L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
Шрифт:
Riquet, le plus tranquillement du monde, sifflotant un refrain populaire, fouillait partout, perquisitionnait avec ardeur, se souciait aussi peu que possible des dangers qu’il courait, semblait n’^etre pr'eoccup'e que de trouver le moyen de quitter la maison inconnue :
— Bon Dieu, que je sorte seulement, se r'ep'etait-il de temps `a autre, et apr`es, on verra `a se reposer. Je suis toujours `a trois heures de Paris, en automobile, c’est vrai. Ca doit bien repr'esenter quinze ou dix-huit heures de marche `a pied. Je trouverai peut-^etre l’occasion de br^uler le dur.
Or, tandis que Riquet d'ecouvrait dans un coin de la cave une sorte de petit escalier, tortueux et noir, qui s’enfoncait sous le sol, tandis qu’il commencait `a en descendre les degr'es, en se demandant si, par hasard, il n’avait pas la bonne fortune d’avoir d'ecouvert un souterrain, le gosse pr^eta l’oreille.
— C’est rigolo, se disait-il, j’entends comme un bruit d’eau. Est-ce que, par hasard, il y aurait une rivi`ere qui passerait sous cette esp`ece de ch^ateau-couvent ?
Riquet, dont la bougie 'etait totalement us'ee et qui venait de perdre ses allumettes en faisant une chute, continua `a descendre. Brusquement, il eut la sensation que l’escalier plongeait, en effet, dans une nappe d’eau. L’air qu’il respirait 'etait plus humide, le froid des caves se faisait plus p'en'etrant.
— Mais qu’est-ce que ca veut dire ? monologuait-il, c’est donc l`a que les anciens ch^atelains avaient leur salle de bains ? ou bien que les moines venaient laver leur linge ?
Riquet descendit lentement, prenant garde de ne pas tomber. Or, soudain, comme il quittait une marche, il jeta un cri d’'epouvante. C’est qu’en effet, sans que rien ait pu l’en avertir, il 'etait pr'ecis'ement arriv'e au bas de l’escalier. Son pied n’avait plus rencontr'e d’autres marches et, comme il 'etait pench'e en avant, c’est en vain qu’il avait essay'e de se retenir. Il 'etait tomb'e, il avait gliss'e, roul'e dans le vide. Dans une rivi`ere, dans une nappe d’eau 'etendue sous le myst'erieux ch^ateau. Un autre, d’effroi, de surprise, d’'epouvante, e^ut peut-^etre 'et'e paralys'e. Mais Riquet, trop de fois, s’'etait amus'e `a se baigner dans la Seine, soit aux bains `a quatre sous, soit au quai d’Austerlitz, en d'epit des agents, pour n’^etre pas bon nageur. Tomb'e `a l’eau, il se laissa couler, frappa le fond d’un vigoureux coup de talon, revint `a la surface, faisant la planche.
— Oh oh, murmurait-il, en reprenant haleine, voil`a d'ecid'ement que je varie les plaisirs. Ah c`a, dans quoi suis-je tomb'e ?
Mais ce n’'etait v'eritablement pas le moment de r'efl'echir longuement. La nappe d’eau dans laquelle se d'ebattait l’apprenti 'etait glaciale, Riquet sentit qu’`a peine d’^etre rapidement paralys'e par le froid, il fallait nager :
— Tr`es joli, le lac, songeait-il en lui-m^eme, mais je voudrais bien savoir o`u je m’en vais accoster.
H'elas, Riquet n’'etait pas au bout de ses peines, il n’avait pas fait une vingtaine de brasses, en effet, qu’il avait l’'epouvantable angoisse de se sentir happ'e par un courant des plus vifs, qui l’entra^inait en d'epit d’une r'esistance d'esesp'er'ee.
— Bougre, pensa Riquet, je me demande comment cela va se terminer ? Si la rivi`ere coule si vite, c’est qu’elle doit aller se jeter dans une autre plus grande. Suivons-l`a, apr`es tout, qu’est-ce qui prouve que le courant ne va pas m’entra^iner hors de ce ch^ateau ?
Mais Riquet ne r'efl'echit pas davantage. Au m^eme moment un choc terriblement violent sur le cr^ane l’'etourdit `a moiti'e. En m^eme temps, il eut l’impression qu’il coulait, que l’eau lui passait par-dessus la t^ete. Il avait beau nager de toute sa force, il 'etait englouti, irr'em'ediablement.
L’apprenti devina la v'erit'e : la rivi`ere souterraine devait ^etre canalis'ee dans quelque gigantesque tuyauterie qu’elle emplissait compl`etement. Il venait de s’engager dans cette tuyauterie. Il y 'etait entra^in'e. Il allait p'erir noy'e, sans r'emission.
***
— O`u suis-je ?
Tiens, Riquet 'etait 'etendu dans une sorte d’appareil dont sa t^ete seule d'epassait. En m^eme temps, sur tout son corps, une br^ulure ardente lui donnait une impression de bien-^etre extraordinaire. Cela lui faisait mal, en m^eme temps que cela le ragaillardissait.
— O`u suis-je ?
Autour de lui, pench'ees sur lui, il voyait de bonnes grosses t^etes moustachues, des t^etes qui lui demandaient avec sollicitude :
— Eh bien, petit gars, ca va mieux ?
— Ca va tout `a fait bien, r'epondait-il, tout `a fait bien. Seulement, o`u diable que je me trouve ?
— P’tit gars, tu es dans l’appareil `a ranimer les noy'es du poste de secours du quai de Grenelle.
On lui expliqua, mais ce fut long.
— Dame, c’est bien simple, d'eclara l’un d’eux, mon coll`egue et moi nous 'etions de service sur le quai, tout pr`es du pont. Et puis nous t’avons apercu. Tu te d'ebattais dans la Seine. Heureusement, on sait nager. On s’est mis `a l’eau. On a pu te ramener et te voil`a. Bah, dans un quart d’heure, tu seras d’aplomb.
— C`a, pensait le gamin, c’est vraiment plus fort que de jouer au bouchon.
La pendule indiquait trois heures trente-cinq. Riquet demanda :
— C’est le jour ou c’est la nuit ?
— C’est la nuit, voyons. Comment, tu ne te rappelles pas ?
Riquet se rappelait parfaitement, au contraire. Il se rappelait qu’au moment o`u il avait quitt'e Blanche et H'el`ene, il 'etait trois heures pr'ecises, donc, il y avait trente-cinq minutes `a peine qu’il avait quitt'e les deux jeunes femmes. En trente-cinq minutes, la rivi`ere souterraine dans laquelle il avait si bien failli p'erir l’avait donc conduit du ch^ateau `a la Seine, o`u on l’avait rep^ech'e ? D’autant plus extraordinaire que Blanche Perrier, H'el`ene et lui le savaient, il fallait pr`es de trois heures d’automobile pour aller de Paris au ch^ateau inconnu.
— Bien s^ur, je deviens marteau, se dit le pauvre Riquet. Tout de m^eme, avant de me rendre `a Bic^etre, je vais t^acher d’aller trouver J'er^ome Fandor. Si je peux le joindre, celui-l`a, peut-^etre bien qu’il sera assez costaud pour m’expliquer mon aventure, car c’est pas pour dire, elle me semble bizarre, mon aventure.
Trois quarts d’heure plus tard, Riquet se dirigeait vers la demeure de Taxi, en souhaitant de tout son coeur que J'er^ome Fandor y f^ut revenu.
16 – 'ETRANGES PROPOSITIONS
Mme Granjeard et son fils Paul, assis l’un en face de l’autre, d'epouillaient leur courrier. Huit jours s’'etaient 'ecoul'es depuis leur lib'eration et la m`ere et les fils avaient repris leurs habitudes.
En lisant les lettres que lui passait son fils, Mme Granjeard fronca les sourcils, se mordit les l`evres, cependant qu’elle grommelait :
— As-tu vu Paul ? Voil`a Bichat et Compagnie qui annulent leur commande ?
Elle ajouta :
— C’est tr`es curieux, les Tourbis ont l’air de faire des difficult'es au sujet de la derni`ere livraison. On leur a pourtant bien donn'e ce qu’ils voulaient. Je n’y comprends rien.