Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Eh oui, un peu.
— Ah c`a, se demandait au m^eme moment l’extraordinaire bandit, qu’est-ce que tout cela signifie ? Cet homme a l’air de savoir parfaitement d’o`u je viens. Il me parle de Mont-de-Marsan, donc il me prend pour quelqu’un venant de Mont-de-Marsan. L’individu que j’ai tu'e tout `a l’heure devait arriver de l`a-bas ? Hum, c’est bizarre. Comment cela va-t-il finir ? Vais-je pouvoir me tirer encore une fois indemne du pi`ege imb'ecile o`u je suis tomb'e ?
Brusquement, Fant^omas se sentait pris d’une sorte d’agacement, d’une v'eritable col`ere contre lui-m^eme.
— J’ai agi comme un 'etourdi, pensait-il, en prenant les apparences, la personnalit'e du cadavre que j’ai fait, sans m’^etre au pr'ealable renseign'e sur ce qu’'etait ce bonhomme. `A la rigueur, je puis admettre qu’un voiturier se trompe sur ma personnalit'e, mais, tout `a l’heure, cet homme m’annoncait qu’il me conduisait
Et de plus en plus, au fur et `a mesure qu’il r'efl'echissait `a la m'eprise du voiturier, aux cons'equences tragiques que son erreur pouvait avoir, Fant^omas voyait la n'ecessit'e qu’il y avait pour lui de supprimer ce t'emoin g^enant, ce t'emoin qui, petit `a petit, sans qu’il p^ut rien pour l’emp^echer, au trot de son cheval, allait le conduire vers le myst'erieux domicile qu’il lui attribuait dans sa simplicit'e, et o`u, sans aucun doute, les pires dangers devaient l’attendre.
Fant^omas, cependant, 'etait trop homme de sang-froid pour s’affoler quelle que f^ut la situation tragique o`u il se voyait r'eduit. Tout en s’installant sur la banquette de la carriole, il ne n'egligeait point d’observer les moindres d'etails qui pouvaient jeter un peu de clart'e sur sa vraie situation.
La valise fatale, la valise marqu'ee C. P., la valise qui l’avait fait prendre pour quelqu’un qu’il n’'etait pas, lui 'etait pr'ecieuse `a consid'erer. Ce n’'etait certainement pas un sac de grand luxe, mais c’'etait cependant une mallette de cuir jaune d’assez bonne apparence, t'emoignant que son propri'etaire devait appartenir `a une classe ais'ee, t'emoignant aussi qu’il devait souvent voyager, car on y voyait de nombreuses 'etiquettes attestant des d'eplacements dans tous les coins de France et m^eme en des stations baln'eaires, en Suisse, en Italie.
Cette valise, Fant^omas la regardait avec des yeux dont il ne parvenait point `a att'enuer l’'eclat.
Ah s’il avait pu, sans risquer d’intriguer le voiturier, d'efaire les sangles, ouvrir le compartiment, v'erifier le contenu de ce sac.
— On ne voyage pas sans papiers, se disait Fant^omas. On a toujours quelques lettres, quelques documents personnels. Je trouverais l`a dedans, `a coup s^ur, de quoi me documenter sur le personnage que j’ai tu'e, sur celui que je suis devenu.
Impossible malheureusement, d’ouvrir la valise. Ne fallait-il pas craindre en effet qu’`a peine la malle entr’ouverte il en sortit quelque objet pouvant amener la d'ecouverte de l’imposture `a laquelle se livrait, bien malgr'e lui, en somme, celui qui continuait `a ^etre aux yeux du voiturier « le voyageur attendu » ?
Or, tandis que Fant^omas r'efl'echissait ainsi aux p'erils de sa situation, son conducteur, ayant mis son cheval dans la bonne direction, s’enlevait lentement sur le marchepied, gagnait sa place sur la banquette de bois `a c^ot'e de Fant^omas.
— En route, cria-t-il d’une voix enjou'ee. Nous allons presser le mouvement, mon beau monsieur, et vous verrez que nous n’en aurons pas pour longtemps avant d’^etre rendus `a l’h^otel. C’est `a l’h^otel que vous descendez ?
Fant^omas soupira.
Comment pouvait-il se faire qu’il f^ut r'eellement « attendu » `a Saint-Calais, si c’est `a l’h^otel qu’il devait descendre ? Des paroles du voiturier, il semblait r'esulter qu’il 'etait `a la fois un voyageur ordinaire, quelconque, un voyageur de passage `a Saint-Calais, et en m^eme temps, un personnage dont « on » esp'erait la venue.
Fant^omas n’h'esita pas :
— C’est `a l’h^otel, en effet, que je descendrai ce soir.
Il r'epondait cela au hasard, 'evidemment, mais en r'efl'echissant que, de toutes facons, mieux valait en effet pour lui s’installer dans un h^otel d’o`u il pourrait sans doute trouver moyen de s’'echapper rapidement, que n’importe o`u ailleurs o`u la chose serait peut-^etre impossible. D’ailleurs, o`u aller, si ce n’'etait `a l’h^otel ? Et puis, quelle importance avait, apr`es tout, cette question, puisque, de plus en plus, Fant^omas s’y d'ecidait, il allait tuer cet homme et s’enfuir, s’enfuir loin des emb^uches qu’il soupconnait devant lui.
Le voiturier, cependant, bien que son voyageur ne r'epond^it que par monosyllabes, se faisait de plus en plus bavard :
— Ah dame, l’h^otel, faisait-il, tout en caressant du bout de son fouet l’encolure de son cheval, qui trottait paisiblement, dame, l’h^otel, vous allez le trouver boulevers'e. Comme qui dirait sens dessus dessous, et c’est bien naturel. Je pense que vous avez entendu parler d'ej`a des vols qui ont eu lieu ici ?
Fant^omas, encore une fois, r'epondit, sans vouloir se compromettre :
— Oui, disait-il, j’en ai entendu parler.
Il n’ajoutait rien de plus. Il n’accompagnait sa r'eponse d’aucun commentaire, car, `a la v'erit'e, s’il 'etait exact que depuis sa fuite de la prison de Louvain, Fant^omas avait entendu parler des vols de Saint-Calais, s’il avait lu quelques articles de journaux relatifs `a ces affaires, il n’'etait pas sp'ecialement document'e `a leur sujet.
De plus en plus, d’ailleurs, Fant^omas n'egligeait de pr^eter attention aux paroles de son compagnon.