L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Deux `a trois cent mille francs, mais c’est une somme 'enorme, Monsieur Juve, voyons, ne vous chargeriez-vous pas de la chose `a moins cher ?
— Pardon, Monsieur, mais je crois que vous cherchez `a n'egocier avec moi. Vous faites erreur et je vous interromps tout de suite. Je ne viens pas vous proposer un march'e, vous offrir une affaire. Vous m’avez demand'e un avis, je vous donne un conseil et voil`a tout.
— Excusez-moi, dit Robert, je suis maladroit dans ma facon de proc'eder. Je voulais vous demander si, 'etant donn'e le grand int'er^et que vous nous portez, le d'esir que vous avez, comme nous, de voir triompher la v'erit'e, vous consentiriez `a ^etre notre interm'ediaire aupr`es des personnes susceptibles de d'ecider Blanche Perrier `a dispara^itre pour un temps assez long, de facon qu’elle ne vienne point entraver par de fausses d'eclarations l’action de la justice qui, d`es lors, sur votre initiative, s’orienterait tr`es cat'egoriquement sur la piste du mendiant.
— Ceci est tout diff'erent, r'epliqua Juve et, d`es lors, vous pouvez ^etre assur'e que mon concours vous est acquis, le cas 'ech'eant. Je vous r'ep`ete toutefois qu’il est parfaitement inutile de rien entreprendre avant d’avoir une somme liquide de deux `a trois cent mille francs.
— Nous vous la donnerons, cette somme, d'eclara Robert.
— Pardon, fit Mme Granjeard, mais il me semble, mon cher enfant, que tu prends des d'ecisions bien importantes sans m’en avoir r'ef'er'e.
— Vous refuseriez, Madame ? demanda le policier.
Paul Granjeard intervint :
— Ma m`ere, Monsieur, fit-il, n’a pas dit cela, mais il s’agit d’une grosse somme et, nous autres, commercants, nous n’avons l’habitude de ne nous engager que lorsque nous sommes certains de pouvoir tenir.
— Je le comprends, fit Juve, alors, je n’insiste pas… il sera toujours temps de prendre une d'ecision.
— Ma d'ecision est toute prise, Monsieur, dit Mme Granjeard, quoi qu’il advienne, je ne sortirai pas un sou. Je suis s^ure que telle aussi est l’opinion de mon fils, du moins de mon fils Paul.
La veuve du marchand de fer se tournait vers son a^in'e :
— Qu’en penses-tu ?
— Apr`es tout, ma m`ere a raison, monsieur, et d’ailleurs o`u prendrait-on cet argent, nous ne disposons pas des fonds n'ecessaires.
Robert intervint dans la discussion :
— Je vous assure, dit-il, que l’id'ee que j’ai 'emise m'erite d’^etre prise en consid'eration. La question d’argent n’existe pas. D’autant que depuis la mort de notre malheureux p`ere nous avons, mon fr`ere et vous aussi, ma m`ere, chacun une somme de cinq cent mille francs liquide.
Sa m`ere, s`echement, lui avait coup'e la parole :
— Il suffit, Robert, ne parlons plus de cela.
Juve s’'etait lev'e, il salua respectueusement Mme Granjeard, tendit la main `a ses deux fils :
— Vous aurez, murmura-t-il 'enigmatiquement, peut-^etre l’occasion de revenir bient^ot sur votre d'ecision. Souvenez-vous qu’`a l’heure actuelle, M. Mourier, juge d’instruction, vous consid`ere comme tr`es suspects, eu 'egard au faux testament de Didier dont vous n’avez pas r'ev'el'e le caract`ere apocryphe. L’opinion publique vous accuse et d’autre part, on s’attend que Blanche Perrier fasse un jour, peut-^etre un jour tr`es prochain, de graves r'ev'elations. Retenez bien ce que je vous dis, ce ne sont pas des propos en l’air. Vous savez qui je suis pour le public, pour tout le monde, et vous connaissez mon adresse. Je vous quitte. Au plaisir de vous revoir. Et retenez bien que la personne `a redouter c’est Blanche Perrier.
17 – AU COUVENT
Dans son mis'erable logis o`u il continuait `a habiter sous son nom d’emprunt, Taxi, ou plut^ot J'er^ome Fandor, e^ut 'et'e curieux `a contempler. Fandor avait recu la visite de Riquet, et, par le jeune homme, avait appris les p'erip'eties d’H'el`ene depuis sa soudaine disparition dans la chemin'ee d’a'eration du tunnel par o`u elle s’'etait 'evad'ee.
Il avait appris, en outre, que Riquet s’'etait cach'e dans le coffre d’une automobile qui stationnait `a la porte de la prison de Saint-Lazare, avait fait un voyage des moins confortables. Enfin, 'etait descendu de voiture dans le ch^ateau myst'erieux o`u Blanche Perrier avec H'el`ene 'etaient retenues prisonni`eres.
Riquet n’avait pas dit `a Fandor que l’automobile 'etait occup'ee par Juve. Sans qu’il p^ut s’en rendre compte exactement, Fandor se doutait bien que Riquet lui avait cach'e quelque chose, mais il 'etait `a cent lieues d’imaginer que c’'etait la rencontre de son ami, le fameux policier que tout le monde s’obstinait `a consid'erer comme mort, et que lui seul, Fandor, soupconnait d’^etre encore en vie.
— Riquet, s’'etait dit Fandor, ne m’explique pas par quel myst'erieux hasard il s’est trouv'e enferm'e dans le coffre de cette automobile. Soyons discret et ne cherchons pas `a le savoir trop exactement. Hum, il y a bien des outils dans le coffre d’une automobile capables de s'eduire un individu de l’esp`ece de Riquet, et de r'eveiller en lui des instincts de chapardeur.
Justifiant de la sorte la mont'ee de Riquet `a bord de la voiture inconnue, Fandor qui ne songeait pas `a imaginer que Riquet se taisait tout simplement parce que, ne comprenant rien `a l’attitude de Juve, il ne voulait pas se m^eler de quelque chose qui lui faisait un peu peur, Fandor s’occupait seulement de d'em^eler l’intrigue qui semblait se nouer autour d’H'el`ene et de Blanche Perrier.
Petit `a petit, Fandor d'esesp'erait de trouver le mot de l’'enigme en ce qui concernait la raison de la captivit'e de Blanche, ou de l’enl`evement d’H'el`ene.
En revanche, il ne voulait pas s’avouer `a lui-m^eme qu’il 'etait infiniment difficile avec les pauvres renseignements dont il disposait, de d'efinir exactement l’endroit o`u pouvait se trouver le ch^ateau dont Riquet lui avait parl'e. Riquet, d’ailleurs, avait 'et'e peu explicite. Ce qu’il avait dit du ch^ateau, o`u son s'ejour n’avait dur'e que quelques instants, stup'efiait et ahurissait Fandor.
— C’est un lieu, avait affirm'e le jeune apprenti, qui est `a trois heures de Paris, quand on y va, et `a trente-cinq minutes quand on en sort. Il y a une rivi`ere qui passe en dessous et dans le jardin il y a des marronniers. Enfin les murs sont 'elev'es, les caves sont profondes, et j’ai relev'e sur la facade une statue qui repr'esente un petit bonhomme tout nu, avec des pigeons sur l’'epaule. Le type qui m’a pris pour un revenant a racont'e que c’'etait un ancien couvent.
Riquet n’avait rien dit de plus, et Fandor avait eu beau torturer les phrases de son indicateur b'en'evole, il ne pouvait leur faire dire beaucoup plus. Certes, le renseignement 'etait pr'ecieux, qui le mettait `a m^eme de deviner que la facade du ch^ateau 'etait orn'ee d’une statue de l’amour apprivoisant des colombes. La composition m^eme de ce groupe, permettait de deviner `a peu pr`es `a quel style appartenait l’architecture de l’habitation, mais il y a en France une infinit'e de ch^ateaux, et Fandor se disait avec juste raison qu’une vie enti`ere lui suffirait `a peine pour visiter apr`es les avoir d'ecouvertes, toutes les maisons dont la facade pouvait comporter la statue d’un Amour surcharg'e de colombes. Il est vrai que Riquet 'egalement avait d'eclar'e `a Fandor que ce ch^ateau 'etait un ancien couvent. Cela tout d’abord semblait inadmissible au journaliste qui ne pouvait croire que la statue de l’amour figur^at ainsi devant le perron d’une demeure aussi sainte.