Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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22 – LE GUET-APENS
— Monsieur le ministre, je ne vous remercie pas de votre bienveillance, de la h^ate que vous avez mis `a m’accorder ce que je vous demandais, car j’imagine qu’aucun doute ne peut vous rester relativement `a l’innocence de mon prot'eg'e : J'er^ome Fandor. Toutefois, je vous prie de croire, monsieur le ministre, que je vous aurai une reconnaissance 'eternelle.
— Mais laissez donc, mon bon Dupont, laissez donc, c’est la moindre des choses.
Dupont de l’Aube s’inclina en une r'ev'erence protocolaire et sortit du cabinet du ministre des Affaires 'Etrang`eres.
L’ambassadeur officieux de France en Espagne 'etait rayonnant. Il respirait profond'ement, `a deux reprises diff'erentes et semblait 'eprouver une joie profonde, puis d'elib'er'ement, il tourna sur le boulevard et se h^ata vers un bureau de poste voisin.
Dupont de l’Aube, depuis deux heures, entretenait le ministre de la terrible situation o`u se trouvait J'er^ome Fandor. Il avait eu quelque peine `a le convaincre, d’abord, des aventures du jeune homme, mais il s’'etait montr'e si bon avocat, il avait si bien plaid'e la cause de l’ami de Juve, qu’il avait emport'e la conviction de son interlocuteur.
Et alors, un entretien t'el'egraphique, suivi bient^ot d’un entretien t'el'ephonique s’'etait engag'e imm'ediatement entre le minist`ere des Affaires 'Etrang`eres de France et le minist`ere de la Justice d’Espagne.
En une demi-heure, l’extradition de Fandor avait 'et'e obtenue. Le ministre des Affaires 'Etrang`eres avait remis `a Dupont de l’Aube un brevet d^ument sign'e et paraph'e qui l’autorisait `a aller chercher `a la prison de Madrid, o`u Fandor devait ^etre transf'er'e, le condamn'e `a mort. Une fois extrad'e, on verrait `a obtenir la r'evision du proc`es et l’acquittement d'efinitif du jeune homme. C’'etait ce brevet d’extradition que Dupont de l’Aube, instinctivement presque, froissait dans sa poche avec une nervosit'e croissante.
— J’ai h^ate, se r'ep'etait le directeur de La Capitale, j’ai h^ate maintenant d’^etre `a Madrid et d’aller tirer Fandor des mains de ces m'echants moines.
Malgr'e son empressement, Dupont de l’Aube, cependant, p'en'etrait dans le premier bureau de poste qu’il rencontrait au passage :
— Donnez-moi le 2036-00.
Quelques instants plus tard, Dupont de l’Aube, entr'e dans l’une des petites cabines t'el'ephoniques, communiquait avec Juve.
— All^o, c’est Dupont de l’Aube qui vous parle. All^o, vous m’entendez, Juve ?
— Oui. Eh bien ?
La voix de Juve 'etait angoiss'ee, tremblante. Mis au courant des aventures de Fandor, par un coup de t'el'ephone de Dupont de l’Aube, arriv'e deux heures plus t^ot, Juve attendait avec une impatience extr^eme le r'esultat de la visite que l’homme politique venait de faire au minist`ere.
— Eh bien, tout est arrang'e, r'epondait Dupont de l’Aube. Ne vous faites pas de mauvais sang, j’ai le brevet d’extradition en poche, l’ambassade de Paris a 'et'e parfaite et dans quarante-huit heures, J'er^ome Fandor sera libre.
Comme Juve r'epondait avec enthousiasme, Dupont de l’Aube ajouta :
— Tenez, savez-vous ce que vous devriez faire, Juve ? Sauter dans le Sud-Express ce soir, nous prendrions rendez-vous, par exemple, `a Madrid m^eme, aux portes de la prison centrale. Vous viendriez assister `a la mise en libert'e de Fandor.
Bien entendu, le policier accepta. Quelques instants plus tard, Dupont de l’Aube, toujours se frottant les mains, toujours joyeux et satisfait, quittait le bureau de poste pour se rendre chez lui, mettre ordre rapidement `a ses affaires et retourner `a la gare o`u il comptait prendre le train de luxe.
Dupont de l’Aube habitait boulevard Suchet, le long des fortifications, `a mi-distance `a peu pr`es entre Auteuil et Passy.
Il occupait l`a un ravissant petit h^otel luxueusement install'e et qu’il se d'esolait de n’habiter pas plus souvent. Toujours occup'e, en effet, de graves combinaisons, toujours en d'eplacement, toujours accompagnant le Pr'esident de la R'epublique dans ses voyages officiels, maintes fois charg'e d’ambassades secr`etes, Dupont de l’Aube, depuis qu’il 'etait arriv'e `a une sorte de c'el'ebrit'e, au S'enat, passait en r'ealit'e tr`es peu de temps `a Paris, ce qui n’'etait que pour lui faire m'ediocrement plaisir.
Dupont de l’Aube, ayant t'el'ephon'e `a Juve, gagna la gare Saint-Lazare, s’installa dans un confortable wagon de premi`ere classe, et n’en descendit qu’`a la gare de Passy. La nuit 'etait v'eritablement superbe, de rares 'etoiles commencaient `a briller au ciel, les r'everb`eres clignotaient dans les all'ees d'esertes et majestueuses du Ranelagh. Dupont tira un bon cigare et, les mains derri`ere le dos, en fl^aneur, entreprit de rejoindre son domicile.
— Il est sept heures un quart, songea-t-il, j’ai `a peu pr`es pour une heure de travail `a la maison. Je serai pr^et `a huit heures et demie, `a neuf heures un quart je serai `a la gare. J’y prendrai un rapide d^iner au buffet et, ma foi, `a dix heures trente je me coucherai dans mon wagon, tout tranquillement, pour ^etre en temps opportun `a Madrid et annoncer `a cet excellent Fandor que ce n’est pas encore en Espagne qu’il devra quitter la vie.
Dupont de l’Aube, au sortir de la gare de Passy, avait donc pris par l’all'ee qui longe la voie de chemin de fer et s’infl'echit ensuite sur la droite, traversant les fortifications pour se rendre aux lacs. Il y avait naturellement, `a cette heure d'ej`a tardive de la journ'ee, tr`es peu de passants, et Dupont de l’Aube n’apercevait gu`ere sur les pelouses vertes qu’un groupe attard'e d’hommes et de femmes qui, venant de d^iner sur l’herbe, jouaient au ballon, les hommes en bras de chemise, les femmes secouant leurs jupes et tous faisant grand tapage et grand bruit.
— Ma foi, songeait encore Dupont de l’Aube, voil`a des joueurs que j’admire. Au moins, ils sont venus faire d^inette au moment o`u les pelouses ne sont pas encombr'ees.
Avancant toujours, Dupont de l’Aube, arriva bient^ot au croisement du boulevard Suchet, dans lequel il allait tourner. Il avait encore dix minutes de marche et ne s’en plaignait pas, tr`es satisfait qu’il 'etait de humer en paix la bonne atmosph`ere de la soir'ee.
Or, comme il tournait sur le boulevard, le s'enateur croisait trois individus `a mine de r^odeurs qui, lui sembla-t-il, en le voyant, avaient brusquement tressailli, Dupont de l’Aube d'ej`a se mettait sur la d'efensive, aimant peu cette rencontre en un endroit si d'esert, lorsque l’un des voyous, tr`es poliment, prenait sa casquette `a la main, et s’approchait de lui.