Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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La m`ere Martin n’osait pas r'epondre.
En r'ealit'e, son mari e^ut eu un raisonnement fort juste si celui-ci n’'etait point parti d’une donn'ee absolument fausse. En r'ealit'e, on avait toujours pay'e, en effet, et fort r'eguli`erement, les mois de nourrice. Seulement, la m`ere Martin avait eu l’id'ee, mise en go^ut par un premier mensonge, d’escamoter ces mois `a son homme.
Or, voil`a que ca tournait mal. Furieux de n’avoir pas 'et'e pay'e, le p`ere Martin voulait rendre le gosse !… Ca, c’'etait vraiment un d'etestable projet ! La m`ere Martin se sentait toute chose en y pensant. Trente francs qu’elle aurait `a d'epenser en moins ! Vingt sous par jour qu’elle ne licherait plus… Ah ! non, elle ne pouvait pas admettre ca !
La m'eg`ere, d’autre part, n’avait nulle envie d’avouer `a son mari qu’elle avait escamot'e les mois de nourrice. Le p`ere Martin, en effet, n’aimait point les discussions et ne perdait jamais son temps en querelles ou en criailleries. Elle savait d’avance quelle conduite il tiendrait : dans un coin il y avait une trique qu’il prendrait, et s^urement elle attraperait une roul'ee formidable qui lui apprendrait, pour l’avenir, `a ne point dissimuler les recettes du m'enage.
Pourtant, la m`ere Martin ne pouvait pas se r'esigner. Elle voulut tergiverser encore :
— On pourrait peut-^etre 'ecrire `a la m`ere ? proposait-elle.
Mais son homme ne voulait point accepter ce projet.
— Oui, faisait-il. Pour perdre les deux sous de timbre et toucher des n`efles !… C’est encore une id'ee, cela !
Et il devenait encore plus brusque.
— Allez, j’avance des sous ! J’te dis que j’ai mon projet… J’prends l’gosse par la peau du cou, je le rapplique `a sa maman, je lui dis : Voil`a l’gamin, faut m’payer ou je le laisse !
Et le p`ere Martin riait, se frottait les mains.
— Alors, disait-il, de deux choses l’une : ou la m`ere raque et je ram`ene le morveux, ou bien elle ne raque pas et je lui laisse… Demain, on en aura un autre de l’Assistance. Non, mais des fois !… J’suis pas charg'e de l’'elever, le fils Poucke !
Et il riait, il riait m^eme de bon coeur, 'etant `a cent lieues de se douter des angoisses de sa femme.
Celle-ci, toutefois, se d'ecidait :
— Bon, fit-elle, j’vas te donner de quoi radiner jusqu’`a Paris. D'ebrouille-toi, apr`es tout ! P’t^et’bien que la m`ere raquera, p’t^et’bien m^eme que c’est les mandats qui n’arrivaient pas, car enfin, jusqu’`a y a trois mois, elle payait r'eguli`erement.
La m`ere Martin lancait cela d’un ton doucereux, sans insister, avec l’espoir que son homme s’y tromperait, et que cela fournirait, pour plus tard, une base d’explication.
P'eniblement, elle ouvrait le fameux placard, prenait une thune qu’elle remettait `a son mari.
— Tu pars maintenant ? demandait-elle.
— Et comment !… J’m’en vais pas moisir !… Fais l’ballot et je l’porte.
Le ballot n’'etait pas difficile `a faire. En quelques instants, la m`ere Martin eut pli'e dans un grand tablier les quelques affaires qui appartenaient au gosse, elle remit le tout `a son mari.
— Voil`a, d'eclarait-elle. Mais t^ache tout d’m^eme de le ramener. Apr`es tout, quand elle payait, la m`ere, c’'etait pas une si mauvaise affaire que ca !…
Le p`ere Martin ne r'epliquait pas. D'ej`a il 'etait dans la cour, d'ej`a il appelait :
— Num'ero quatre, arrive ici !
Une demi-heure plus tard, le num'ero quatre avait quelque peu chang'e d’aspect. Chose qui n’arrivait que bien rarement, on l’avait `a peu pr`es peign'e, lav'e, on avait m^eme pouss'e le soin jusqu’`a s’assurer qu’il avait des bas et que ses souliers comportaient des lacets.
— Radine, maintenant, m^omignard ! commandait le p`ere Martin, qu’on te rapplique `a ta daronne…
Ils prirent le tramway, descendirent `a la barri`ere de Paris, et le p`ere Martin commenca par aller boire un verre.
Il y a loin, cependant, de la barri`ere du tramway `a Montmartre o`u habitait pr'ecis'ement Paulette de Valmondois, c’est-`a-dire la fille Poucke, m`ere du petit Gustave.
Le p`ere Martin pensa n’arriver jamais. Le gosse trottinait `a ses c^ot'es, mais se mourait de fatigue et il n’avancait pas. Il pleurait tout le temps.
— Sale m^ome ! grondait le p`ere Martin. En voil`a un chignard !… On peut m^eme pas cogner dessus, il chiale `a la minute !
Place Saint-Michel, cependant, malgr'e son avarice extr^eme, le p`ere Martin se fendit d’un omnibus. Il pleura mentalement, lui aussi, sur les six sous qu’il fallait d'epenser encore, mais une demi-heure plus tard il arrivait `a Montmartre, non sans satisfaction.
— Maintenant, pensait le p`ere Martin, s’agit voir `a voir `a trouver un moyen de se d'ebrouiller !… S^urement que ca ne sera peut-^etre pas commode, mais, tout de m^eme, ca doit pleuvoir des sous, cette histoire-l`a !
Le p`ere Martin, en effet, n’avait confi'e `a sa femme que la moiti'e de ses projets. Il avait bien l’intention d’abandonner le gosse si la m`ere ne voulait point raquer, mais il gardait l’espoir qu’elle raquerait, et gros encore !
— Je m’en vas m’faire bonnasse, pensait-il, je lui dirai comme ca qu’on s’est attach'e `a son fiston, qu’on veut bien l’garder encore, mais qu’y faut qu’elle donne un louis de plus. Ce louis-l`a, parbleu, la m`ere, elle n’en saura rien !…
Le p`ere Martin, en somme, tout comme sa femme, avait bien l’intention de faire d'elicatement sauter le plus d’argent possible et de profiter de son voyage `a Paris pour s’amuser un brin.
Rue Blanche, cependant, le nourricier devait d'echanter. Il se heurtait, en effet, `a une concierge qui n’avait pas l’air commode.
— Voil`a ! expliquait Martin. C’est rapport `a c’gosse-l`a que j’viens. C’est bien ici qu’habite M me Poucke ?
La concierge consid'erait Martin avec des yeux 'etonn'es.