L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Sous la conduite de la grosse vieille femme en effet, le cort`ege venait d’arriver au rez-de-chauss'ee de l’immeuble, devant une porte qui donnait sur le jardin.
La grosse femme fit jouer des verrous compliqu'es, tourna une cl'e dans la serrure, voulant ouvrir une porte qui r'esistait.
— Tiens.
Naturellement, la grosse vieille femme s’acharna `a ouvrir le battant qui ne voulait pas tourner. Elle devait ^etre, cette extraordinaire personne, d’une force hercul'eenne, car, s’y arc-boutant, elle r'eussit `a repousser le battant. Il n’'etait pas ferm'e en effet, mais simplement maintenu, appuy'e par un gros tonneau qui avait roul'e tout contre.
— Au diable la barrique, pesta la grosse vieille femme qui, par le battant entreb^aill'e, apercevait ce qui lui faisait obstacle.
L’'etrange personne donnait un coup d’'epaule, le battant poussait le tonneau, qui roulait, la porte s’ouvrit, les agents pouvaient passer.
***
Dans son tonneau, J'er^ome Fandor, aux trois quarts ivre, venait de se souhaiter son dernier adieu, lorsqu’`a nouveau, une catastrophe se produisit, d’abord incompr'ehensible.
Depuis la chute, son tonneau n’'etait plus debout mais couch'e. Il avait eu la sensation qu’il avait rebondi plusieurs fois, roul'e, puis qu’il s’'etait cal'e contre quelque chose. J'er^ome Fandor ne bougeait plus, se tenait immobile, mais, soudain, le tonneau se mit `a marcher, roula sur quelques m`etres.
Mais le sol lui avait manqu'e encore une fois et J'er^ome Fandor, pr'ecipit'e contre les parois de sa prison, manquait de s’y fendre le cr^ane, tandis que, tombant cette fois de tr`es haut, le tonneau heurtait semblait-il des murailles, rebondissait de droite `a gauche, roulait toujours.
Cela ne dura qu’une seconde, cette chute vertigineuse.
— C’est invraisemblable se disait Fandor, je retombe encore, o`u diable suis-je tomb'e ? en tout cas, je vais me briser le cr^ane.
Il se trompait. Au m^eme moment, dans un heurt plus violent, le tonneau se disloqua et l’habitant de la barrique eut la surprise de choir, non pas sur un terrain solide, mais bien dans une masse d’eau profonde dans laquelle il coulait.
Non seulement l’eau amortit sa chute, mais encore sa fra^icheur rappela au sentiment des choses l’ivrogne involontaire.
J'er^ome Fandor revint `a la surface d'egris'e et pr^et `a tirer parti des 'ev'enements. Il comprenait d’ailleurs aussi ce qui venait de lui arriver.
Le tonneau 'etait tomb'e dans un puits ; dans sa chute il s’'etait bris'e et J'er^ome Fandor avait la bonne chance de d'ecouvrir que le puits 'etant d’un ancien et petit mod`ele, il y avait une corde au bout de laquelle 'etait attach'e un seau qui pendait `a port'ee de sa main.
— Hourrah ! s’'ecria le journaliste.
Et sans plus s’'etonner, car, au fond de lui-m^eme, il avait une telle confiance en son 'etoile qu’il acceptait son sauvetage comme une chose toute naturelle, J'er^ome Fandor agrippa la corde et commenca `a se hisser hors du puits.
Le journaliste 'etait 'evidemment dou'e d’un caract`ere extraordinaire, pour n’^etre pas compl`etement abruti par la s'erie des aventures fantastiques qu’il venait de vivre, et aussi J'er^ome Fandor, gr^ace `a son existence perp'etuellement acrobatique et dure, avait des muscles d’une r'esistance extr^eme. Comme les boxeurs et les gens qui luttent, le journaliste 'etait presque insensible aux coups. Il se blessait rarement. De plus, gymnaste consomm'e, sa souplesse le pr'eservait des chutes dangereuses.
Hors du puits, J'er^ome Fandor, `a bout de force, mais vaillant, s’assit sur la margelle.
— C’est simple comme bonjour, se dit Fandor, seulement il fallait y penser. Tout de m^eme, je voudrais bien savoir qui a ouvert la porte. Celui-l`a m’a rendu un rude service, sans peut-^etre s’en douter.
Il 'etait dit, malheureusement, que J'er^ome Fandor ne devait pas pouvoir se reposer ce jour-l`a.
Une balle lui siffla aux oreilles, 'ecorchant une pierre contre laquelle il 'etait appuy'e.
— Bigre, hurla Fandor, d'ej`a sur ses pieds et courant `a travers le parc peupl'e d’ombres, il gr^ele des pruneaux.
La nuit 'etait venue cependant. Dans le parc, J'er^ome Fandor se faufilait avec d’autant plus de prestesse que, derri`ere lui, il apercevait sept ou huit inconnus `a sa poursuite.
— Tr`es mauvais, se dit le journaliste, des k'epis, des sabres, des boutons qui luisent. Ce sont de respectables flics qui me donnent la chasse. D'ecid'ement je n’ai pas de chance. Je sors des mains de Fant^omas pour tomber dans celles des cognes.
Fuyant toujours, Fandor s’orienta dans le parc, trouva une porte ouverte, se jeta dans la rue de l’Assomption. Derri`ere lui, `a cent m`etres, des agents d'ebouchaient, eux aussi, du couvent, hurlant `a qui mieux mieux :
— `A l’assassin ! Arr^etez-le !
— Ils sont charmants, pensa Fandor, et d’une discr'etion.
`A huit heures du soir, la rue de l’Assomption est quasi d'eserte, J'er^ome Fandor, au grand galop, la suivit. Rue Raynouard, il remontait de quelques m`etres, puis tourna `a droite, s’'elanca vers les berges de la Seine. Arriv'e pr`es du fleuve il souffla :
— Je pense qu’ils ont perdu mes traces.
Les agents avaient si peu perdu de vue Fandor qu’ils apparaissaient en haut des berges :
— Cela se g^ate.
Il jeta les yeux autour de lui, 'epouvant'e, cherchant un endroit o`u se dissimuler. Il n’y en avait pas.
— D'ecid'ement, c’est charmant, reprit-il, s'erieusement alarm'e.
Mais, apr`es une pause, une seconde d’h'esitation, il 'eclata de rire :
— Ah, zut, apr`es tout, murmura-t-il, il y a d'ej`a sur la Seine les bateaux-mouches, je m’en vais lancer un bateau de mouches.
Le jeu de mots ne valait rien. L’id'ee 'etait bonne. En trois enjamb'ees, J'er^ome Fandor franchit une l'eg`ere passerelle reliant une p'eniche au quai.
On l’avait vu, les agents hurlaient :
— Il est pris ! Hardi, il est pris !
— Pas encore, murmurait Fandor.
En m^eme temps, sachant bien qu’`a bord de la p'eniche il 'etait `a peu pr`es invisible, Fandor se laissait couler dans la Seine.
Et, tandis que les agents, les cinq agents lanc'es `a sa poursuite, grimpaient `a bord du chaland, Fandor nageait, lui, vers la berge.