Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Chonchon, ouvrant des yeux qu’elle s’efforcait de rendre aussi candides que possible, tendit les l`evres :
— Embrasse-moi, fit-elle, dis bonjour `a Chonchon.
Chamb'erieux h'esita avant de prendre la jeune femme par la taille, et de l’attirer contre lui :
— Petite rosse, grognait-il, ah, c’est propre ce que tu fais l`a. Je suis pourtant assez gentil avec toi. Me tromper, c’est d'ego^utant, et me tromper avec qui ? Avec cet imb'ecile de Tergall, cet ^etre compl`etement abruti et malfaisant par-dessus le march'e, capable de tout. Ca, Chonchon, c’est ignoble.
Mais Chonchon se pelotonnait dans les bras de son amant qui ne l’avait pas l^ach'ee :
— Tais-toi, fit-elle, tais-toi, tu ne sais pas ce que tu dis. Tu n’as pas honte de me traiter ainsi, moi, une femme, une femme qui t’aime, qui n’aime que toi ?
— Ouais, j’en ai la preuve.
— La preuve ? cria Chonchon, mais je vais te la donner tout de suite. Gros serin que tu es. Comprends donc un peu : lorsque tu m’as connue, tu le sais bien, j’avais d'ej`a un amant, c’'etait Tergall ! je ne te l’ai pas cach'e, je te l’ai toujours dit.
— Mais pas du tout, observa Chamb'erieux. J’ignorais absolument.
— Tais-toi, ordonna Chonchon, et d’abord viens t’asseoir dans le salon.
Le brave Chamb'erieux ob'eit machinalement. Chonchon s’installa sur ses genoux. Elle poursuivit en parlant tr`es vite, comme pour se d'ebarrasser d’une explication ennuyeuse :
— Je te l’ai dit, j’en suis s^ure, seulement, vois comme tu es, tu l’as d'ej`a oubli'e, il faut croire que tu n’'etais gu`ere jaloux. Enfin, vous autres hommes, vous ^etes tous les m^emes. Donc je te l’ai dit et bien dit, quand nous nous sommes connus, d’ailleurs je n’avais pas besoin de toi, et si j’ai tromp'e le marquis, c’est uniquement parce que tu me plaisais, parce que je t’aimais et aussi parce que je n’aimais pas l’autre, que je le d'eteste, qu’il me fait horreur, tandis que toi, au contraire, tu es mon amant, mon seul vrai amant, mon amant de coeur.
L’excellent Chamb'erieux ne pouvait placer une parole, car tout en d'ebitant ce petit discours, Chonchon avait eu soin de lui fermer les l`evres avec la paume de la main. Et d`es lors, la jeune femme, qui connaissait son Chamb'erieux mieux qu’il ne se connaissait lui-m^eme et savait comment il fallait le traiter, s’applaudissait d’avoir sans bafouiller fait cette d'eclaration de principe, convaincue, certaine, que dans quelques minutes Chamb'erieux serait `a ses pieds, balbutiant des excuses et sollicitant son pardon.
Mais, `a la grande surprise de Chonchon, l’attitude de Chamb'erieux ne fut point celle qu’elle attendait. Le bijoutier, doucement, repoussa sa ma^itresse, la fit s’asseoir sur le canap'e, puis, comme m^u par un ressort, il se leva. Il parcourut deux ou trois fois le petit salon `a grands pas, et, sans mot dire, d’un geste nerveux, le bijoutier tordit sa grosse moustache, en tirailla la pointe, enfin il d'eclara d’une voix br`eve et sarcastique :
— 'Ecoute, Chonchon, je ne dis pas non, certes je ne dis pas non. Ce que tu me racontes l`a est peut-^etre vrai. Moi, `a mon tour, j’aurais des choses `a te dire.
— Parle, mon ch'eri, fit doucement Chonchon, nous avons toute la soir'ee, toute la nuit devant nous.
La jeune femme, malgr'e le calme qu’elle affectait, 'etait inqui`ete de ce pr'eambule. Elle le devint bien davantage lorsque Chamb'erieux lui eut dit :
— Eh bien, non, pr'ecis'ement, nous n’avons pas la soir'ee, et encore moins la nuit pour cela, mais nous reprendrons cette conversation, je ne veux pas passer pour une poire.
Chamb'erieux, tout en grommelant, se dirigeait vers l’antichambre, il prit ses v^etements au portemanteau, coiffa son chapeau encore tout humide.
— Mais, s’'ecria Chonchon, courant `a sa poursuite, que fais-tu ? Tu t’en vas ?
— Je m’en vais, dit Chamb'erieux.
— Tu m’as 'ecrit de t’attendre, que tu avais `a me parler, j’avais compris que tu resterais ce soir.
— Eh bien, voil`a tout, c’est chang'e. D’ailleurs ca n’est pas de ta faute, ni de la mienne, c’est au sujet de mes affaires. Toujours l’histoire des bijoux. Or, j’ai appris quelque chose de tr`es important et qu’il faut que je v'erifie cette nuit m^eme. Ah on se figure qu’on va me rouler et m’endormir, mais non, mais non ca ne prendra pas. Chamb'erieux n’est pas plus b^ete qu’un autre et il sait faire parler les gens.
— Mon ch'eri, mon ch'eri, s’'ecria Chonchon, de plus en plus ennuy'ee `a l’id'ee que son amant lui 'echappait, tu ne devrais pas me quitter ce soir, tu peux bien remettre tes affaires `a demain.
Mais Chamb'erieux hocha la t^ete pour dire non.
— Ce qui est d'ecid'e est d'ecid'e, d'eclara-t-il. D’ailleurs, on m’attend, j’ai rendez-vous.
— O`u cela ?
— Qu’est-ce que ca peut te faire ? Et d’ailleurs ces choses-l`a ne regardent pas les femmes, mais je puis te dire une chose, Chonchon, c’est que je serais bien 'etonn'e si demain matin je ne donnais pas au juge d’instruction le nom du voleur de mes bijoux.
***
Depuis une heure d'ej`a, Chamb'erieux 'etait parti.
La villa isol'ee 'etait retomb'ee dans le silence, mais Chonchon ne pouvait se d'ecider `a aller se coucher et bien qu’elle e^ut 'eteint la lampe, elle demeurait tout habill'ee, 'etendue sur le canap'e du salon.
La chanteuse 'etait furieuse de sa soir'ee.
Apr`es s’^etre imagin'e qu’elle allait se r'econcilier avec ses deux amants, elle reconnaissait que rien n’'etait fait avec Chamb'erieux et que, d’autre part, en annoncant la venue de ce dernier, assez brutalement d’ailleurs, au marquis de Tergall, elle avait peut-^etre vex'e d'efinitivement ce sentimental tr`es jaloux. Peut-^etre avait-elle perdu de la sorte les deux hommes qui lui assuraient cette existence opulente et facile qu’elle appr'eciait par-dessus tout.
— Nom de d’la, se disait-elle, c’est joliment b^ete, ce que j’ai fait l`a. Voil`a que je les ai balanc'es tous les deux, et que je reste entre deux chaises. Comment vais-je m’en tirer ? Dieu, que tout cela est emb^etant. Et dire, poursuivait-elle en serrant les poings, que ce sont ces salauds de policiers qui m’ont embarqu'ee dans une histoire de tous les diables, dont je ne me tirerai pas sans y laisser des plumes. Apr`es tout, est-ce de ma faute `a moi si Chamb'erieux a perdu ses bijoux et si on a vol'e l’argent de Tergall ? Mais c’'etait 'ecrit que j’aurais la guigne jusqu’au bout. Ce que c’est b^ete, l’histoire de cette bague, sans laquelle on ne m’aurait pas inqui'et'ee. Et dire que j’ai fait cela pour un jeune homme dont je me fichais absolument. C’est 'egal, les policiers, je les retiens. Bon, qu’est-ce que c’est encore ?