L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
Шрифт:
— C’est entendu, Monsieur, d'eclarait cette personne rev^eche, vous allez examiner avec les propri'etaires `a quel prix vous pourrez me fournir ces pi`eces de vin dans les quantit'es que je vous indique. 'Ecrivez-moi alors, nous verrons si nous pouvons nous entendre.
Au porte-parapluie le courtier reprit son paletot. Il salua une derni`ere fois la directrice de l’usine.
— Il me reste, Madame, `a vous remercier de votre bienveillant accueil. J’esp`ere, en effet, que nous arriverons facilement `a nous entendre.
Dehors, la porte de l’h^otel referm'ee, le courtier se frotta les mains.
— 'Evidemment, murmurait-il, 'evidemment, je n’ai rien appris de bien sensationnel au cours de ma visite, toutefois, si je ne me trompe pas, je peux tenir pour assur'e que Mme Granjeard est, avant tout, une femme int'eress'ee avec qui il ne faudrait pas badiner en mati`ere d’argent. H'e, h'e, le renseignement a son importance.
Tout en songeant, le courtier s’orientait dans Saint-Denis, retrouvait la ligne des tramways qui rentrent dans Paris, grimpait dans une voiture. Il 'etait d'ecid'ement fort occup'e, car il ne remarqua m^eme pas l’attention avec laquelle un jeune garcon montait derri`ere lui en voiture, et venu s’asseoir `a ses c^ot'es, le d'evisageait.
— Cette Mme Granjeard, pensait le courtier, elle n’a d’autre souci que de faire fortune. Elle parle de son mari mort sans la moindre 'emotion. `A trois reprises j’ai prononc'e le nom de ce malheureux Didier, et je ne l’ai m^eme pas vue tressaillir. Allons, jolie nature encore.
Le tramway, rapide, car les tramways de p'en'etration ont l’avantage d’aller beaucoup plus vite que les tramways circulant dans Paris, venait de franchir la barri`ere quand le courtier, soupirant profond'ement, releva la t^ete, chercha `a s’orienter.
Il 'etait pr`es de sept heures et demie du soir. Il faisait froid. Les vitres de la voiture disparaissaient sous la bu'ee. Le courtier, tout naturellement, se leva `a moiti'e, chercha `a distinguer la rue o`u il se trouvait et, g^en'e par la bu'ee des vitres, voulut prendre dans sa poche de pardessus sa paire de gants et s’en servir afin de nettoyer le carreau.
Or, `a ce moment pr'ecis, tandis qu’il fouillait dans sa poche, un cri d’horreur s’'echappa des l`evres de tous les voyageurs qui se trouvaient avec lui dans le tramway.
Le courtier avait bien mis la main dans sa poche, il avait bien retir'e sa paire de gants, mais sans s’en apercevoir il avait fait tomber encore de sa propre poche quelque chose qui 'etait 'epouvantable `a regarder, qui gisait sur le plancher de la voiture, qui 'etait une longue chevelure, une chevelure de femme, une chevelure `a laquelle adh'eraient encore des morceaux de chair sanglants.
`A la minute, tandis que les voyageurs, pris de panique, hurlaient d’effroi, le courtier se retourna et consid'era, lui aussi, le scalpe tomb'e entre les banquettes. Il ne p^alit pas, l’'etrange courtier, mais il poussa un sourd juron.
— Cr'edibis`eque, qu’est-ce que cela veut dire ?
`A ce moment, on cria :
— `A l’assassin, arr^etez-le, arr^etez-le.
Le courtier, encore mal remis de son propre 'etonnement, vit autour de lui des poings tendus menacants, des visages que la col`ere et le d'ego^ut rendaient furieux.
— Mais sapristi, commenca-t-il, qu’est-ce que vous avez donc tous ? Qu’est-ce qui a jet'e ca ?
Il se baissa, il ramassa la chevelure, il la consid'era l’oeil stup'efait. Les vocif'erations continuaient cependant. On se remit `a crier :
— `A l’assassin, arr^etez-le, arr^etez-le !
Le courtier pourtant, son premier effroi pass'e, semblait retrouver un grand sang-froid. D’un geste autoritaire il 'ecarta ceux qui se bousculaient pr`es de lui :
— Conducteur, criait-il, ne laissez descendre personne.
Et, en m^eme temps, se dirigeant vers la sortie de la voiture, `a haute voix, l’'etrange personne commanda :
— Je v'erifierai l’identit'e de toutes les personnes pr'esentes, par cons'equent, inutile de vouloir r'esister. Que la personne qui a perdu cette chevelure se livre d’elle-m^eme.
C’'etait l`a, pour les assistants, des paroles extraordinaires, car chacun 'etait persuad'e que le scalp 'etait bel et bien tomb'e des poches de ce voyageur.
Pourtant, au moment m^eme o`u il affirmait qu’il v'erifierait l’identit'e de toutes les personnes pr'esentes, une voix s’'eleva tranquille, qui r'epondit :
— Eh bien quoi, faites pas de p'etard, puisque je suis fait, j’aime autant le dire tout de suite, c’est moi qui ai laiss'e tomber ca.
C’'etait un gosse qui riait, avec une belle qui'etude, s’avancant vers le courtier :
— Emmenez-moi, disait-il, c’est moi qui ai perdu le scalp que vous tenez, mais je ne tiens pas `a me faire 'etriper par la foule.
La d'eclaration du gosse – c’'etait le gamin qui, depuis Saint-Denis avait d'evisag'e le courtier – fit stupeur.
Un instant, on se tut. D'ej`a le courtier avait mis sa main sur l’'epaule du gamin, le poussant vers la sortie de la voiture ;
— Suis-moi.
Le conducteur toutefois, barra le passage.
— Qui c’est que vous ^etes ? demandait-il, ah, mais ca ne peut pas se passer comme ca, faut chercher les agents.
Pour toute r'eponse, le courtier prit dans sa poche une sorte de petit carton qu’il placa sous les yeux de l’employ'e.
— Inspecteur de police. Faites arr^eter, et repartez tout de suite. J’emm`ene le gamin.
Il tenait en effet par l’'epaule solidement le gosse, qui s’'etait livr'e de lui-m^eme.
Il le fit descendre et descendit en m^eme temps que lui.
— Repartez, cria l’inspecteur de police au conducteur du tramway.
Et, en m^eme temps, il entra^inait brutalement l’enfant. Les deux hommes firent ainsi quelques pas, puis le faux courtier s’arr^eta et consid'erant son prisonnier :