Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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La Recuerda hurla :
— Tu ne feras pas cela !
Pour toute r'eponse, Backefelder d'ecrocha le r'ecepteur.
— Tu ne feras pas cela, c’est indigne, l^ache, c’est abuser de ma confiance. Je t’ai fait une r'ev'elation, je t’ai parl'e franchement, comme une ancienne ma^itresse parle `a son amant. Tu n’as pas le droit de profiter de ce que je t’ai dit pour renseigner la police.
— All^o, All^o.
Pas de r'eponse. L’Am'ericain apr`es avoir insist'e, se retournait soudain, cependant que la Recuerda poussait un 'eclat de rire sardonique.
L’Espagnole se tenait `a quelques pas derri`ere lui, elle avait les bras crois'es sur sa poitrine, et dans sa main fine et potel'ee, elle tenait un poignard.
`A ses pieds, le fil du t'el'ephone qu’elle venait de couper.
— Voil`a, criait-elle, ce que j’ai fait.
Puis, d’un air de supr^eme d'efi, elle hurla :
— T'el'ephone donc maintenant `a la police, l^ache que tu es, mouchard !
Backefelder bondit sous l’insulte. Un instant, il vit rouge, et au paroxysme de la col`ere, il se pr'ecipita sur l’Espagnole :
— Canaille ! hurla-t-il.
Mais un grand cri lui r'epondit, puis lui-m^eme g'emit sourdement, poussa un profond soupir et comme s’il avait recu un coup de massue en pleine t^ete, s’'ecroula les bras 'ecart'es.
— Ah mon Dieu, prof'era la Recuerda, je l’ai tu'e !
Au moment o`u Backefelder se pr'ecipita sur elle, l’Espagnole, d’un geste machinal et rapide, avait lanc'e son arme en avant et, sans peut-^etre tr`es bien se rendre compte de ce qu’elle faisait, elle avait dirig'e la pointe ac'er'ee vers la poitrine de l’Am'ericain. Celle-ci n’'etait prot'eg'ee que par une fine chemise de soie. D'ej`a le poignard p'en'etrait dans ses chairs et transpercait le coeur. Backefelder 'etait tomb'e, mort.
`A genoux, pr`es du cadavre, la Recuerda demeura quelques instants muette d’horreur, atterr'ee, puis soudain, sa gorge se serra, les sanglots l’'etouff`erent.
— Mon Dieu, mon Dieu, prof'era-t-elle, pauvre Back, je l’aimais, je l’aimais !
***
Fant^omas d'ecid'ement 'etait un homme qui avait toutes les audaces et auquel la longue habitude de l’impunit'e faisait faire les pires imprudences.
Lorsque le soir de cette nuit tragique, il avait pour ainsi dire enlev'e la Recuerda et l’avait fait monter dans son automobile, il ne s’'etait pas pr'eoccup'e de savoir si quelqu’un les suivait. C’est pour cela que Backefelder avait pu d'ecouvrir son domicile, en se faisant v'ehiculer par la propre voiture du bandit.
Fant^omas, en outre, avait commis une autre imprudence. Il avait dit tr`es haut son adresse au m'ecanicien de l’automobile et cette adresse, quelqu’un l’avait retenue, quelqu’un qui aussi s’'etait attach'e `a ses pas `a partir du moment o`u le bandit et sa compagne avaient pr'ecipitamment quitt'e l’attroupement du pont Caulaincourt. Cette personne-l`a, c’'etait Delphine Fargeaux. La jeune femme, au moment o`u le courtier Coquard l’entra^inait, avait eu la stup'efaction de voir s’enfuir tout d’abord la Recuerda avec le baron Stolberg, puis Delphine Fargeaux apercevait aussi quelqu’un dont elle identifiait parfaitement la personnalit'e. Quelqu’un qu’elle voyait s’agripper aux ressorts de l’automobile du baron Stolberg. Quelqu’un que Delphine reconnaissait pour ^etre Backefelder dont elle avait fait la connaissance dans de si tragiques circonstances au ch^ateau de Garros.
Delphine Fargeaux, 'etait tellement pr'eoccup'ee par tous ces myst`eres qu’elle se jura ce soir-l`a, d’avoir la clef de l’'enigme.
Bravement, apr`es avoir 'econduit Coquard qui ne comprenait rien `a son attitude, elle 'etait partie `a pied, en pleine nuit, pour le boulevard Malesherbes. Devant la maison silencieuse, la jeune femme 'etait rest'ee, plus patiente que Backefelder. Elle avait attendu et ses esp'erances n’avaient pas 'et'e d'ecues, car `a l’aube, elle voyait sortir de la demeure du baron Stolberg sa rivale : la Recuerda.
Celle-ci trouvait un fiacre, et Delphine Fargeaux en prit un autre. Les deux v'ehicules arriv`erent rue Saint-Ferdinand. Delphine arr^eta sa voiture. Elle comprenait que la Recuerda se rendait chez Backefelder.
Qu’allait-elle donc y faire ? Delphine la laissait entrer, puis, fort tranquille pour observer tout ce qu’elle voulait, car la rue `a cette heure matinale, 'etait absolument d'eserte, elle se rapprochait peu `a peu de la maison de Backefelder. Les persiennes 'etaient ferm'ees, mais `a l’int'erieur, l’Am'ericain avait oubli'e de tirer les rideaux, et ayant fait la lumi`ere lorsque la Recuerda 'etait arriv'ee, la pi`ece 'etait 'eclair'ee et de l’ext'erieur, par les interstices du volet, on pouvait parfaitement voir ce qui s’y passait.
Surprise d’abord par l’attitude des deux amants, qu’elle ne pouvait pas comprendre, Delphine Fargeaux s’'emut du ton tragique que semblait prendre la discussion ; elle voyait Backefelder parler autoritairement `a sa ma^itresse, puis, tandis qu’il s’approchait du t'el'ephone, celle-ci tirait un poignard de son corsage et coupait le fil de communication. Puis, d`es lors, devant les yeux terrifi'es de Delphine, se d'eroula le drame rapide mais effroyable. Backefelder rouge de col`ere se pr'ecipitait sur sa ma^itresse.
— Il va la tuer, pensa Delphine, qui ferma les yeux. Mais lorsqu’elle les ouvrit, elle poussait un long hurlement de terreur. Une seconde s’'etait 'ecoul'ee, elle voyait Backefelder 'etendu sur le sol, un poignard enfonc'e jusqu’`a la garde dans la poitrine, cependant que blafarde, agenouill'ee pr`es de lui, la Recuerda regardait la mort face `a face.
Affol'ee, Delphine prit la fuite. Courant comme une folle, elle alla, elle alla longtemps, sans se rendre compte du chemin qu’elle faisait, sans souci des quolibets qu’elle s’attirait au passage lorsque par hasard elle 'etait rencontr'ee par des ouvriers lev'es de bonne heure, des gens se rendant `a un travail matinal.
Delphine 'etait all'ee ainsi jusqu’au bord de la Seine, et, arr^et'ee sur le parapet d’un pont, elle consid'era distraitement les ondes glauques que roulait le fleuve.
Mais, soudain, Delphine Fargeaux, r'eagit. Elle serra les poings et son doux visage prit une expression de rude 'energie.
— Cette femme, murmura-t-elle, est un monstre, elle a tu'e, elle tuera encore.
Et Delphine songeait, 'emue, que peut-^etre l’effroyable sort de Backefelder, quelqu’un d’autre risquait de le subir, et quelqu’un dont Delphine voulait `a tout prix prot'eger l’existence, car elle l’aimait, quelqu’un qui n’'etait autre que le baron Stolberg.