Путешествие к центру Земли / Voyage au centre de la Terre
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Pendant trois longues heures, mon oncle travailla sans parler, sans lever la t^ete, effacant, reprenant, recommencant mille fois.
Le temps s’'ecoulait ; la nuit se fit ; les bruits de la rue s’apais`erent ; mon oncle, toujours courb'e sur sa t^ache, ne vit rien, pas m^eme la bonne Marthe qui entrouvrit la porte et dit :
« Monsieur soupera-t-il ce soir ? »
Aussi Marthe dut-elle s’en aller sans r'eponse. Pour moi, apr`es avoir r'esist'e pendant quelque temps, je fus pris d’un invincible sommeil, et je m’endormis.
Quand je me r'eveillai, le lendemain, l’infatigable professeur 'etait encore au travail. Ses yeux rouges, son teint blafard indiquaient assez sa lutte terrible avec l’impossible.
Vraiment, il me fit piti'e. Malgr'e les reproches que je croyais ^etre en droit de lui faire, une certaine 'emotion me gagnait. Toutes ses forces vives se concentraient sur un seul point, et, comme elles ne s’'echappaient pas par leur exutoire ordinaire, on pouvait craindre que leur tension ne le f^it 'eclater d’un instant `a l’autre [24] .
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comme elles ne s’'echappaient pas par leur exutoire ordinaire, on pouvait craindre que leur tension ne le f^it 'eclater d’un instant `a l’autre –
Je pouvais d’un geste desserrer cet 'etau de fer qui lui serrait le cr^ane, d’un mot seulement ! et je n’en fis rien.
« Non, non, r'ep'etai-je, non, je ne parlerai pas ! Il voudrait y aller, je le connais ; rien ne saurait l’arr^eter. C’est une imagination volcanique, et, pour faire ce que d’autres g'eologues n’ont point fait, il risquerait sa vie. Je me tairai. D'ecouvrir le secret, ce serait tuer le professeur Lidenbrock ! Qu’il le devine, s’il le peut. »
Ceci r'esolu, je me croisai les bras, et j’attendis. Mais j’avais compt'e sans un incident qui se produisit `a quelques heures de l`a.
Deux heures sonn`erent. Cela devenait ridicule, intol'erable m^eme. Je trouvai m^eme parfaitement absurde d’avoir attendu si longtemps, et mon parti fut pris de tout dire [25] .
Je cherchais donc une entr'ee en mati`ere, pas trop brusque, quand le professeur se leva, mit son chapeau et se pr'epara `a sortir.
« Mon oncle ! » dis-je.
Il ne parut pas m’entendre.
« Mon oncle Lidenbrock ! r'ep'etai-je en 'elevant la voix.
– Hein ? fit-il comme un homme subitement r'eveill'e.
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et mon parti fut pris de tout dire – и я принял решение обо всём рассказать
– Eh bien ! cette clef ?
– Quelle clef ? La clef de la porte ?
– Mais non, m’'ecriai-je, la clef du document ! »
Le professeur me regarda par-dessus ses lunettes.
Je remuai la t^ete de haut en bas. Il secoua la sienne avec une sorte de piti'e, comme s’il avait affaire `a un fou. Je fis un geste plus affirmatif. [26]
« Oui, cette clef !… le hasard !…
– Que dis-tu ? s’'ecria-t-il avec une indescriptible 'emotion.
– Tenez, dis-je en lui pr'esentant la feuille de papier sur laquelle j’avais 'ecrit, lisez.
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Je fis un geste plus affirmatif. – Я сделал более определённый утвердительный жест.
– Mais cela ne signifie rien ! r'epondit-il en froissant la feuille.
– Rien, en commencant `a lire par le commencement, mais par la fin… »
Je n’avais pas achev'e ma phrase que le professeur poussait un cri, mieux qu’un cri, un v'eritable rugissement ! Une r'ev'elation venait de se faire, dans son esprit. Il 'etait transfigur'e.
« Ah ! ing'enieux Saknussemm ! s’'ecria-t-il, tu avais donc d’abord 'ecrit ta phrase `a l’envers ? »
Et se pr'ecipitant sur la feuille de papier, l’oeil trouble, la voix 'emue, il lut le document tout entier, en remontant de la derni`ere lettre `a la premi`ere.
Il 'etait concu en ces termes :
In Sneffels Yoculis craterem kem delibat umbra Scartaris Julii intra calendas descende, audas viator, et terrestre centrum attinges. Kod feci. Arne Saknussem.
Ce qui, de ce mauvais latin, peut ^etre traduit ainsi :
Descends dans le crat`ere du Yocul de Sneffels que l’ombre du Scartaris vient caresser avant les calendes de Juillet, voyageur audacieux, et tu parviendras au centre de la Terre. Ce que j’ai fait.
Mon oncle, `a cette lecture, bondit comme s’il e^ut inopin'ement touch'e une bouteille de Leyde [27] . Il 'etait magnifique d’audace, de joie et de conviction.
Il allait et venait ; il prenait sa t^ete `a deux mains ; il d'eplacait les si`eges ; il empilait ses livres ; il jonglait avec ses pr'ecieuses g'eodes ; il lancait un coup de poing par-ci, une tape par-l`a. Enfin ses nerfs se calm`erent et, comme un homme 'epuis'e, il retomba dans son fauteuil.
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bondit comme s’il e^ut inopin'ement touch'e une bouteille de Leyde –
« Quelle heure est-il donc ? demanda-t-il apr`es quelques instants de silence.
– Trois heures, r'epondis-je.
– Tiens ! mon d^iner a pass'e vite. Je meurs de faim. `A table. Puis ensuite…
– Ensuite ?
– Tu feras ma malle.
– Hein ! m’'ecriai-je.
– Et la tienne ! » r'epondit l’impitoyable professeur en entrant dans la salle `a manger.
VI
`A ces paroles un frisson me passa par tout le corps. Cependant je me contins. Je r'esolus m^eme de faire bonne figure. [28] Des arguments scientifiques pouvaient seuls arr^eter le professeur Lidenbrock. Or, il y en avait, et de bons, contre la possibilit'e d’un pareil voyage. Aller au centre de la terre ! Quelle folie !
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Je r'esolus m^eme de faire bonne figure. – Я даже решил не подавать виду.
Pendant le repas, mon oncle fut presque gai ; il lui 'echappait de ces plaisanteries de savant qui ne sont jamais bien dangereuses. Apr`es le dessert, il me fit signe de le suivre dans son cabinet.
J’ob'eis. Il s’assit `a un bout de sa table de travail, et moi `a l’autre.
« Axel, dit-il d’une voix assez douce, tu es un garcon tr`es ing'enieux ; tu m’as rendu l`a un fier service, quand, de guerre lasse [29] , j’allais abandonner cette combinaison. Je n’oublierai jamais cela, mon garcon, et de la gloire que nous allons acqu'erir tu auras ta part. Avant tout, je te recommande le secret le plus absolu [30] , tu m’entends ? Je ne manque pas d’envieux dans le monde des savants, et beaucoup voudraient entreprendre ce voyage, qui ne s’en douteront qu’`a notre retour.
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de guerre lasse – утомлённый борьбой
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je te recommande le secret le plus absolu – прошу тебя: никому ни слова