L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Le policier s’inclina gravement :
— Je vous pr'esente mes hommages, Madame, fit-il.
Puis, il inclinait l'eg`erement la t^ete dans la direction des hommes, et sans pr'eambule entra dans le vif du sujet :
— Je suis venu vous voir, dit-il, parce que ca va mal, je pressens des ennuis. Voici, dit-il, la situation. M. Mourier, le juge d’instruction charg'e de l’affaire que vous savez, a d'ecouvert quelque chose de tr`es emb^etant…
— Parlez, je vous en prie, supplia Mme Granjeard.
— Mais oui, monsieur, insista Robert, allez.
— Eh bien, reprit Juve, le magistrat s’est apercu que le testament gr^ace auquel vous avez 'et'e lib'er'es les uns et les autres n’a pas 'et'e r'edig'e par Didier. C’est un faux.
Les trois Granjeard n’osaient se regarder. Ils se sentaient coupables de n’avoir pas avou'e, la premi`ere fois que le juge instructeur leur avait montr'e le document, qu’il n’'emanait pas de la victime. Ils le savaient, ils s’'etaient tus.
— Vous comprenez bien, expliquait Juve, que tout peut ^etre remis en cause, que tout peut recommencer.
Accabl'ee, Mme Granjeard se tamponnait les yeux avec son mouchoir, Paul s’'etait laiss'e choir sur un fauteuil, la t^ete entre les mains.
— O`u en est-on ? demanda Robert.
Le policier reconnut que, depuis une semaine, l’instruction n’avait pas fait un pas.
— Monsieur Juve, il y a une certaine piste dont nul n’a parl'e et que la justice para^it avoir compl`etement abandonn'ee.
— Laquelle, monsieur ?
—Celle, dit Robert Granjeard, du chariot, du fameux chariot sur lequel on a transport'e le cadavre si horriblement mutil'e de mon malheureux fr`ere et dont les dimensions de roues co"incidaient avec celles d’un chariot d’infirme habitant pr`es de la rue de la Chapelle.
Juve l’interrompit :
— D’o`u tenez-vous cette histoire-l`a ?
— Mon contrema^itre Landry me l’a racont'ee, il la tenait lui-m^eme de son fils, Riquet, un de mes apprentis.
— Tout ce que vous venez de me raconter, monsieur, est exact. J’avais pr'ecis'ement l’intention de vous parler de cette piste tr`es int'eressante, plus int'eressante m^eme peut-^etre que vous ne pouvez vous l’imaginer. Ce mendiant est assur'ement suspect, cet infirme qui ne l’est pas. De l`a `a conclure qu’il est coupable… Des preuves sont n'ecessaires, je ne vois pas trop comment…
— Ce mendiant, monsieur Juve, habite impasse Urbain, dans un logement voisin de celui qui est occup'e par cette jeune fille, Blanche Perrier, la ma^itresse de mon malheureux fr`ere. Par elle, ne pourrait-on pas avoir des renseignements ?
— J’allais vous le proposer, fit Juve. Vous avez l`a une excellente id'ee. Mais voir Blanche Perrier ? Nous irons peut-^etre `a l’encontre de nos int'er^ets et je dis nos, car, avec votre autorisation, votre cause devient la mienne, si vous le voulez bien ?
— Merci.
— D’abord, Blanche Perrier a disparu. Il est vrai que je pourrai la retrouver, je sais m^eme o`u elle est. Un instant, j’ai eu l’id'ee de vous l’amener ici, je ne l’ai pas fait.
— Pourquoi ? demanda Robert.
— Eh bien, s’'ecria Juve. C’est facile `a comprendre, apr`es tout, cette femme ne peut ^etre que votre ennemie. D’autre part, elle est d’accord avec le mendiant et m^eme, si la culpabilit'e de ce dernier nous apparaissait 'evidente, il est bien certain qu’`a eux deux, ils s’arrangeront certainement pour se trouver un alibi.
Le visage de Robert exprimait la d'esolation :
— C’est vrai, que pourrait-on bien faire ?
Juve poursuivait :
— Les d'eclarations de Blanche Perrier seraient dangereuses pour nous. C’est bien 'evident. Plus j’y r'efl'echis, plus j’en acquiers la conviction. Au lieu de la faire interroger, au lieu de la ramener de notre c^ot'e, il serait pr'ef'erable qu’elle disparaisse. Blanche Perrier 'ecart'ee, la compromission du mendiant sera certaine. Il faudrait exp'edier Blanche dans un autre monde.
Juve avait prononc'e ces derni`eres paroles d’un ton si 'enigmatique et d’une voix si basse, que les Granjeard eurent peur un instant d’avoir mal compris. Ils tressaillirent :
— Dans quoi avez-vous dit ? interrogea Mme Granjeard.
Juve reprit en souriant :
— J’ai dit dans un autre monde, mais non pas ainsi que vous le pensez peut-^etre en ce moment,
Mme Granjeard protestait :
— Mais, monsieur, jamais…
— Malheureusement, c’est difficile. Ces sortes de d'eparts, naturellement, sont difficiles `a obtenir.
— Vous voulez dire ?
— Ils co^utent cher. Il faut beaucoup d’argent.
— Et pourquoi donc ? demanda Paul Granjeard, je ne comprends pas.
Son fr`ere Robert se chargea de lui donner des explications :
— C’est tr`es clair, en effet, fit-il, ce que nous propose monsieur Juve.
— Oh, pardon, dit Juve, je ne vous propose rien du tout.
— Mettons que je me sois tromp'e, recommenca Robert, je reprends donc l’id'ee qui me vient `a l’esprit et, pour simplifier la situation, on pourrait peut-^etre obtenir de cette Blanche Perrier qu’elle s’en aille, qu’elle quitte la France, `a seule fin que son t'emoignage, jusqu’`a pr'esent int'eress'e `a notre perte ne puisse pas venir nous g^ener dans l’oeuvre d’'eclaircissement, le d'emasquage des coupables que nous poursuivons, 'etant naturellement bien entendu que nous croyons fermement que le mendiant infirme est au nombre des auteurs du crime et que la pr'esence de Blanche Perrier lui permettrait peut-^etre de se disculper.
— C’est cela m^eme, d'eclara Juve, et vous avez bien saisi la situation.
— D`es lors, poursuivit Robert, nous n’avons pas `a nous g^ener entre nous : qu’est-ce que vous pensez que ca co^uterait de faire dispara^itre cette personne ? de l’envoyer loin, tr`es loin ?
— Hum, dit le policier, je ne sais pas, il faudrait voir. C’est une situation `a assurer. Il y a des gens `a subventionner pour obtenir leur silence. Mais c’est cher. Voyons, disposeriez-vous de deux cents `a trois cent mille francs ?