L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Elle embo^ita le pas `a Fleur-de-Rogue qui, d'elib'er'ement, s’engageait dans la for^et. Les deux femmes march`erent longtemps, beaucoup plus longtemps qu’elles ne le pensaient, et cette marche forc'ee 'etait d’autant plus p'enible qu’il leur fallait `a tour de r^ole, porter dans leurs bras le petit Jacques, profond'ement endormi. H'el`ene, au fur et `a mesure que tombait la nuit, devenait de plus en plus inqui`ete :
— C’est tr`es long, murmura-t-elle, si nous avions su, nous serions rest'ees coucher au village.
Fleur-de-Rogue, en s’excusant, n’'etait gu`ere plus rassurante.
— J’ai d^u me tromper de chemin, avouait-elle, je ne me reconnais pas bien.
Fleur-de-Rogue fit faire `a sa compagne quelques contremarches, la faisant rebrousser chemin `a plusieurs reprises.
Que signifiaient donc ces h'esitations ? Enfin, tout d’un coup, comme l’on apercevait, par une clairi`ere, la masse sombre que faisait une petite maison `a la lisi`ere des bois, Fleur-de-Rogue poussa un cri de satisfaction :
— Ah, cette fois, d'eclara-t-elle, je m’y reconnais, nous y sommes.
H'el`ene 'etait toute surprise, elle ne put s’emp^echer de d'eclarer :
— Eh bien, franchement, Fleur-de-Rogue, tu aurais pu t’en apercevoir plus t^ot. Voil`a pr`es d’une heure que nous errons aux alentours de cette maison sans que tu aies eu l’air de la remarquer, et c’est maintenant seulement que tu te reconnais.
H'el`ene, `a ce moment, 'etait fort occup'ee `a arranger le manteau du petit Jacques qui s’'etait d'efait, c’est pourquoi elle ne vit point le coup d’oeil narquois et farouche que lui lanca sa compagne. Lorsque H'el`ene la regarda, le visage de la pierreuse avait repris une physionomie calme et souriante. Les deux femmes s’approch`erent de la maison.
— Tante Gertrude, cria `a deux ou trois reprises la pierreuse qui, se penchant `a l’oreille d’H'el`ene, lui recommanda avec pr'ecipitation :
— Ne fais pas de blague, dit-elle, la vieille ne me conna^it pas sous le nom de Fleur-de-Rogue, et c’est Catherine qu’on m’appelle dans la famille.
— C’est entendu, fit H'el`ene, je ne gafferai pas.
Fleur-de-Rogue cependant, s’'epoumonait en vain `a crier. Nul ne r'epondait `a ses appels, aucun bruit ne se percevait `a l’ext'erieur comme `a l’int'erieur de la maison, une masure sinistre, d'elabr'ee, qui paraissait inhabit'ee.
— Faut croire, grommela Fleur-de-Rogue, qu’il y aura eu un malentendu, la vieille est peut-^etre absente.
Tr`es d'elib'er'ement et comme quelqu’un qui en a l’habitude, Fleur-de-Rogue fouilla dans son corsage et en retira un long trousseau de rossignols et des passe-partout.
— Que comptes-tu faire ? demanda H'el`ene.
— Parbleu, grommela la ma^itresse du Bedeau, je m’en vais ouvrir la lourde, pour que nous puissions entrer dans la t^ole. Penses-tu pas que nous allons plumer dehors, par le temps qu’il fait ? C’est qu’on g`ele dans ce patelin-l`a.
Et, de fait, la nuit menacait d’^etre froide, une sorte de brume 'epaisse s’abattait lentement sur la for^et environnante. Avec une remarquable dext'erit'e, Fleur-de-Rogue fit tourner le p^ene dans la serrure, poussa la porte, entra dans la maison. Une bouff'ee d’air ti`ede, une odeur de moisi saisirent `a la gorge les deux voyageuses.
— Nous avons l’air de cambrioleuses, dit H'el`ene.
Mais Fleur-de-Rogue haussa les 'epaules :
— Et puis, apr`es, qu’est-ce que cela peut fiche ? r'epliqua la ma^itresse du Bedeau.
La fille de Fant^omas r'eprima un sourire et n’insista plus. En effet, son objection 'etait d'eplac'ee, sa compagne en avait vu et fait bien d’autres. Fleur-de-Rogue, apr`es avoir rapidement inventori'e du regard la pi`ece dans laquelle elles se trouvaient fit craquer une allumette, donna de la lumi`ere. C’'etait une salle basse, pauvrement meubl'ee, d’un vrai mobilier de chaumi`ere, comportant : table en bois massif, quelques chaises de paille, lit compos'e d’une paillasse et d’un 'edredon, en face de la grande chemin'ee, o`u apr`es coup, on avait install'e un fourneau de cuisine. `A des ficelles tendues au mur pendaient des bottes d’oignons, des l'egumes secs, quelques tranches de lard.
En ouvrant un coffre plac'e non loin de l’^atre, Fleur-de-Rogue y d'ecouvrit un morceau de pain bis et quelques bouteilles de vin :
— Bonne affaire, s’'ecria-t-elle, on ne se couchera pas le ventre vide. Mets le couvert, H'el`ene, pendant que je m’en vais pr'eparer le rata avec ce qui se trouve ici. Dame. Bien s^ur, cela ne vaudra pas les gueuletons que l’on fait `a Pantruche lorsqu’on a du foin plein ses bottes.
H'el`ene ne se fit pas prier. Elle mit un couvert de fortune, r'ecoltant `a droite, `a gauche, des assiettes 'ebr'ech'ees, des couverts disparates. Les deux jeunes femmes, d’un commun accord, avaient fait d^iner d’abord le petit Jacques, puis, l’enfant, qui tombait de sommeil, avait 'et'e couch'e dans le lit au fond de la pi`ece, o`u il s’endormit aussit^ot.
H'el`ene et Fleur-de-Rogue, d^in`erent ensuite, silencieuses, fatigu'ees, se renfermant chacune en elle-m^eme et pensant `a leurs affaires. H'el`ene n’'etait pas autrement ravie de la tournure que prenait ce voyage. Elle se demandait s’il serait raisonnable de laisser le petit Jacques aux mains de cette tante rustaude et campagnarde que lui avait d'ecrite Fleur-de-Rogue comme 'etant une excellente femme sans doute, mais il 'etait tr`es d'elicat de se fier aux d'eclarations de Fleur-de-Rogue. En tout cas, la vieille tante ne semblait pas habiter souvent son domicile, et il apparaissait que, lorsqu’elle le quittait, elle le laissait, sinon dans le plus absolu d'enuement, du moins dans le plus parfait d'esordre. La r'ealit'e, en somme, 'etait loin du tableau bucolique et enchanteur qu’en avait fait Fleur-de-Rogue `a H'el`ene.
H'el`ene 'etait `a demi 'etendue dans un vieux fauteuil presque confortable et y somnolait doucement, lorsqu’elle fut arrach'ee en sursaut `a ses r^everies. Fleur-de-Rogue venait de l’interpeller d’une voix vibrante et toute chang'ee. Elle se tenait au-dessus d’H'el`ene, le bras lev'e, un couteau `a la main.
— Qu’est-ce qu’il y a ? s’'ecria la fille de Fant^omas, qui se mit hors de port'ee de l’arme qui la menacait.
— Tu m’'echappes, mais ca n’est pas pour longtemps, dit Fleur-de-Rogue.