Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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D'egueulasse, cependant, s’'etait empar'e d’une lime, d’un ciseau `a froid et d’un marteau. Il attaquait alors le d^ome, il en d'ecoupait des morceaux, des rognures, il en raclait le m'etal pr'ecieux.
— C’est tout de m^eme malheureux, grondait alors D'egueulasse, cependant que Fumier l’imitait, c’est tout d’m^eme malheureux d’penser qu’on va remplir ces sacs-l`a d’or et que Fant^omas, pour not’peine, nous aboulera tout juste quelques sous ! Ah, il est g'en'ereux, l’mec !…
Mais Fumier n’'etait pas de cet avis.
— D’abord, faisait-il, on n’sait pas c’que Fant^omas donnera. D’autre part, y a quelque chose de s^ur et d’certain, c’est que sans lui on n’aurait jamais pens'e `a venir ici… Et enfin, ma vieille, c’est entendu qu’on raboule de l’or, mais on s’rait joliment emp^ech'e s’il fallait le fourguer… Donc, on a tout int'er^et `a traiter avec le patron…
Ils travaill`erent longtemps. Leurs sacs se remplissaient. Ils avaient pourtant `a peine 'ebr'ech'e un peu du d^ome, une plaque d’un m`etre peut-^etre. Cela enthousiasmait Fumier.
— Mince de p'epites ! disait-il. Et comment, qu’on l’a trouv'ee, la mine d’or ! On en a pour cent dix ans, bien s^ur, avant d’avoir 'epuis'e le lingot…
Fumier, `a ce moment, pliait en h^ate les sacs, les liant avec des ficelles.
— On n’en a pas pour cent dix ans avant d’^etre tremp'es comme des potages, en tout cas ! V’l`a qu’y lansquine…
Il pleuvait, en effet, il pleuvait maintenant par rafales, toute une averse qui cinglait et remplissait les goutti`eres.
— Eh bien, c’est gai ! dit D'egueulasse. On a choisi la temp'erature… Mince, alors, cavalons ! Moi, j’en ai marre, de la flotte, je n’l’aime pas plus d’ssus que d’dans…
Il 'etait certain que si D'egueulasse disait vrai, il ne devait gu`ere aimer la pluie. Il buvait en effet fort rarement un verre d’eau, si toutefois il en buvait jamais.
Les deux compagnons alors entreprirent de redescendre. Chacun d’eux portait un sac rempli de rognures d’or. En ouvriers m'eticuleux, ils avaient tranquillement rang'e les outils dans la goutti`ere du d^ome, ne se donnant pas la peine de les emporter, car ils 'etaient bien d'ecid'es `a revenir.
D'egueulasse, le premier, toucha le sol. Il 'etait tremp'e, il se secoua. Fumier, `a ce moment, le rejoignit :
— On va s’payer deux litres `a douze ! murmurait-il.
Ils causaient ainsi tranquillement, pr^ets `a sortir des Invalides par une petite porte basse dont ils s’'etaient procur'e la clef, lorsqu’`a l’improviste, tout pr`es d’eux, ils entendirent une vieille voix hurler :
— Pr'eparez-vous `a charger… Chargez !
D'egueulasse sursauta. Fumier jura.
— Bon, qu’est-ce qui s’passe ?
`A ce moment, les b'equilles hautes, les mains en avant, des cannes tournoyant autour de leur t^ete, un groupe d’invalides foncait sur les deux voleurs.
— Fl^ute ! jura Fumier. V’l`a les d'ebris qui s’r'eveillent !
D'egueulasse, `a ce moment, ordonnait :
— Cavalons, mon poteau, cavalons ! Avec le foin qu’ils font, s^ur que les pompiers vont rappliquer !…
D'egueulasse et Fumier eurent tout juste la peine de d'ecocher trois ou quatre coups de poing. Il y eut de sourds jurons, une courte lutte. Radrap 'etait tomb'e par terre, il jurait comme un fou. Croquemitaine, de son c^ot'e, geignait qu’il avait s^urement recu un coup de sabre. Un autre pr'etendait avoir eu la poitrine trou'ee par un boulet.
Dans la bande des invalides, ce fut une v'eritable panique.
Un quart d’heure plus tard cependant, `a la chambr'ee, ils discutaient leurs exploits.
— Enfin, tout d’m^eme, grondait Radrap, on n’pourra plus dire `a la place qu’il ne se passe rien et que nous avons le cauchemar ! La meilleure preuve qu’il se passe quelque chose, c’est que Croquemitaine a l’oeil poch'e, que Ravon a la jambe cass'ee – il s’agissait d’une jambe de bois – et que j’ai recu des coups de poing qui m’ont enfonc'e les c^otes. Ce sont des preuves, cela !
Le lendemain, la place, comme ils disaient, les fit gronder tous tr`es fort. Il y avait six cas de bronchite. Cela n’avait pas le sens commun, aussi, de s’en aller r^oder la nuit avec des pr'etextes de l’autre monde ! S’il n’'etaient pas sages, on les suspendrait de leurs grades !
Et le jeune lieutenant qui sermonnait les invalides, n’ajoutant pas un instant foi aux r'ecits de leurs aventures, pour avoir le dernier mot osait un ch^atiment exemplaire :
Ils furent tous punis de tabac !
Radrap, alors, ne d'ecol'era pas.
— Ah bien, disait-il, on s’apercoit que ce n’est plus l’Autre qui gouverne ! Maintenant, quand on fait campagne, c’est les emb^etements qui vous tombent sur la t^ete !…
Et, d`es lors, les invalides eurent une histoire de plus `a se raconter.
Il parlaient d’une invraisemblable 'emeute qu’ils avaient dompt'ee, d’une attaque `a main arm'ee contre le tombeau de l’Empereur, qu’ils avaient heureusement pu repousser.
D’ailleurs, comme ils avaient 'et'e grond'es tr`es fort, comme ils avaient eu tr`es froid aussi, pas un d’eux ne proposa d’aller `a nouveau veiller la nuit pour s’assurer que rien de suspect ne se produisait encore…
XIII
Fin de d'ebauche
Les derniers cavaliers venaient de rentrer aux man`eges. Comme lasse d’avoir 'et'e parcourue par tant de gens, par tant de couples, la route semblait endormie dans un tranquille sommeil. On se serait cru, en la regardant, en pr'esence d’un extraordinaire serpent qui, tout poudr'e de poussi`ere, aurait eu la fantaisie de s’endormir `a flanc de coteau, en laissant son grand corps zigzaguer entre les maisons.