Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Une voix faible, tr`es faible, ripostait lentement :
— Mieux, il me semble. J’ai moins de fi`evre.
Et c’'etait la demande habituelle, la demande classique, celle que formulent tous les bless'es :
— Est-ce que le m'edecin ne va pas venir, ce matin ?
— Si, riposta M lle Berthe. Vous allez avoir des visites. Il faudra ^etre sage et ne pas trop vous agiter.
En parlant, d’un geste machinal, l’infirmi`ere tapotait les oreillers. Elle arrangeait les couvertures, disposait en ordre les quelques flacons qui tra^inaient sur les tablettes, reculait le verre comble jusqu’au bord d’une potion calmante.
— Oui, vous avez moins de fi`evre, approuva-t-elle, jetant un coup d’oeil `a une pancarte fix'ee au-dessus de la t^ete de la bless'ee. Hier soir, vous aviez 39,8, vous avez maintenant 39,2. Allons, vous vous en tirerez !
`A ce moment, la porte de la chambre s’ouvrait, le Dr Tillois entrait, suivi des deux personnages que l’infirmi`ere avait rencontr'es dans le couloir.
— Passez donc, messieurs ! faisait le chirurgien.
— Apr`es vous, docteur.
— Nullement. Ici, je suis chez moi.
On faisait assaut de politesse, puis les trois hommes p'en'etraient dans la pi`ece.
Le Dr Tillois, alors, s’approchait du lit o`u la malade demeurait sans mouvement. Le chirurgien, d’un regard aigu, consid'erait son visage, puis il t^atait son pouls, examinait la langue, enfin il d'eclarait :
— Beaucoup mieux, ce matin. La fi`evre tombe, la surexcitation nerveuse dispara^it.
Le juge d’instruction, cependant, s’approchait.
— Puis-je tenter un interrogatoire ?
— Oui, `a condition qu’il soit court.
— Je ne demanderai que l’indispensable.
Le juge d’instruction, `a ce moment, s’approchait tout `a fait du lit et se penchait au-dessus de la bless'ee `a qui il adressait un bon sourire. Ce juge d’instruction, M. Gabert, 'etait d’ailleurs un brave homme. Il n’aurait pas fait de mal `a une mouche et il 'etait fort troubl'e de se trouver ainsi, ce qui ne lui 'etait encore jamais arriv'e, contraint d’exercer son redoutable minist`ere au chevet d’une malade.
— Voyons, madame, commencait-il, je vais vous poser quelques questions et vous me r'epondrez le plus bri`evement possible. Un simple signe de t^ete quand ce sera oui, un autre quand ce sera non, deux mots lorsqu’il vous faudra parler…
Puis, malgr'e lui, repris par les habitudes du m'etier, le juge d’instruction haussait la voix :
— Je n’ai pas besoin, n’est-ce pas, d'eclarait-il, de vous rappeler toute la gravit'e de vos paroles. Il faut me faire le serment de dire la v'erit'e, rien que la v'erit'e. R'epondez tout bas : Je le jure.
— Je le jure ! fit la malade.
Le juge d’instruction se tournait alors vers son compagnon, examinant d’un coup d’oeil `a la d'erob'ee l’attitude du Dr Tillois qui, indiff'erent `a cette sc`ene, s’'etait rapproch'e de la fen^etre et tapotait du bout des doigts une marche militaire sur les carreaux.
— Monsieur le greffier, dit le juge d’instruction, veuillez noter que j’ai fait pr^eter le serment d’usage.
Il se penchait `a nouveau vers la malade, il demandait encore :
— Dites-moi, madame, vous ^etes bien madame Paulette de Valmondois, et de votre nom de famille, la fille Poucke ? Vous habitez bien rue Blanche ? Vous avez bien pour amant M. L'eon Drapier, directeur de la Monnaie ?
— Oui, articula la malade, qui 'etait devenue tr`es p^ale.
— Inscrivez, greffier, dit le juge d’instruction.
Et pendant que la plume du greffier grincait sur une feuille de papier blanc, le juge d’instruction s’'epongeait le front, car, 'etant tr`es 'emu, il avait terriblement chaud.
Mais 'etait-ce donc bien la jolie Paulette de Valmondois qui se trouvait dans cette chambre d’h^opital, confi'ee aux soins mercenaires de Berthe l’infirmi`ere, expos'ee encore aux essais scientifiques du chirurgien Tillois, fort pr'eoccup'e de se cr'eer de la r'eclame en tentant d’audacieuses interventions ?
Il s’agissait en effet de Paulette de Valmondois.
Lorsque celle-ci avait recu tout d’abord, chez elle, rue Blanche, l’'etrange visite du personnage qui l’avait interrog'ee sur le valet de chambre de son amant, lorsqu’elle avait, quelques instants plus tard, recu la visite de L'eon Drapier lui-m^eme, venu lui faire une sc`ene terrible en raison des fameux certificats qu’elle semblait avoir r'edig'es elle-m^eme au profit du domestique Firmain, la jolie Paulette, 'evidemment, n’avait point pu se douter des terribles et tragiques 'ev'enements dont elle devait ^etre, sur l’heure m^eme, la malheureuse victime.
Ceux-ci s’'etaient produits cependant. Lorsque L'eon Drapier, 'emotionn'e par le coup de revolver qu’il avait entendu nettement, 'etait rentr'e dans la pi`ece o`u Paulette venait de dispara^itre, il avait vu sa ma^itresse 'ecroul'ee sur le sol, perdant son sang `a grands flots, et il s’'etait enfui.
L'eon Drapier, par bonheur, n’avait pas 'et'e le seul `a entendre le coup de feu. Il n’'etait pas au bas de l’escalier que la domestique de Paulette accourait. Elle relevait sa ma^itresse 'evanouie, la poitrine trou'ee d’une balle ; elle pensait mourir de peur, mais elle avait cependant l’'energie n'ecessaire pour donner l’alarm'e, appeler la concierge, faire pr'evenir la police.
Tout s’'etait alors pass'e normalement, avec cette lente et parfaite tranquillit'e qui est la tranquillit'e des indiff'erents lorsqu’ils se trouvent en pr'esence d’un malheur qui ne les touche pas personnellement.
On avait 'et'e chercher le pharmacien, qui n’avait rien os'e faire. Un m'edecin avait 'et'e pr'evenu qui, ayant doctement examin'e la blessure, avait fini par d'eclarer qu’il lui 'etait impossible d’appr'ecier la gravit'e du mal et que le mieux 'etait de faire transporter Paulette `a l’h^opital.