Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Depuis que l’on avait quitt'e la gare, le bandit s’absorbait dans la contemplation du paysage, cherchant instinctivement l’endroit propice o`u il pourrait accomplir son nouveau forfait sans courir le risque d’^etre d'ecouvert.
La route, d’abord, avait pass'e `a travers champs dans une longue plaine d'ecouverte o`u il e^ut 'et'e de la derni`ere imprudence de tenter quoi que ce f^ut. Les fermes 'etaient nombreuses, des villages surgissaient `a l’improviste des moindres replis de terrain, si jamais le voiturier assailli avait le temps de pousser un cri, Fant^omas s’exposait `a voir arriver des t'emoins fort g^enants.
Or, comme la voiture avait parcouru trois ou quatre kilom`etres, la route plongea `a pic dans une sorte de grand vallon o`u, malgr'e la nuit compl`ete qui s’'etait faite maintenant, Fant^omas discernait `a merveille des bois touffus, 'epais, de grande 'etendue.
— Voil`a la for^et ?
— Voil`a la for^et, r'ep'eta joyeusement, le voiturier. Ah dame, ce sont des bois d’importance. M^eme qu’ils servent de r'eserve au gibier pendant tout l’hiver. Vous allez voir ca, monsieur, le pays n’est pas mal. Tr`es vallonn'e.
— Et ces bois sont entour'es de murs ?
— Oh ma foi non. Ca appartient comme qui dirait `a une grande famille du pays, qui d’ailleurs ne vient jamais ici, et laisse tout ca en friche. Que ca fait m^eme piti'e.
— Et il nous faudra dix minutes pour traverser cette for^et ?
— Dix grandes minutes, mon Dieu, oui.
L’homme, sans se douter des projets sinistres que formait son compagnon, r'epondait avec complaisance.
Pour Fant^omas, au fur et `a mesure qu’il se renseignait sur la disposition des lieux, il se rass'er'enait, devenait plus calme. Allons, la bonne chance 'etait pour lui. Dans cette for^et 'epaisse, en friche, cette for^et qui venait jusqu’`a la lisi`ere de la route, il allait pouvoir facilement se pr'ecipiter sur son compagnon, l’'etrangler, se d'ebarrasser de lui.
Et tandis qu’il feignait d’arranger la couverture que le voiturier avait 'etendue sur ses genoux, Fant^omas cherchait dans la poche de son pantalon, seul v^etement qu’il n’e^ut point troqu'e avec le mort, un coup-de-poing am'ericain avec lequel il pensait d'ej`a assommer l’individu qui se trouvait lui causer de si angoissantes tortures. `A ce moment, la voiture, d'evalant au pas la rampe fort rude, commencait `a p'en'etrer sous bois. Dans l’aur'eole des lanternes clignotantes, de v'eritables quinquets, on ne voyait plus gu`ere, de la banquette de la carriole, que la croupe du cheval, puis `a terre, un cercle lumineux dessin'e sur la route. Plus loin, l’obscurit'e 'etait compl`ete, on distinguait `a peine le commencement des fourr'es enserrant la route, on ne voyait pas, o`u le chemin tournait, trois m`etres plus loin que la t^ete maigre du cheval.
— C’est l’instant, songea Fant^omas.
Feignant de tousser, le bandit se pencha.
Il s’appr^etait `a se relever brusquement, pour, de son bras droit, assener un coup mortel au voiturier, lorsque dans le silence de la nuit, `a l’improviste, un cri, un cri lugubre retentit, imm'ediatement suivi d’appels prof'er'es d’une voix tremblante :
— Arr^etez. Arr^etez. Au secours. `A l’assassin.
Fant^omas, par bonheur, n’avait pas encore frapp'e. `A peine les appels eurent-ils retenti qu’il se tira de la couverture entortill'ee autour de ses jambes, qu’il sauta sur le sol, qu’il courut `a l’un des bas-c^ot'es de la route.
— Nom de Dieu, pensait alors le bandit, pr^et `a vendre ch`erement sa libert'e, j’aurais d^u y songer, c’'etait une embuscade. Le voiturier qui m’amenait 'etait un homme de L'eon ou de Michel. On a feint de ne pas me reconna^itre. En r'ealit'e, on me guettait ici.
Or, cette id'ee, qui 'etait folle, que Fant^omas en r'ealit'e n’avait pu concevoir qu’en raison de l’'enervement qu’il 'eprouvait, le bandit devait l’abandonner.
Tandis qu’il sautait de voiture, persuad'e qu’il allait ^etre appr'ehend'e, le voiturier, en effet, saisi d’'epouvante lui aussi en entendant les cris retentissants dans le silence de la nuit, avait arr^et'e son cheval.
Dress'e dans sa carriole, il hurlait :
— Bon sang de bon sang, qu’est-ce qui appelle ? Qui va l`a ?
Et, en m^eme temps, le brave homme, courageux, pr^et `a se d'efendre, faisait un moulinet du manche de son fouet et rappelait son voyageur :
— Eh, monsieur, monsieur, o`u allez-vous donc ? M'efiez-vous. Cette for^et-l`a, c’est tellement 'epais, qu’on ne sait pas ce qui s’y passe.
Dans l’aur'eole lumineuse des lanternes, apparut un homme tremblant, p^ale, d'efigur'e, hors d’haleine, un homme plus effray'e qu’effrayant.
— Au secours, au secours, r'ep'eta-t-il, les yeux dilat'es par la peur. Au secours. On vient de tirer sur moi. On a voulu m’assassiner.
L’inconnu n’avait pas fini de parler que le voiturier, `a son tour sautait de voiture, toujours arm'e de son fouet, et paraissant stup'efait :
— Nom d’un chien, mais c’est vous, monsieur de Tergall ? c’est vous, monsieur le marquis ? Ah ca, qu’est-ce que vous chantez-l`a ?
Fant^omas, cependant, se rendait compte qu’il s’'etait tromp'e en redoutant une embuscade. Imitant le voiturier, il se rapprocha du myst'erieux individu si brusquement surgi devant la carriole, s’informa :
— On a tir'e sur vous ? Qui ? O`u ? Quand ?
Tergall tremblait de tous ses membres. Il d^ut faire un violent effort sur lui-m^eme, pour satisfaire la curiosit'e de l’'etranger, qui l’interrogeait :
— Ici, dans la for^et, il y a deux minutes. Ah monsieur, monsieur, venez vite, c’est affreux. Je suis victime, depuis trois semaines, des plus l^aches attentats, sans que je puisse savoir qui, exactement, a jur'e ma perte. Par piti'e, pr^etez-moi secours. Venez, les assassins ne doivent pas ^etre loin.
Brusquement, Fant^omas l’interrompit :
— Les assassins ? ils 'etaient plusieurs ? Dites-nous ce qui vient d’arriver, que diable. Je ne comprends rien de ce que vous racontez.
Le marquis de Tergall se tordait les mains, d'esesp'er'e.
— Mais venez donc, ne perdons pas de temps. C’est bien simple. Je passais dans le bois, on m’a tir'e deux coups de fusil. J’ai entendu le plomb cr'epiter sur les branches `a c^ot'e de moi. Je me suis enfui. C’est `a ce moment que j’ai appel'e `a l’aide. Venez, j’ai entendu courir. Je sais par o`u ils sont partis.