Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
Шрифт:
— En effet, monsieur le procureur, r'epondit Fant^omas du ton le plus s'erieux, c’est peut-^etre une piste. Et, de toutes facons, rien n’est `a n'egliger. Qui a cette chambre `a air ?
— Le gendarme. Il ne vous l’a pas remise ?
— Je vais la lui demander imm'ediatement…
— C’est cela. Voyez s’il n’y a rien d’int'eressant `a chercher de ce c^ot'e. Au besoin, vous pourriez envoyer une commission rogatoire au parquet du Mans ?
— Soyez tranquille. Je fais le n'ecessaire, monsieur le Procureur.
Fant^omas, de plus en plus amus'e par les multiples occupations incombant `a sa charge de magistrat instructeur, retourna aupr`es du gendarme qui, patiemment, l’avait attendu, debout, immobile, n’osant pas s’asseoir.
— Gendarme, vous avez la chambre `a air en question.
— La voici, monsieur le juge.
De son bissac, le gendarme tira en effet une chambre `a air qu’il tendit au magistrat.
***
— Toi, mon vieux, j’aime autant ne pas te m^acher la viande, tu commences `a me corner dans les oreilles. Et, s^ur de s^ur, si tu fais encore le malin, je m’en vas ^etre amen'e `a te mesurer la figure avec mes cinq phalanges.
— Tais-toi donc. B'eb'e. Tu sais bien que ce que je te dis, c’est la raison m^eme. Au juste poids.
— Eh ben, t’as pas peur.
— S^ur que non, que j’ai pas peur.
— Oui, mais ca va bien mon colon. Tu veux faire le malin ? Eh bien, je te dis : j’en ai ma claque. Ah mince alors. C’est pas la r`egle du jeu, ca. Tu poses un et tu retiens tout.
— Non, je retiens pas tout, je pr'etends voir seulement `a ce que tu ne me rafles pas le magot.
— Traite-moi de voleur, alors ?
— Parbleu, B'eb'e, je m’en priverai.
— Ribonard, mon vieux, ca va tourner mal. J’ai le caract`ere doux, mais faut pas m’agacer les dents.
— Calme-toi, B'eb'e. Inutile de me la faire
— J’te piquerai bien.
— Oh ! faudrait voir, on est deux.
— J’dis pas le contraire, mais je crois tout de m^eme qu’en face de m'ezigue, tu p`eserais pas lourd. Et puis, c’est pas tout ca, o`u ce qu’est l’argent, o`u ce que sont les bijoux.
— L’argent ? j’l’ai pas. Tu l’sais bien. Pour ce qu’est des bijoux, j’t’en donnerai ta part. Et voil`a tout.
— Autant dire que tu me conseilles de me brosser ? Eh bien, mon vieux, je ne marche pas.
Depuis une heure d'ej`a, B'eb'e et Ribonard 'echangeaient des propos aigres, nich'es – c’est le terme exact – sur le toit d’une sorte de hangar dress'e dans l’un des faubourgs de la ville.
B'eb'e 'etait de plus en plus furieux. Ribonard s’obstinait.
B'eb'e, `a bout d’argument, r'ep'eta :
— Non, je ne marche pas. Plut^ot que d’^etre « fait » par toi, mon poteau, j’aimerais mieux faire parler le petit bijou que voici.
L’apache montrait un revolver. En proie `a une col`ere froide, il compta :
— Si, `a trois, tu ne m’as pas renseign'e, fais tes pri`eres, Ribonard, c’est s'erieux. Allez, parle, un, deux.
— La paix.
Alors, entre les deux complices stup'efaits, un homme se pr'ecipita, un homme grand, mince, bien d'ecoupl'e, dont le visage 'etait recouvert d’un masque noir.
Si subite avait 'et'e l’arriv'ee de cet inconnu que Ribonard et B'eb'e, l’un comme l’autre, demeur`erent quelques secondes incapables d’un mouvement, litt'eralement fig'es sur place.
Ribonard, le premier, reprit son sang-froid.
— Qu’est-ce que tu veux, toi ? commenca-t-il.
Mais d'ej`a B'eb'e s’'etait redress'e :
— Ah, nom de Dieu faisait le bonimenteur qui parlait d’une voix tremblante, ah, nom de Dieu, si je m’attendais `a celle-l`a. J’en cracherai ma langue. C’est toi, Fant^omas ? Toi ?
— C’est moi.
— Mais t’es donc cavale d'e prison ? t’as donc jou'e la fille de l’air ? Ah, cr'e nom, en v’l`a une histoire, vrai, elle me reste sur l’estomac. J’peux pas croire ce que mes yeux voient. Excusez du peu. Fant^omas ici, au Mans, `a deux pas de Saint-Calais. Ah, mince alors, c’est toi Fant^omas ? Dis, vrai Dieu, c’est toi ? j’en suis comme deux ronds de flan. La sueur m’en coule, au long de la goutti`ere. Ah, pour une surprise, c’en est une. Mais qu’est-ce que tu viens foutre l`a tout de m^eme ? C’est bien toi Fant^omas ?
— Eh oui, B'eb'e, si 'etrange que cela te paraisse, c’est bien moi. Tout ce qu’il y a de plus moi.
L’Insaisissable se tut, puis changeant de voix, il reprit :
— C’est moi, le Ma^itre, B'eb'e. Et je ne te cacherai pas que je ne suis pas tr`es satisfait de la facon dont toi et Ribonard vous vous disputiez tout `a l’heure. Suffit-il maintenant que je sois absent quelques heures pour que les T'en'ebreux en viennent `a se menacer les uns les autres ?
Ribonard voulut intervenir :
— H'e l`a, cherre pas tant, Fant^omas, tu dis que tu as 'et'e absent « quelques heures », mince, combien qu’il t’en faut, de campagne, pour que tu comptes un jour ?
— Assez, tu parleras quand je te le dirai.
Fant^omas se retournait vers B'eb'e :
— Qu’aviez-vous `a vous disputer tous les deux ? qu’exigeais-tu de Ribonard ?
— Ah bien, on ne peut pas t’expliquer cela comme ca, Fant^omas. C’est compliqu'e. Sais-tu ce qu’on a fait `a Saint-Calais ?