Том 10. Повести и рассказы 1881-1883
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Il est dans la force de l’^age, sain de corps et d’esprit, de grande allure, d’aspect royal. Son caract`ere est calme, r'efl'echi, 'en'ergique, 'equilibr'e. La note dominante en lui, la qualit'e qui enveloppe pour ainsi dire toutes les autres est l’honn^etet'e, une honn^etet'e scrupuleuse, absolue, sans pactisations et sans m'elange. Rien qu’`a le voir, on le sent loyal des pieds `a la t^ete, sans plis dans la pens'ee, d’une sinc'erit'e rigide; mais cette excessive droiture ne va pas sans une nuance d’ent^etement qui en est comme la cons'equence.
On conna^it son pass'e.
Appel'e `a la succession de l’empire par la mort de son fr`ere, n’ayant recu jusqu-l`a qu’une 'education purement militaire, il s’est mis au travail avec une volont'e et une pers'ev'erance remarquables, s’efforcant de devenir digne du grand tr^one o`u il devait monter; il est `a constater, d’ailleurs, que le nouveau tzar a plut^ot une tendance `a douter de lui, de son savoir et de son esprit, une sorte de modestie r'eelle en face de la situation souveraine o`u le place la destin'ee — modestie qui n’exelut pourtant ni l’esprit de suite ni l’'energie dans la volont'e.
Seul de sa race, peut-^etre, il est chaste, et il l’a toujours 'et'e. Il a souvent manifest'e dans sa propre famille sa profonde r'epugnance pour l’inconduite.
Des gens 'el'ev'es avec lui affirment que, m^eme enfant, il n’a jamais menti. Et il pousse si loin ses scrupules de franchise qu’au moment d’'epouser, pour des raisons politiques, la fianc'ee de son fr`ere mort, il ne lui a point cach'e qu’il aimait une autre femme, la princesse M…, qui devint plus tard l’'epouse du tr`es riche et tr`es c'el`ebre M. D… Sa confidence, du reste, eut un 'echo, car sa fianc'ee ne lui dissimula point qu’elle avait aim'e passionn'ement son fr`ere. Et cependant ils ont form'e un m'enage mod`ele, un m'enage surprenant de concorde et d’affection pers'ev'erante.
On a beaucoup parl'e de la sympathie qu’il semblait 'eprouver pour tel peuple et de l’antipathie qu’on lui pr^etait contre tel autre. On a aussi fait circuler des l'egendes, des histoires de verre bris'e, etc., qui sont de pure invention. Tout ce qu’on peut dire de lui, c’est qu’il est Russe, et rien que Russe. Il pr'esente m^eme un singulier exemple de l’influence du milieu, selon la th'eorie de Darwin: c’est `a peine si dans ses veines coulent quelques gouttes de sang russe, et cependant il s’est identifi'e avec ce peuple au point que tout en lui, le langage, les habitudes, l’allure, la physionomie m^eme sont marqu'es des signes distinctifs de la race. Partout, en le voyant, on nommerait sa patrie.
On a pr'etendu qu’il d'etestait les Allemands. Mais on a confondu les Allemands d’Allemagne avec les Allemands de Russie: ce sont ces derniers qu’il n’aime point.
On a affirm'e qu’il ch'erissait la France avant toutes les nations. Le chauvinisme francais a peut-^etre exag'er'e. Voici la v'erit'e sur cette sympathie qu’on lui pr^ete depuis longtemps:
Avant 1870, il avait montr'e des sentiments tr`es lib'eraux; il paraissait l’alli'e de caeur des r'epublicans francais. L`a-dedans entrait surtout une r'epulsion manifeste pour l’empereur Napol'eon, dont la duplicit'e, les habitudes de ruse et d’intrigue blessaient tous ses instincts loyaux. Mais quand la Commune est arriv'ee, une col`ere indign'ee lui vint contre tous les faiseurs de r'evolutions sanguinaires; et il r'ep'eta `a plusieurs reprises, avec une sorte de regret sur ses convictions 'evanouies:
C’est seulement depuis que la r'epublique commence `a devenir raisonnable qu’une nouvelle r'eaction en faveur de la France semble s’^etre faite en lui.
En somme, la France et l’Allemagne tiennent peu de place dans son amour. Il n’est que Russe. Il n’aime et ne prot`ege que l’art russe, la musique russe, la litt'erature russe, l’arch'eologie russe. Il a fond'e `a Moscou un grand mus'ee national. Pour les m^emes raisons, il est fervent orthodoxe: sa pi'et'e est r'eele et sinc`ere.
En son pays, la plus grande part de son affection est pour le paysan; e’est sur le paysan que tomberont ses plus larges faveurs; c’est au paysan qu’il a pens'e, au moment de rendre son premier ukase, le jour m^eme de la mort de son p`ere, en rappelant que pour la premi`ere fois les hommes de la campagne, devenus libres, 'etaient appel'es `a pr^eter serment.
Mais si ses bienfaits doivent aller aux paysans, ses rigueurs infailliblement atteindront, du haut en bas de l’'echelle, toute la bureaucratie russe, don’t il n’ignore pas la pourriture et les d'epr'edations. Pendant le commandement qu’il exerca, son honn^etet'e, r'evolt'ee, n’a pas pu se contenir devant les exactions dont il fut t'emoin, m^eme dans sa propre famille. Il semble bien r'esolu `a y mettre fin; ce nettoyage de fonctionnaires v'ereux est m^eme d'ej`a commenc'e.
On se demande avec une juste inqui'etude quelle sera son attitude au dedans comme au dehors.
Pour l’int'erieur, on a d'ej`a parl'e d’une constitution; des espoirs grandissent, se bercent; on affirme qu’il s’est, de tout temps, assign'e, r'eserv'e ce r^ole de devenir souverain selon les id'ees europ'eennes. Pour l’ext'erieur, on suppose qu’il s’'eloignera de plus en plus de l’Allemagne et qu’il reprendra la politique du panslavisme.
Ceux qui attendent du nouveau tzar une constitution parlementaire perdront vite leurs illusions, nous en sommes du moins persuad'es. Ses rapports presquer intimes avec le parti ultranational semblent indiquer, au contraire, une certaine d'efiance `a l’'egard des constitutionnels. Les id'ees accept'ees en Europe sur les limites d’autorit'e assign'ees aux rois sont et resteront longtemps encore 'etrang`eres `a la Russie. Le pouvoir imp'erial pr'ef'erera proc'eder par grandes r'eformes octroy'ees par ukase pour arriver peu `a peu `a am'eliorer d’une facon sensible le sort de ses sujets, surtout celui des paysans.
Ces r'eformes, d’ailleurs, sont toutes pr^etes, tout indiqu'ees, et depuis longtemps d'ej`a on les avait mises `a l’'etude. Alexandre II m^eme avait 'et'e sur le point de les appliquer, quand le mouvement nihiliste, s’accentuant, avait arr^et'e ses projets et ajourn'e ind'efiniment ses intentions lib'erates.
Voici quelles seraient ces mesures;
1° Diminution consid'erable dans le payement du rachat des terres par les paysans.
On sait que ce rachat, dans les conditions o`u il s’op`ere, est pour les campagnes une ruine in'evitable.
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3° Abolition de la capitation;
4° Facilit'e d’'emigration d’une province dans une autre.
Cette mesure peut donner `a l’agriculture en Russie un essor consid'erable. Certaines provinces, en effet, o`u les habitants sont nombreux, demeurent improductives `a cause de la st'erilit'e du sol. En d’autres contr'ees, au contraire, la terre est fertile, mais les travailleurs manquent, et les excessives difficult'es qui entourent l’'emigration menacaient de faire s’'eterniser cet 'etat de choses.