Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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14 – L’ASSASSINAT DU FANT^OME
C’'etait sur le boulevard, quasi d'esert `a cette heure tardive, une course d'esordonn'ee. Les apaches sommairement d'eguis'es en gens du monde, avec leurs allures de masques de carnaval, s’'eparpill`erent sur le trottoir devant le restaurant de la Maison d’Or. Ils avaient l’habitude de ces sortes de fuites et savaient que la plus 'el'ementaire prudence commande de se disperser, `a seule fin de ne point constituer de groupe susceptible d’attirer l’attention de la police.
La stup'efaction avait 'et'e si grande et leur fuite si rapide que nul ne songeait d’ailleurs `a les poursuivre imm'ediatement. Bec-de-Gaz, entra^inant avec lui Ad`ele, h'ela un fiacre dans lequel ils mont`erent, et le cocher 'etait fort 'etonn'e de voir ces gens, dont l’homme 'etait en habit et la femme en toilette de soir'ee, lui donner pour adresse le vague carrefour d’une rue perdue de M'enilmontant.
Beaum^ome, B'eb'e et la Chol'era se pr'ecipit`erent dans un taxi-auto et dirent au conducteur abasourdi :
— Mon vieux, tu vas cavaler jusqu’`a Grenelle et mets-les en basset afin de cavaler plus vite.
Le chauffeur, r'esign'e, embraya son moteur, puis disparut `a toute allure. Les agents, cependant, qui d'efilaient deux par deux sur le boulevard, ne se pr'eoccupaient aucunement de voir ces gens du monde extraordinaires se pr'ecipiter soudain hors d’un restaurant de luxe et sauter dans une voiture de place.
OEil-de-Boeuf, par 'economie, avait tourn'e le coin de la premi`ere rue et s’en allait `a grands pas dans l’obscurit'e. Il palpait avec joie le contenu de ses poches dans lesquelles tintaient des pi`eces d’or.
— Bonne soir'ee, grommelait l’apache, qui 'etudiait aussit^ot dans son esprit l’endroit o`u il pourrait aller faire bombance et se griser abominablement.
En l’espace de quelques minutes, la bande d’audacieux voleurs s’'etait litt'eralement 'evanouie, le boulevard avait repris son aspect accoutum'e, paisible et calme. Toutefois dans les salons luxueux et brillamment illumin'es du restaurant de la Maison d’Or, la terreur r'egnait. On s’empressait autour du patron, et, selon leur temp'erament, certains clients l’apostrophaient, tandis que d’autres, larmoyants presque, le suppliaient de leur pr^eter de l’argent :
— C’est indigne ! s’'ecriait un monsieur, vous devriez avoir de la police dans votre 'etablissement, puisque vous recevez des gens pareils.
Une jeune femme pleurait :
— Monsieur, je vous en prie, disait-elle d’un ton suppliant au g'erant du restaurant, pr^etez-moi quelque menue monnaie, pour que je puisse rentrer en voiture chez moi. Il ne me reste plus rien, absolument rien, ces mis'erables m’ont d'epouill'ee.
Le restaurateur, bl^eme, s’efforcait en vain de r'epondre de facon satisfaisante `a toute sa client`ele. Il agitait les bras, haussait les 'epaules :
— Je suis d'esesp'er'e, balbutiait-il, et si vous croyez que je n’y perds pas, moi aussi… Songez donc, j’avais servi plus de quarante soupers, pas un seul n’est pay'e, et naturellement, je ne peux pas r'eclamer les additions.
— Ah bien ! il ne manquerait plus que cela, r'eclamer les additions par-dessus le march'e, `a des malheureux qui viennent d’^etre si abominablement vol'es, c’est bien le contraire qui va se produire ! On portera plainte contre l’'etablissement ! La Maison d’Orsera certainement condamn'ee `a rembourser aux int'eress'es le montant des vols.
Le patron s’en doutait bien et, d'esireux d’arranger les choses `a tout prix plut^ot que de laisser s’augmenter le scandale, il sollicitait ses clients de lui laisser leur adresse :
— Donnez-moi vos noms, vos domiciles, messieurs, mesdames. Et aussi le montant approximatif de ce qui vous a 'et'e d'erob'e. Je ferai de mon mieux pour vous satisfaire.
La plupart des personnes fournissaient les renseignements demand'es. Le juge Mourier, toutefois, s’y refusait.
— C’est un d'esastre pour moi, murmurait-il `a l’oreille de Dupont de l’Aube, mais, pour rien au monde, je ne prostituerai mon nom dans un pareil endroit.
Dupont de l’Aube s’'ecartait, cherchant `a 'eviter de rencontrer Delphine Fargeaux qui, toute fr'emissante et toute p^ale, cherchait nettement `a se rapprocher de lui ; quant au baron Stolberg, tr`es ma^itre de lui, le visage souriant, il prof'erait assez haut pour ^etre entendu :
— Bah, cela n’a aucune importance, je n’avais qu’une quinzaine de mille francs dans mon portefeuille, une bagatelle dont ce n’est pas la peine de parler.
Puis, prenant le magistrat par le bras :
— Voyons, d'eclara-t-il, mon cher ami, puisque nous n’avons plus rien `a faire ici, allons nous-en, venez.
***
Cependant, la Recuerda s’'etait 'eclips'ee seule. Elle s’en allait d’un pas rapide, au sortir du restaurant, jusqu’`a la place de l’Op'era. Puis, avisant une automobile, elle appela le conducteur et lui donna pour adresse la rue Saint-Ferdinand.
Un quart d’heure apr`es, le v'ehicule la d'eposait `a la Porte-Maillot et la jeune femme qui, `a dessein, n’avait pas donn'e de num'ero, fit quelques pas `a pied dans la rue silencieuse et d'eserte. Elle sonna `a la porte d’une maison de bonne apparence. Celle-ci s’ouvrait. La Recuerda s’introduisit sous la vo^ute toute noire et, passant pr`es de la loge du concierge, elle jeta un nom : Backefelder.
Puis, elle arriva `a une porte et se pencha alors vers le sol. De sa main qui t^atonnait, elle souleva un paillasson et en retira une cl'e qui y 'etait dissimul'ee. La jeune femme alors l’introduisit dans une serrure et ouvrit la porte d’un appartement, elle tourna un commutateur, l’antichambre s’illumina. Apr`es avoir referm'e la porte d’entr'ee, la Recuerda s’avanca ; elle appela d’une voix nette :
— Backefelder !
Puis, elle s’avanca, traversa un salon, une salle `a manger, gagna la chambre `a coucher `a l’extr'emit'e de l’appartement. Ces pi`eces confortablement meubl'ees, d'ecor'ees m^eme avec un certain luxe, 'etaient vides. La Recuerda parut surprise de n’y trouver personne.