LIS EN FRAN?AIS (ЧИТАЙ ПО-ФРАНЦУЗСКИ). Учебное пособие по самостоятельной работе для студентов филологического профиля
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Texte №1
1.1. Lisez et traduisez le texte `a coup de dictionnaire
Un petit cimeti`ere. Juch'e sur un mamelon de terre, un peu `a l’'ecart du village. Autour de la chapelle, une centaine de tombes entour'ee de hauts murs de pierres qui prot`egent les visiteurs de la morsure du vent d’hiver et offrent une frange d’ombre `a la br^ulure du soleil d’'et'e. Un espace hors du temps, plant'e d’un vieux tilleul centenaire. Quelques all'ees o`u poussent, dans le d'esordre, d’anciennes croix de pierre et de schiste au milieu des mornes dalles de granit des nouveaux arrivants.
C’est l’'et'e. Deux femmes ont trouv'e refuge pr`es de l’entr'ee, sur un banc dans un carr'e d’ombre. Elles ont rempli leurs cruches d’eau et se sont assises, essouffl'ees, les r'ecipients pos'es `a leurs pieds sur le sol caillouteux. Le temps d’'echapper quelques minutes `a la touffeur de cette fin d’apr`es-midi.
La plus jeune, Ros'e-Marie, a le visage marqu'e de quelques rides mais le corps souple et gracieux. Elle porte une robe l'eg`ere en lin bleu, qui d'ecouvre ses 'epaules rondes et bronz'ees. `A son allure, on voit bien qu’elle n’est pas d’ici. Pas du village.
L’autre, Roseline, para^it sans ^age. Elle est de l’'eternit'e. Le visage pliss'e de ridules et le corps mince et sec, perdu dans une robe sombre. Ses mouveme nts sont lents mais pr'ecis et le regard reste vif, `a l’aff^ut du moindre envol d’oiseau ou d’insecte dans ce lieu de silence. Sa main ne tremble pas, son dos est droit.
– Alors, vous ^etes revenue sur la tombe de votre grand-m`ere? interroge la vieille. C’est rare de voir des jeunes par ici. Ils n’ont plus le temps de faire la causette avec leurs disparus. Remarquez, je ne critique pas. Il est un temps pour chaque chose. Aujourd’hui, j’ai besoin de ce lien avec mes invisibles. Mes deux parents sont enterr'es ici, dans le m^eme caveau. Je viens leur rendre visite plusieurs fois par semaine. D’ici peu, je reposerai `a c^ot'e d’eux, ma place est d'ej`a retenue. Cela ne me fait pas peur. Au contraire, cela m’apaise de savoir o`u j’irai.
– Quand donc sont-ils d'ec'ed'es? Je vous ai toujours connue seule, dit Ros'e-Marie.
– Ils ne venaient que rarement au village. Ils sont morts `a la fleur de l’^age. `A trois ans d’intervalle. Mon p`ere, le premier, d’une h'emorragie c'er'ebrale, `a cinquante ans. Et ma m`ere, d’un cancer fulgurant. Moi, j’habite ici depuis mes huit ans. J’ai v'ecu avec ma grand-m`ere maternelle apr`es le divorce de mes parents. Ils 'etaient journalistes tous les deux. Alors, pensez, on ne les voyait jamais longtemps. Toujours `a courir apr`es les nouvelles.
– Journaliste, un m'etier passionnant. Ils devaient en avoir des histoires `a vous raconter lorsqu’ils revenaient.
– Croyez-vous? Mon p`ere 'etait reporter international. Toujours sur les lignes de front. Quand il rentrait, c’'etait pour se reposer. Il m’interdisait m^eme d’allumer la radio. Ma m`ere, elle, tenait la rubrique de mode dans un magazine f'eminin de l’'epoque. Son journal s’intitulait Anne-Marie. Je me souviens seulement des couvertures avec ces visages et ces silhouettes de femmes tellement diff'erentes de celles du village. Des 'el'egantes qui paraissaient n’avoir ni maison, ni mari, ni enfants. On aurait dit qu’elles 'etaient faites en cire ou en porcelaine, comme ces poup'ees que ma m`ere me rapportait parfois de la ville. Si fines, si joliment habill'ees, si fragiles aussi! Ma grand-m`ere m’obligeait `a les poser sur l’'etag`ere du salon o`u je pouvais les regarder mais pas les toucher. Non, mes parents ne me parlaient pas de leur m'etier et d’ailleurs cela ne m’int'eressait pas. Nous vivions dans des mondes 'etrangers. Moi au village, eux `a la ville. La seule chose qui m’importait, c’'etait de serrer tr`es fort, chaque soir, ma cl'e du bonheur. Ce secret-l`a, je ne le partageais avec personne. Pas m^eme avec ma grand-m`ere. Vous qui 'ecrivez des histoires, vous devriez raconter cela. Si vous avez le temps, je veux bien vous en parler.
Apr`es avoir arros'e les fleurs de leurs tombes, les deux femmes reprennent le chemin du village, c^ote `a c^ote. Peu `a peu, une connivence s’installe, elles accordent leur d'emarche et leur respiration. La lenteur de la plus ^ag'ee apaise la tension que l’on percoit dans les mouvements de la plus jeune. En retour, la vivacit'e de la cadette donne un 'elan `a l’a^in'ee dont la voix s’anime.
Elles arrivent bient^ot `a la maison de Roseline, `a l’entr'ee du hameau. La vieille pousse la porte et s’efface devant sa compagne qui p'en`etre la premi`ere dans la cuisine. Dans la pi`ece aux volets clos r`egne une agr'eable fra^icheur. La p'enombre les absorbe toutes les deux. Ros'e-Marie ^ote ses lunettes de soleil et s’'eponge le nez avec un mouchoir en papier. Roseline sert une menthe `a l’eau. Un sirop qu’elle fabrique avec les plantes du jardin. Elle d'epose sur la toile cir'ee une bo^ite m'etallique remplie de biscuits secs. Une p^ate croquante qu’il faut casser `a petits coups de dents incisifs et qui laisse sur la langue une saveur d’amandes et de pignons.
Apr`es quelques minutes de silence, Roseline se l`eve et se dirige vers le fond de la pi`ece. Elle y d'ecroche une 'epaisse cl'e de m'etal gris suspendue `a c^ot'e de la porte du jardin.
– La voici. C’est la cl'e du bonheur! Celle dont je vous ai parl'e. Depuis mes huit ans, elle ne m’a jamais quitt'ee.
La vieille dame tend la cl'e `a Ros'e-Marie qui la presse entre les mains. Les dessins du paneton s’inscrivent dans ses paumes. L’objet est magique, elle le pressent.
Mise en confiance par ces gestes d’amoureuse, Roseline commence `a raconter.
– Je venais d’avoir huit ans. C’'etait l’'et'e. Je vivais `a Bruxelles avec mes parents. J’allais `a l’'ecole, j’'etudiais bien, j’'etais une petite fille tr`es sage. Mon p`ere partait souvent en voyage pour son journal; ma m`ere pleurait parfois, en cachette, le soir, dans l’obscurit'e du salon. Je faisais semblant de ne pas l’entendre pour ne pas lui faire honte. J’avais compris que les grandes personnes n’aiment pas montrer leurs 'emotions, surtout devant les enfants. Lorsque mon p`ere rentrait, il y avait quelquefois des disputes avec des cris 'etouff'es dans la cuisine. On m’envoyait dans ma chambre, en disant:
Ne t’occupe pas de cela, c’est une affaire entre grandes personnes.»
Je m’endormais, convaincue qu’il y avait des disputes dans toutes les familles et que cela ne changeait rien au cours des choses.
Cet 'et'e-l`a, une surprise m’attendait! Maman m’annonca que j’irais en vacances `a la campagne chez mon oncle Nicolas et ma tante Berthe. J’accueillis la nouvelle avec joie car chez eux je pouvais jouer au jardin et jouir d’une libert'e de mouvement impossible dans notre petit appartement.
Tout se passa comme pr'evu. Un s'ejour de r^eve! Tante Berthe et oncle Nicolas me traitaient comme une petite princesse. Au petit-d'ejeuner, je pouvais choisir les biscuits ou les cr`emes que je pr'ef'erais. Tout le jour, ce n’'etait que plaisirs, jeux et d'ecouvertes. Et le soir, nous d^inions joyeusement tous les trois sur la terrasse.
Mon moment pr'ef'er'e se situait au d'ebut de l’apr`es-midi, lorsque ma tante faisait la sieste et que mon oncle m’emmenait au potager. Il d'etachait cette cl'e de la pat`ere o`u elle 'etait suspendue `a c^ot'e des v^etements d’ext'erieur. J’enfilais un vieux tablier de Berthe dont Nicolas nouait les rubans en faisant deux fois le tour de ma taille et j’emportais mes outils: un petit arrosoir et un r^ateau.