Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Fandor commencait `a longer le convoi qui venait de l’amener incognito. Il s’assurait qu’il y avait un grand quart d’heure d’arr^et, puis, tranquille sur ce point, traversait les voies, allait s’embusquer `a la sortie de la gare, se dissimulant derri`ere un amoncellement de bagages, et guettant ceux qui quittaient les quais, afin d’^etre bien certain que Fant^omas n’'etait pas parmi eux.
Fandor se rassurait vite ; le bandit, tr`es certainement, n’avait point quitt'e le train, et cela ne surprenait pas le journaliste, car il estimait que, logiquement, Fant^omas devait avoir l’intention de se diriger sur Paris, o`u, sans le moindre doute, des affaires urgentes l’appelaient, qui devaient se rattacher `a la myst'erieuse disparition de Vladimir.
Tranquillis'e sur les intentions de Fant^omas, Fandor d'ecidait d’aviser au plus vite, `a parachever, par un succ`es d'efinitif, l’enqu^ete qu’il menait depuis plusieurs jours.
— Maintenant, se disait Fandor, la lutte se pr'ecise ; je sais o`u est Fant^omas, lui ne sait pas o`u je suis, d'ecid'ement, j’ai tous les atouts dans mon jeu…
Fandor savait-il cependant bien exactement o`u 'etait Fant^omas ?
`A l’instant m^eme o`u il formulait sa pens'ee, Fandor devait s’avouer qu’il exag'erait quelque peu. Il soupconnait bien, `a vrai dire, que Fant^omas se trouvait dans le train, mais il ignorait quelle place exacte il y occupait, et il e^ut 'et'e bien emp^ech'e de pr'eciser ce que le bandit faisait `a l’heure actuelle.
Fandor se rendit si bien compte de la difficult'e qu’avant toute autre chose il d'ecidait de rechercher Fant^omas.
— Quand je l’aurai vu, je verrai comment l’attaquer…
C’'etait logique, raisonnable, Fandor commenca imm'ediatement ses recherches…
Or, `a l’instant o`u le journaliste se rapprochait des quais et revenait vers le rapide dont les voyageurs 'etaient descendus pour se pr'ecipiter au buffet, ou encore s’approvisionner, suivant les besoins de livres, de journaux, d’oreillers ou de couvertures, il sursautait, stup'efait, en reconnaissant `a moins de dix m`etres de lui, une vilaine pipe, un v'eritable br^ule-gueule aux l`evres, habill'e de v^etements en haillons, fait comme un apache, en un mot Fant^omas lui-m^eme, le terrible Ma^itre de l’'epouvante…
— Ca par exemple, se dit Fandor, qui d’'emotion 'etait devenu bl^eme, c’est plus fort que de jouer au bouchon avec des pains `a cacheter par un jour de grand vent… Comment diable Fant^omas est-il ainsi v^etu ? Comment se fait-il qu’il s’est grim'e en voyou ?…
Force 'etait bien `a Fandor de laisser sans r'eponse l’interrogation qu’il se posait `a lui-m^eme, interrogation qui 'etait d’ailleurs suivie de beaucoup d’autres.
La tenue de Fant^omas, en effet, n’'etonnait pas seulement Fandor par son laisser-aller. Ce qui le surprenait encore au plus haut point, c’'etait de voir Fant^omas ainsi, tranquille, se promenant devant le rapide, o`u il n’y avait, croyait le jeune homme, que des wagons de premi`ere ou de seconde.
— S^urement, se disait Fandor, Fant^omas n’a pas pu, ainsi accoutr'e, prendre place dans un wagon de premi`ere classe. Alors ?…
Et comparant sa propre tenue `a celle du bandit, Fandor 'etait admis `a conclure plaisamment :
— Faits comme nous le sommes tous les deux, nous pourrions vraiment nous serrer la main !
J'er^ome Fandor, toutefois, n’allait pas avoir longtemps `a 'epiloguer sur une pareille mati`ere.
Des manoeuvres s’effectuaient, en effet, et le journaliste bient^ot croyait avoir la clef du myst`ere qui l’intriguait depuis quelques instants.
Des hommes d’'equipe, en effet, attelaient en queue du train toute une s'erie de wagons qui 'etaient pr'ecis'ement des wagons de troisi`eme classe.
— Bon, tr`es bien ! se dit alors Fandor. Voil`a que tout s’'eclaire, je n’ai plus d’illusions `a me faire, Fant^omas 'etait chic tout `a l’heure et install'e dans un sleeping, maintenant, il s’habille pauvrement, il va prendre place dans un wagon de troisi`eme classe… C’est tout simplement dans le but de d'epister les recherches…
La chose 'etait plausible, J'er^ome Fandor la tint pour vraie. Au surplus, elle avait peu d’importance, l’essentiel 'etait que d'esormais Fandor avait retrouv'e Fant^omas, qu’il 'etait libre de s’attacher `a lui, que son triomphe 'etait certain, que sa victoire 'etait proche.
Ricaneur, Fandor montra le poing au bandit qui, sans doute, ne soupconnait point sa pr'esence.
— `A nous deux ! faisait-il sur un ton de plaisanterie, o`u pourtant passait une sombre menace. `A nous deux, cher ma^itre, nous nous retrouverons…
Fandor fit demi-tour, abandonna le quai, courut au bureau du t'el'egraphe.
— Vite, mademoiselle, disait-il `a remploy'ee. Une formule pour t'el'egramme. L`a ! Voici !
Et en toute h^ate Fandor r'edigeait une d'ep^eche :
Pri`ere d’envoyer `a la gare du Nord six agents de la S^uret'e et de mobiliser les forces polici`eres du commissariat sp'ecial. Pr'evenir Juve, si Juve est `a Paris. Fant^omas arrive par train de Bruxelles de minuit vingt, je suis dans le m^eme train. Il est habill'e en apache, lui sauter dessus quand je donnerai le signal.
Fandor signait en toutes lettres : J'er^ome Fandor,sachant bien qu’`a la S^uret'e il 'etait assez connu pour qu’en d'epit de son manque de fonctions officielles on s’empress^at d’ob'eir `a ses ordres.
— Combien ? demandait Fandor `a la jeune buraliste. Mais celle-ci, lisant le c^able, avait p^ali, bl^emi, elle tremblait de tous ses membres :
— Fant^omas est l`a ! disait-elle, Fant^omas est dans la gare, alors ? Ah ! monsieur, monsieur ! j’ai peur !
Une fois encore, le nom tragique, le nom d’horreur, le nom de sang produisait son terrifiant effet. La jeune fille qui, tr`es certainement, avait maintes fois lu dans les journaux le r'ecit des fantastiques aventures du Ma^itre de l’'epouvante, ne pouvait garder son sang-froid en apprenant qu’il se trouvait si pr`es d’elle.
Fandor toutefois n’'etait pas dispos'e `a bavarder. Au hasard, il inventait une explication :
— Mais non, faisait-il bourru. Vous vous trompez. Ce n’est pas du grand Fant^omas qu’il s’agit, c’est d’un… c’est de…