Путешествие к центру Земли / Voyage au centre de la Terre
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Je sautai sur ma chaise. Mes souvenirs de latiniste se r'evoltaient contre la pr'etention que cette suite de mots baroques p^ut appartenir `a la douce langue de Virgile [20] .
« Oui ! du latin, reprit mon oncle, mais du latin brouill'e.
– `A la bonne heure ! [21] pensai-je.
– Examinons bien, dit-il, en reprenant la feuille sur laquelle j’avais 'ecrit. Voil`a une s'erie de cent trente-deux lettres qui se pr'esentent sous un d'esordre apparent. Il y a des mots o`u les consonnes se rencontrent seules comme le premier
20
Virgile – Вергилий (древнеримский поэт)
21
`A la bonne heure ! – В добрый час!
`A cette question je ne r'epondis rien, et pour cause. Mes regards s’'etaient arr^et'es sur un charmant portrait suspendu au mur, le portrait de Gra"uben. Nous nous aimions, et nous 'etions fianc'es `a l’insu de mon oncle, trop g'eologue pour comprendre de pareils sentiments. Gra"uben 'etait une charmante jeune fille blonde aux yeux bleus ; je l’adorais. Elle m’aidait `a ranger chaque jour les pr'ecieuses pierres de mon oncle ; elle les 'etiquetait avec moi. C’'etait une tr`es forte min'eralogiste que mademoiselle Gra"uben ! Que de douces heures nous avions pass'ees `a 'etudier ensemble ! et combien j’enviai souvent le sort de ces pierres insensibles qu’elle maniait de ses charmantes mains !
Or, j’en 'etais l`a de mon r^eve, quand mon oncle, frappant la table du poing, me ramena violemment `a la r'ealit'e.
« Ce n’est pas cela ! s’'ecria mon oncle, cela n’a pas le sens commun ! »
Puis, traversant le cabinet comme un boulet, descendant l’escalier comme une avalanche, il se pr'ecipita dans K"onigstrasse, et s’enfuit.
IV
« Il est parti ? s’'ecria Marthe en accourant au bruit de la porte de la rue.
– Oui ! r'epondis-je, compl`etement parti !
– Eh bien ? et son d^iner ? fit la vieille servante.
– Il ne d^inera pas !
– Et son souper ?
– Il ne soupera pas !
– Comment ? dit Marthe en joignant les mains.
– Non, bonne Marthe, il ne mangera plus, ni personne dans la maison ! Mon oncle Lidenbrock nous met tous `a la di`ete jusqu’au moment o`u il aura d'echiffr'e un vieux grimoire qui est absolument ind'echiffrable !
– J'esus ! nous n’avons donc plus qu’`a mourir de faim ! »
Je n’osai pas avouer qu’avec un homme aussi absolu que mon oncle, c’'etait un sort in'evitable.
La vieille servante, s'erieusement alarm'ee, retourna dans sa cuisine en g'emissant.
Je me mis au travail. Je triai, j’'etiquetai, je disposai dans leur vitrine toutes ces pierres creuses au dedans desquelles s’agitaient de petits cristaux.
Mais cette occupation ne m’absorbait pas. L’affaire du vieux document ne laissait point de me pr'eoccuper 'etrangement. Ma t^ete bouillonnait, et je me sentais pris d’une vague inqui'etude. J’avais le pressentiment d’une catastrophe prochaine.
Au bout d’une heure, mes g'eodes 'etaient 'etag'ees avec ordre. Je me laissai aller alors dans le grand fauteuil, les bras ballants et la t^ete renvers'ee.
O`u pouvait ^etre mon oncle en ce moment ? Rentrerait-il triomphant ou d'ecourag'e ? Qui aurait raison l’un de l’autre, du secret ou de lui ? Je m’interrogeais ainsi, et, machinalement, je pris entre mes doigts la feuille de papier sur laquelle s’allongeait l’incompr'ehensible s'erie des lettres trac'ees par moi. Je me r'ep'etais :
« Qu’est-ce que cela signifie ? »
J’'etais en proie `a une sorte d’hallucination ; j’'etouffais ; il me fallait de l’air. Machinalement, je m’'eventai avec la feuille de papier [22] , dont le verso et le recto se pr'esent`erent successivement `a mes regards.
Quelle fut ma surprise, quand dans l’une de ces voltes rapides, au moment o`u le verso se tournait vers moi, je crus voir appara^itre des mots parfaitement lisibles, des mots latins, entre autres
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Machinalement, je m’'eventai avec la feuille de papier… – Я обмахнулся машинально листком бумаги…
Soudain une lueur se fit dans mon esprit ; ces seuls indices me firent entrevoir la v'erit'e ; j’avais d'ecouvert la loi du chiffre.
Je me penchai sur la table ; je posai mon doigt successivement sur chaque lettre, et, sans m’arr^eter, sans h'esiter un instant, je prononcai `a haute voix la phrase tout enti`ere.
Mais quelle stup'efaction, quelle terreur m’envahit ! Je restai d’abord comme frapp'e d’un coup subit. Quoi ! ce que je venais d’apprendre s’'etait accompli ! un homme avait eu assez d’audace pour p'en'etrer !…
« Ah ! m’'ecriai-je en bondissant, mais non ! mais non ! mon oncle ne le saura pas ! Il ne manquerait plus qu’il vint `a conna^itre un semblable voyage ! [23] Il voudrait en go^uter aussi ! Rien ne pourrait l’arr^eter ! Un g'eologue si d'etermin'e ! il partirait quand m^eme, malgr'e tout, en d'epit de tout ! et il m’emm`enerait avec lui, et nous n’en reviendrions pas ! Jamais ! jamais ! »
Mon excitation 'etait difficile `a peindre.
« Non ! non ! ce ne sera pas, dis-je avec 'energie, et, puisque je peux emp^echer qu’une pareille id'ee vienne `a l’esprit de mon tyran, je le ferai. `A tourner et retourner ce document, il pourrait par hasard en d'ecouvrir la clef ! D'etruisons-le. »
23
Il ne manquerait plus qu’il vint `a conna^itre un semblable voyage ! – Он непременно захочет совершить такое путешествие!
Il y avait un reste de feu dans la chemin'ee. Je saisis non seulement la feuille de papier, mais le parchemin de Saknussemm ; j’allais pr'ecipiter le tout sur les charbons et an'eantir ce dangereux secret, quand la porte du cabinet s’ouvrit. Mon oncle parut.
V
Je n’eus que le temps de replacer sur la table le malencontreux document.
Le professeur Lidenbrock paraissait profond'ement absorb'e par sa pens'ee dominante. Il semblait vouloir appliquer quelque combinaison nouvelle. En effet, il s’assit dans son fauteuil, et, la plume `a la main, il commenca `a 'etablir des formules qui ressemblaient `a un calcul alg'ebrique.