Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Si, fit sourdement Fant^omas.
— Alors j’vas me d'ep^echer. Mais c’est bien pour vous faire plaisir.
Ribonard, joyeusement, sifflotait un air de valse, tout en allant prendre, accroch'e `a la muraille, pendant dans le vide le long du clocher, une 'echelle 'enorme.
— Eh, patron, demanda l’apache, voyez voir `a me donner un coup de main, s. v. p. Faut que je hisse cet instrument sur le plancher o`u nous sommes, pour que je puisse monter jusqu’au battant de la cloche.
— Tu veux aller au battant de la cloche ?
Fant^omas paraissait surpris, contemplait son complice, avec une sorte de crainte myst'erieuse.
— Ah c`a, que pr'etends-tu faire `a la cloche de cette 'eglise.
Et en m^eme temps, Fant^omas, levant la t^ete, consid'era l’int'erieur de la tour dont l’extr'emit'e 'etait encore `a huit ou neuf m`etres au-dessus de leur t^ete.
Le bandit voyait ainsi d’en dessous la cloche g'eante, cadeau d’un ch^atelain des environs, et dont s’enorgueillissait la petite 'eglise de Bouloire. Il regarda le battant de fonte et demanda :
— Enfin, Ribonard, m’expliqueras-tu ?
De plus en plus joyeux, Ribonard se tapait, sur les cuisses, deux larges claques, en signe de profonde satisfaction :
— Bien s^ur que je vous expliquerai, patron, tout ce qui peut vous int'eresser. Et m^eme plus encore. Vous voulez savoir o`u j’ai mis les bijoux ? c’est toujours ca qui vous taquine ? Bon. Ne vous faites pas de mauvais sang. La bo^ite dans laquelle les tr'esors sont enferm'es, eh bien, ma foi, j’ai eu l’id'ee de la ficeler sur la charni`ere du battant de cette cloche. Hein ? pour une id'ee, c’'etait une fameuse id'ee ? Personne ne pouvait imaginer cette cachette-l`a ? Et j’avais-t-y raison, cet apr`es-midi, au Mans, quand je vous disais qu’on me devait une fi`ere chandelle, une grande part en la r'eussite du vol ?
— Presse-toi donc.
Mais le bandit, cette fois, venait de parler sur un tel ton, d’une voix si basse, avec une rage telle, que Ribonard interloqu'e, cessa d’'eveiller les 'echos de l’'eglise, de sa gaiet'e intempestive.
— C’est bon, dit-il, on y va.
Aid'e de Fant^omas, l’apache tira l’'echelle, la hissa sur le plancher form'e par les poutres que lui et le Ma^itre foulaient depuis quelques instants. L’'echelle atteignit le haut du clocher, fr^ola le battant.
— Va falloir que vous la teniez toute droite, pendant que je vais grimper, expliquait Ribonard. Si j’appuyais l’'echelle contre la muraille, je ne pourrais pas atteindre le battant. Or, l’essentiel pour moi et pour vous, patron, soit dit sauf vot’ respect, c’est pr'ecis'ement que je puisse atteindre le battant. Vous comprenez le coup, je suppose ? Une fois en haut de l’'echelle, je m’agrippe au battant, je prends mon couteau dans ma poche, je coupe les ficelles qui tiennent le coffret aux bijoux, je vous le jette, je descends, on remet l’'echelle en place et on se d'ebine. Allons, patron, `a vous de travailler. T^achez voir de me tenir l’escalier et solide, hein ? si jamais vous manquiez vot’ coup, je me casserais la gueule et ca ne vous avancerait pas. Seul, vous ne pourriez pas atteindre les bijoux.
Cette derni`ere phrase tendait, 'evidemment, `a indiquer la confiance tr`es relative que Ribonard pouvait accorder `a son excellent
Le bandit, toutefois, entendant parler son lieutenant, s’entendant soupconner d’une v'eritable trahison, ne marqua nul 'etonnement.
— Je tiendrai l’'echelle, r'epondait-il simplement, je la tiendrai solidement, va chercher les bijoux, Ribonard.
Ribonard, sans plus attendre, s’ex'ecuta.
— Une, deux, trois. En route pour le Paradis. Oh, `a la r'eflexion, c’est plut^ot au poulailler que je m’en vais. C’est un perchoir que cette 'echelle. Pour le Paradis, il doit y avoir des ascenseurs.
Ribonard, tout en plaisantant, gravissait lentement l’'echelle que Fant^omas tenait maintenant en 'equilibre au milieu du clocher.
L’apache atteignit le battant de la cloche, il s’y agrippa, il embrassa entre ses jambes la partie renfl'ee du bourdon, il tendit le bras, il atteignit le coffre aux bijoux.
— Posez l’'echelle, patron, sans vous commander ! ordonna Ribonard. Je me tiens tr`es bien apr`es le bourdon et vaut mieux que vous ayez les mains libres, pour recevoir le tr'esor. S’agirait pas que cette bo^ite d'egringole jusqu’en bas, elle s’ouvrirait, on aurait toutes les peines du monde `a retrouver les bijoux dans l’'eglise.
Entr'e sous la cloche, toujours cramponn'e au battant, dans une position `a coup s^ur peu confortable, mais somme toute peu dangereuse car le renflement du bourdon offrait une prise facile. Ribonard vit Fant^omas reposer l’'echelle contre le mur.
— Vous y ^etes ? demanda-t-il.
— Envoie l’objet, r'epondit Fant^omas.
Ribonard, d’une main, lanca le coffret que Fant^omas recut dans ses bras, qu’il serra soigneusement.
— Maintenant, recommenca Ribonard, ayez donc l’obligeance de me ramener la grimpante, tenez toujours bon l’'echelle, hein ? Eh ben, quoi ? qu’est-ce qui vous prend ?
Ribonard pouvait `a bon droit s’'etonner. Brusquement, Fant^omas demeur'e sur les poutres du clocher, avait 'eclat'e de rire.
Fant^omas riait, oui, il riait `a gorge d'eploy'ee.
— Eh, protesta Ribonard, toujours cramponn'e au battant de la cloche, qu’il ne pouvait 'evidemment abandonner sans l’aide de son complice, eh, patron, vous vous dilaterez la rate apr`es, si ca ne vous fait rien. C’est pas le moment de moisir ici, et je vous assure qu’il ne fait rien pas chaud sous ma cloche. Mince de brise, ce soir.
Fant^omas ne r'epondit pas, il riait toujours. Alors, brusquement, une grande col`ere s’empara de Ribonard :
— Ah bien, vous en avez de vertes et de pas m^ures, vous, nom de Dieu. Allez-vous me tendre l’'echelle oui ou non ?
Fant^omas cessa de rire, tranquillement il r'epondit d’une voix distincte, qui monta jusqu’`a Ribonard :
— Non.
— Comment, non ? Vous ne me rapporterez pas l’'echelle ?
Fant^omas r'ep'eta simplement :
— Non.
Puis, comme Ribonard, demeurait muet de stupeur, se demandant quelle folie subite s’'etait empar'ee du patron, Fant^omas ajouta :
— Mon pauvre Ribonard, tu devenais trop socialiste pour moi, trop partageur. Tu sauras une bonne fois que, quand Fant^omas fait travailler ses amis, il entend que ses amis lui laissent la majeure partie de leur travail. Ceux qui ne s’inclinent pas devant ma volont'e – et tu allais ^etre de ceux-l`a – je les brise. Je ne te rapporterai pas l’'echelle, Ribonard. J’avais besoin de toi pour avoir les bijoux, je les ai, tu ne pourras plus m’^etre utile `a rien. Au revoir. Reste o`u tu es.