Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Dans une accalmie de temp^ete, les bruits suspects redoubl`erent.
— Ah ! mais, on le d'efendra, l’Autre ! gronda Radrap.
Et tandis que ses hommes se massaient, prenaient leurs positions, Radrap grognait de sourds jurons :
— Foutre de nom d’un chien !… On leur cr`everait la panse `a ceux-l`a qui oseraient s’attaquer `a l’Autre, on les 'etriperait !
— `A coups de sabre ! rugissait soudain, de sa voix chevrotante, Radrap… `a coups de sabre, tout `a l’heure ! Et ce sera de la bonne besogne !
Ils n’avaient d’armes ni les uns ni les autres, ils grelottaient tous de froid, les nuages menacaient de crever, mais ils restaient l`a tous, et ces vieux 'etaient h'ero"iques.
— D'egueulasse, mon vieux, t^ache voir moyen `a bien te t’nir !
— Fumier, ma vieille, num'erote tes abattis… Si jamais tu t’les cassais, faudrait pas qu’on t’les r’monte `a l’envers !
— Avance donc, limace. Passe-moi la main, au lieu de gueuler…
Un instant le silence r'egnait, puis D'egueulasse reprenait :
— Chien de m'etier, tout d’m^eme ! Ah bien, ils ont eu raison, OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz, de bouder `a la besogne, on y laissera sa peau !
— Jamais de la vie !… Ce qu’on y laissera, c’est son pantalon !
Fumier avait raison de pr'etendre que son pantalon courait le plus grand risque. Il avait pr'ecis'ement entendu un craquement sinistre et significatif, il concluait sur un ton pleurard :
— Encore un vieil ami qui me l^ache !… Mon fond de culotte qui s’fiche rentier et se r’tire des affaires !
Mais o`u donc se tenait ce dialogue ?
D'egueulasse et Fumier 'etaient tout simplement dans une goutti`ere. Il faisait nuit sombre. Le vent sifflait avec rage, `a grosses gouttes la pluie commencait `a tomber.
D'egueulasse et Fumier, une heure plus t^ot, s’'etaient tranquillement cach'es dans le mus'ee des uniformes install'e aux Invalides. Ils en 'etaient sortis aux environs de neuf heures du soir. Une lucarne ouverte leur avait permis de descendre sans difficult'e sur la toiture d’un petit b^atiment. De l`a, en hommes qui connaissent le chemin, ils s’'etaient dirig'es sans h'esitation vers d’'enormes crampons de fer scell'es dans une muraille qui leur avaient servi d’escalier.
D'egueulasse et Fumier, invisibles dans la nuit, s’'etaient hiss'es par ces crampons. Leur ascension avait 'et'e p'enible et n’avait pas 'et'e d'epourvue de p'eril. Il leur avait fallu grimper longuement et ils 'etaient `a bout de souffle lorsqu’ils parvenaient dans une vaste goutti`ere o`u Fumier perdait son fond de culotte.
D'egueulasse paraissait ne pas porter attention aux m'esaventures de son compagnon.
— Bon, bon, gueule pas ! conseillait-il. Mets-y un bouchon cachet'e, ma vieille ! Des fois, ca n’a pas d’importance, l’essentiel est que maintenant on touche au turbin. As-tu les outils, nom de d’l`a ?
— Bien s^ur, que je les ai !
Ils avanc`erent encore. Une 'echelle de fer leur servit opportun'ement `a se hisser `a nouveau.
— Qu’est-ce que c’est que ce toit-l`a ? interrogea Fumier.
— Le toit de la chapelle, c’est l`a-dedans qu’il y a les drapeaux.
D'egueulasse paraissait tr`es renseign'e, il continuait :
— On a plus loin `a aller, ma vieille. Tiens, la v’l`a, la coupole.
En suivant le toit de la chapelle, en effet, ils arrivaient au d^ome qui surmonte le tombeau de l’Empereur.
Fumier alors s’arr^etait, interdit, les bras ballants.
— Ah, nom de d’l`a, faisait-il. Et quand j’pense que c’est en or !
Il ne continuait pas. L’'enorme coupole, immense, gigantesque, le plongeait dans une stup'efaction ravie.
Jamais Fumier n’aurait invent'e pareille chose. Jamais il n’aurait cru pareil prodige…
— Vrai, remarquait-il, si c’'etait pas Fant^omas qui nous l’avait dit, je te jure bien que je ne l’aurais pas cru !
Et, trouvant la chose 'enorme, Fumier 'eclatait de rire.
— C’est tout de m^eme une dr^ole d’id'ee, bougonna-t-il, d’avoir 'et'e fiche des plaques d’or sur une toiture ! Fallait-il qu’ils y tiennent `a leur empereur !
Fumier aurait volontiers caus'e longuement, mais D'egueulasse, ce soir-l`a, avait une ^ame de travailleur.
— Bon, bon ! bougonnait-il, t’occupe pas de ca, mon poteau… C’est d’la politique, et la politique, on s’en fout…
D'egueulasse ajoutait d’un air bonhomme :
— L’important, vois-tu, ma vieille, c’est que l’d^ome des Invalides, c’est d’l’or, et que cet or-l`a, Fant^omas en a besoin. Para^it que ca rentre dans des combines qu’il est en train de manigancer. T’as les sacs ?
Mais Fumier ne r'epondait pas. Fumier, brusquement, s’'etait jet'e `a plat ventre sur la toiture dor'ee. Il 'etendait les bras, il palpait le m'etal pr'ecieux.
— C’est de l’or ! r^alait-il. Dire que c’est de l’or !
Alors D'egueulasse se moqua de lui :
— Bougre d’^ane, faisait-il. C’est pas la peine de l’embrasser, cet or-l`a, ma vieille, elle viendra pas avec toi… As pas peur, tu voleras pas la toiture ! Tu la vol’ras pas en entier, s’entend… car pour c’qui est d’emporter les morceaux, c’est autre chose ! T’as les sacs ?
Fumier avait les sacs. Il s’agissait de deux grands fourreaux de soie qu’il avait enroul'es autour de son corps. Il tendit l’un `a D'egueulasse et garda l’autre.
— Alors, on s’met au travail ?
— Oui, ma vieille, on s’y colle !
— S^ur qu’on va avoir des ampoules…
— Ca t’g^ene, madame la marquise ?
— Non, j’m’en fous, mais ca m’d'ego^ute !
Il n’'etait 'evidemment pas habitu'e `a avoir de pareilles traces sur ses mains, qu’il ne fatiguait pas souvent `a de rudes besognes.