d’enthousiasme pour le courage du sauveteur avait voulu que tous les braves gardiens se pr'ecipitassent en avant pour aider l’inconnu `a tirer la femme du brasier. Ce mouvement, par malheur, n’avait pas dur'e.
En venant `a la rafle les agents avaient recu des instructions fort pr'ecises et ils ne pouvaient ^etre victimes d’une erreur.
— Le Camelot, c’est le Camelot.
Ce cri, pouss'e d’abord par un seul agent, 'etait en un instant sur toutes les l`evres.
Oui, ce sauveteur 'etait bien le Camelot, recherch'e, le Camelot qui avait motiv'e la rafle, qui s’'echappait, feignant de sauver une femme pour passer `a la faveur de l’apitoiement g'en'eral.
Les agents se pr'ecipit`erent sur lui. Le Camelot 'etait bouscul'e, presque pass'e `a tabac. Assailli de vingt c^ot'es `a la fois, il n’eut pas le temps de se d'efendre.
L’attaque violente, cependant, dont il 'etait victime de la part des gardiens de l’ordre ne pouvait se prolonger. Bient^ot, le Camelot se vit passer les menottes.
— Mais enfin, demanda alors en haletant le Camelot, qu’est-ce que vous avez donc tous, `a vous acharner contre moi ? qu’ai-je fait ? je sauvais une malheureuse chiffonni`ere. J’imagine que ce n’est pas d'efendu ?
Ce qu’il avait fait, le Camelot devait l’apprendre rapidement.
— Ah, ah, mon gaillard, vous voulez faire le malin ? vous rousp'etez ? vous demandez pourquoi l’on vous
Le brigadier s’attendait bien `a surprendre son prisonnier, en lui faisant d’aussi nettes r'ev'elations, mais il ne s’attendait pas `a une stup'efaction pareille `a celle qui se lisait sur le visage du Camelot.
— C’est `a cause de moi qu’il y avait rafle ? r'ep'etait le jeune homme, b'egayant presque d’'etonnement, et je suis accus'e d’avoir tu'e Ellis Marshall ? mais vous ^etes fous. Vous ne savez donc pas qui je suis ? J'er^ome Fandor. Menez-moi vers Juve, que diable.
Fandor, car c’'etait bien Fandor, en effet, qui, depuis longtemps cach'e dans la p`egre pour mieux surveiller la fille de Fant^omas, incarnait le personnage du Camelot, qui avait 'et'e en « camelot » chez le p`ere Grelot, en « camelot » encore `a la salle d’armes, puis s’'etait grim'e en garcon coiffeur pour voler `a Ellis Marshall le faux portefeuille rouge. Fandor se d'emenait comme un beau diable.
— Menez-moi vers Juve, hurla-t-il, menez-moi vers Juve.
— Vers le Pr'esident de la R'epublique aussi ? Si Juve veut vous voir, mon lascar, il saura bien o`u vous retrouver. Au D'ep^ot, allez.
***
— Lui, lui, lui.
Au moment o`u les agents se pr'ecipitaient sur J'er^ome Fandor pour l’arr^eter, la fille de Fant^omas, qui reprenait `a demi connaissance, ne savait m^eme qui l’aidait `a se sauver, fit un effort sur elle-m^eme pour s’arracher `a l’assoupissement qui la faisait encore incapable de se d'efendre.
On entra^inait Fandor, elle 'etait rudement 'etendue sur le sol. Pendant quelques minutes, nul ne s’occupait plus de la jeune fille tant on mettait d’acharnement apr`es le Camelot.
La fille de Fant^omas profita naturellement de l’extraordinaire tumulte. Abandonn'ee, couch'ee sur un talus herbeux longeant une route, elle rampa, elle avanca en d'epit des ronces, des pierres, se tra^inant sur ses genoux, tressaillant aux moindres bruits, croyant toujours qu’on allait la poursuivre.
Vingt minutes plus tard, cependant 'etant suffisamment loin pour ne plus avoir `a redouter d’^etre appr'ehend'ee par la police, la fille de Fant^omas se releva, prit sa course et, dans le petit jour qui commencait `a pointer, droit devant elle, sans m^eme savoir o`u elle allait, partit, 'eperdue. H'el`ene, la rage au coeur, le d'esespoir dans l’^ame, venait de s’apercevoir qu’elle ne poss'edait plus le portefeuille rouge. Qui l’avait pris ?
'Etait-ce l’homme qui l’avait `a demi assomm'ee d’un coup de poing ? 'Etait-ce au contraire celui qui l’avait sauv'ee des brutalit'es de son agresseur ? 'Etait-ce enfin le jeune homme qui, en dernier lieu, l’avait tir'ee des flammes de l’incendie ?
La fille de Fant^omas, au sortir de son long 'evanouissement, n’en savait rien.
Elle ne savait plus qu’une chose, la malheureuse : c’est que la Fatalit'e s’appesantissait sur elle, c’est que, quoi qu’elle f^it, il en r'esultait toujours d’effroyables aventures.
Et elle fuyait le destin, elle fuyait le sort, affol'ee, incapable de r'efl'echir davantage, prise de ce besoin d’aller plus loin que connaissent tous ceux qui ont eu peur, terriblement peur, dans leur vie.
La fille de Fant^omas marcha de longues heures `a l’aventure. Elle finit pas rejoindre une ligne de chemin de fer o`u des trains de marchandises sur des voies de garage semblaient attendre un prochain d'epart.
La fille de Fant^omas n’h'esita pas. Co^ute que co^ute, d'esireuse de fuir Paris, elle se faufilerait sous un wagon, elle s’attacherait aux essieux d’un fourgon.
— Le train m’emportera, pensait-elle, m’emportera loin de tous, loin de mon p`ere que je hais, loin de Juve que je crains, loin de Fandor que j’aime. On m’oubliera. J’oublierai.
27 – LE HANGAR ROUGE
C’'etait un hangar banal d’aspect et qui, certes, n’aurait pas retenu l’oeil du passant si sa renomm'ee n’e^ut 'et'e universelle, si chacun n’avait connu sa lugubre destination.
`A peine les lourdes portes qui le fermaient 'etaient-elles ouvertes timidement, juste ce qu’il 'etait n'ecessaire pour permettre `a un homme de passer – car ces portes semblaient ne devoir jamais s’ouvrir larges qu’`a de rares instants fix'es par un destin immuable – que l’on p'en'etrait dans une sorte de vaste b^atiment o`u l’obscurit'e r'egnait, quasi perp'etuelle, le jour ne pouvant s’y infiltrer qu’avec parcimonie par d’'etroits vasistas grill'es de fer, prot'eg'es, de plus, au moyen d’'epais treillages.
Il faisait noir dans ce hangar et l’oeil le plus perspicace n’aurait d’abord rien pu y d'ecouvrir qui f^ut de nature `a alarmer le plus pusillanime des visiteurs. La pi`ece semblait vide. Il fallait quelques minutes pour arriver `a distinguer dans cet antre quelques caisses de bois num'erot'ees de chiffres gigantesques, puis, dans le fond, deux vieilles voitures peintes en vert sombre, couvertes de poussi`ere, qui ne devaient servir que rarement.
Rien de tout cela n’'etait effrayant. Non, rien. Et pourtant, il suffisait de p'en'etrer dans ce hangar, de respirer quelques secondes son atmosph`ere pour qu’un frisson vous pr^it `a la nuque, vous cour^ut au long de l’'echine, vous secou^at jusqu’`a l’^ame, vous tenaill^at, vous tortur^at, m^it devant vos yeux d’'etranges visions, d’effarantes hallucinations, des visions de matins p^ales, blafards, de matins o`u le petit jour 'eclairait d’horribles trag'edies, se passant dans un immuable d'ecor, le d'ecor d’une hideuse machine dressant sans cesse vers le ciel ses bras rouges et r'eclamant toujours, inlassable, assoiff'ee, de nouvelles victimes.