Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:
Tranquillement, M. Havard demandait :
— Allons, allons, du calme ! Et finissons-en ! Voyons, ne nous faites pas perdre de temps ! Voulez-vous avouer, Mon-Gnasse ?
Or Mon-Gnasse, `a cette demande, feignait une profonde stup'efaction.
— Avouer quoi ? demandait-il. Qu’on a fait un gueul’ton soign'e ? Ca, j’veux bien, quand c’est que l’gouvernement raque, il n’est pas trop raleux, mais c’est tout c’que j’peux avouer…
Et, se frappant sur la poitrine, Mon-Gnasse continuait :
— On est des innocents, nous autres… des anges du paradis… des J'esus… On n’a rien sur la conscience… C’est-y pas vrai, d’abord, la Puce ?
— S^ur et certain ! confirma la Puce.
— M^eme, ajoutait Mon-Gnasse, qu’on s’en allait pour une nuit d’amour, lorsque les cognes nous ont fait bons… Rapport `a quoi ? on n’sait pas !
Puis Mon-Gnasse se montait, la col`ere semblait le reprendre :
— Et d’ailleurs, achevait-il, ca s’passera pas comme ca !… Si c’est qu’on n’nous rend pas `a nos familles, qui sont sans doute dans les larmes, on va faire du raffut !… Tiens, mais des fois, on est en R'epublique, aussi !… Pourquoi qu’on nous poisse quand on n’a rien fait ? J’'ecrirai au Miniss !
Juve, qui n’avait rien dit, se leva brusquement :
— Ah ! tu veux 'ecrire au ministre ! faisait-il, tutoyant Mon-Gnasse avec l’autorit'e et le sang-froid d’un homme qui en a vu de plus rebelles et de plus durs… Eh bien, mon petit, ce n’est pas la peine de te g^ener. Allez, vas-y, parle !… Voil`a pr'ecis'ement le ministre de l’int'erieur, le ministre de la Justice et le ministre des Finances !
Or, `a ces mots, Mon-Gnasse, stup'efait, reculait. Brusquement, il se sentait mal `a l’aise. C’'etait d’une voix beaucoup moins assur'ee qu’il r'etorquait `a Juve :
— Des ministres, ces mal fichus-l`a ?… Non, mais ca n’prend pas ! Faudrait la faire `a d’autres ! On est d’Pantruche !…
M. Havard se sentit d'efaillir.
Les ministres ne bronchaient pas.
Juve, de son c^ot'e, ne se troublait aucunement. C’'etait malgr'e lui qu’il 'etait intervenu, et parce qu’il trouvait que M. Havard conduisait mal l’interrogatoire.
Il d'eclara nettement :
— Mon-Gnasse, tu es un imb'ecile ! Tu veux nier l’'evidence, mais cela ne sert `a rien. Quand le bifteck est l`a, il faut se mettre `a table !
Les ministres, `a cet instant, ne comprenaient peut-^etre pas, mais Mon-Gnasse, en revanche, saisissait parfaitement l’argot de Juve.
Se mettre `a table, c’'etait avouer… Et ce que Juve d'esignait par le bifteck, c’'etait 'evidemment le corps du d'elit…
Mon-Gnasse pourtant voulut ruser :
— Le bifteck, quoi ? dit-il. O`u c’est qu’il est ? J’le zieute pas, moi !… On n’a rien contre nous !
Mais d`es lors que l’apache commencait `a discuter, d`es lors qu’il r'epondait aux questions qu’on lui posait, il 'etait d’avance perdu.
Juve ne lui laissa pas le temps de r'efl'echir.
— Le bifteck, d'eclarait-il, ce sont les pi`eces d’or que vous aviez hier soir, toi et ta femme. D’o`u viennent-elles ? Allons, parle !
Le teint de Mon-Gnasse 'etait devenu terreux. L’apache, `a ce moment, sentait que les choses tournaient mal pour lui. Bien s^ur, il se rendait compte que ces pi`eces d’or d'ecouvertes dans sa poche, trouv'ees dans les bas de la Puce, constituaient une charge inqui'etante. Comment expliquer leur pr'esence ?
D’une voix qui h'esitait d'ej`a, Mon-Gnasse expliqua :
— Eh bien quoi, les jaunets y n’devaient rien `a personne ! J’ai pas `a expliquer ma fortune !
— Si, fit Juve. Quand on n’est pas propri'etaire, il faut…
Mais Mon-Gnasse venait d’inventer une explication, il se h^ata de la donner :
— Eh bien, voil`a ! commenca-t-il. Ce p`eze-l`a, je l’ai gagn'e aux courses. J’voulais pas l’dire, parce que mes th'eories sont contre les courses et que j’suis honteux d’la chose…
En parlant, Mon-Gnasse jetait des coups d’oeil sournois pour s’assurer de l’effet que produisaient ses paroles.
Juve, tranquillement, venait de se lever.
Sans hausser la voix, il disait `a L'eon :
— Faites donc conduire ces bonnes gens-l`a au cachot. Apr`es tout, nous sommes bien b^etes de perdre du temps avec eux !
Or Mon-Gnasse, en 'ecoutant ce propos, perdait toute son assurance.
Une peur affreuse lui venait.
Des fois, est-ce que les cognes ne l’auraient pas fil'e depuis Robinson ? Est-ce que la rousse ne savait pas qu’il turbinait pour Fant^omas ? Ils 'etaient tous l`a `a lui tirer les vers du nez ; peut-^etre bien qu’ils faisaient les imb'eciles mais qu’ils en savaient long !…
Et Mon-Gnasse fut pris d’un d'esespoir violent `a la pens'ee qu’on allait le reconduire dans sa cellule, qu’il y resterait peut-^etre au secret pendant sept ou huit jours et que, tout ce temps, il ne saurait rien de ce qui se tramait contre lui…
Mon-Gnasse ouvrit la bouche pour parler, mais la Puce le devanca :
— Ah ! bien, zut alors ! d'eclarait la femme. Si c’est comme ca, moi, j’aime mieux jacter ! Bien s^ur, qu’on sait des choses !…
Mon-Gnasse, `a son tour, reprit la parole :
— Pour en savoir, se h^atait-il d’ajouter, ca, on en sait !… Seul’ment, nous autres, on est innocents…
Puis, d’un coup d’oeil, Mon-Gnasse invitait la Puce `a se taire.
— On n’peut m^eme pas jacter ce qui s’appelle des renseignements, rapport `a ce que l’type qui nous a r’fil'e les pi`eces, on l’conna^it `a peine…
— Ah ! fit Juve. On vous a donc refil'e les pi`eces, maintenant ? Vous ne les avez plus gagn'ees aux courses ?
Mon-Gnasse se troubla tout `a fait.