Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Ah bah ! fit le journaliste, pourquoi ?
— Parce que, articula Juve, Gauvin, tout b^ete qu’il est, a compris que, sit^ot que je serais sorti de cette malle, mon premier mouvement consisterait `a lui mettre la main au collet !
Le journaliste consid'erait le policier d’un air hagard.
— Je ne vous comprends pas, Juve ?
— Cela ne m’'etonne pas, r'epondit le policier ; pour comprendre les gens, il faut savoir ce dont il s’agit… Tu arrives en retard au d'enouement d’une pi`ece dont tu n’as pas vu les premiers actes, ce serait vraiment trop beau si tu y pigeais quelque chose. Mais, ne t’inqui`ete pas, je m’en vais te raconter l’affaire en quelques mots.
Fandor tr'epignait d’impatience.
— Parlez, Juve, parlez !
— Nous ne sommes pas press'es, d'eclara le policier. Ne t’'etonne pas de ne pas me voir m’'elancer `a la poursuite de cette petite fripouille de notaire, c’est un bandit de minuscule envergure, que nous aurons quand nous voudrons… Et, au surplus, nous sommes beaucoup mieux ici, o`u je percois encore l’espoir de recevoir la visite de quelqu’un qui s’int'eresse `a nous, autant que nous nous int'eressons `a lui… Tu devines, gros malin de Fandor, que je veux parler de Fant^omas !
Juve avait l’air de plus en plus 'enigmatique, Fandor s’exasp'era :
— Parlez, Juve, parlez ! grogna-t-il en serrant les poings.
Mais le policier se faisait un malin plaisir d’'enerver Fandor.
— J’ai beaucoup de choses `a te dire, et quelques-unes `a te cacher. Il faut que je r'efl'echisse, Fandor ! Donne-moi une cigarette…
Le journaliste se r'esignait.
— Dieu, que vous ^etes insupportable, Juve ! commenca-t-il.
Il esp'erait que le policier allait enfin prendre la parole, mais au pr'ealable, Juve d'esigna l’ampoule 'electrique qui 'eclairait le cabinet du notaire.
— Va donc 'eteindre, Fandor ; l’obscurit'e est propice, n'ecessaire m^eme, aux propos que je vais te tenir, et, au surplus si jamais Fant^omas vient ici, nous serons mieux pour le recevoir dans l’obscurit'e…
Deux heures passaient pendant lesquelles Juve et Fandor s’entretenaient longuement.
Tout d’abord, le policier avait oblig'e le journaliste `a lui faire le r'ecit des extraordinaires aventures dont il avait 'et'e le h'eros `a la morgue, puis ensuite la victime.
Juve alors avait commenc'e `a expliquer `a Fandor l’encha^inement compliqu'e des circonstances qui lui avaient fait d'ecouvrir le cadavre de Daniel, puis la derni`ere supercherie de Fant^omas tentant de s’emparer de la fortune de M me Verdon, fortune d'esormais en s'ecurit'e dans la poche m^eme de Juve.
Un point cependant demeurait obscur dans le r'ecit de Juve. 'Etait-ce `a dessein qu’il l’avait laiss'e dans l’obscurit'e ?
Fandor le lui demanda :
— Cette M me Verdon, interrogeait le journaliste, qui me semble ^etre une si grande et si noble figure, quel est son nom, sa v'eritable personnalit'e ?
La lune se levait `a ce moment. Ses rayons argent'es p'en'etr`erent dans l’int'erieur du cabinet par les interstices des persiennes closes de la fen^etre.
Fandor alors pu consid'erer le visage de Juve et s’apercut qu’il 'etait tr`es troubl'e, qu’il exprimait une 'emotion intense, et que, malgr'e ses efforts pour lutter contre cette 'emotion, les yeux de Juve se remplissaient de larmes.
— Qu’avez-vous donc ? demanda le journaliste.
Pour toute r'eponse, Juve se leva, et s’approchant de Fandor il l’attira sur sa poitrine, le serra longuement sur son coeur.
— Fandor, mon ami, fit-il d’une voix qu’entrecoupait l’'emotion, c’est un grand bonheur que je vais t’apprendre ; Fandor, il est au monde une femme que depuis quinze ann'ees que nous vivons ensemble tu n’as jamais oubli'ee, et `a laquelle tu ne peux songer sans une touchante et respectueuse 'emotion… Une pudeur d'elicate et compr'ehensible fait que tu ne prononces jamais son nom devant personne, mais moi qui te connais, je sais que tu ne l’as point oubli'ee et que sans cesse tu penses `a elle, et que tu l’aimes comme au premier jour…
Fandor se sentait bl^emir `a ces paroles.
— Juve… Juve… balbutia-t-il, on dirait que vous me parlez de…
Et d`es lors, dans un grand cri, Juve hurlait :
— De ta m`ere, Fandor ! oui, c’est de ta m`ere que je te parle… ta m`ere qui existe, qui est vivante ; ta m`ere, Fandor, qui n’est autre que la noble et digne femme qui, depuis plus de dix ans qu’elle s’est 'echapp'ee de l’odieuse prison dans laquelle Fant^omas l’avait enferm'ee, vit ici `a quelques pas de Grenoble, au village de Dom`ene, sous le nom de M me Verdon. Fandor… Fandor… J’ai retrouv'e ta m`ere, demain tu seras dans ses bras !
Chapitre XXIII
L’honn^etet'e d’un notaire
Pour la seconde fois de la soir'ee le notaire Gauvin quittait son 'etude en courant…
Cette fois, il n’avait plus peur pour son existence, mais peut-^etre 'etait-il encore plus affol'e que lorsqu’il s’'etait sauv'e la premi`ere fois, redoutant une agression soudaine de malfaiteurs.
Gauvin n’'etait plus abasourdi, il 'etait atterr'e ; il avait l’impression d’^etre suspendu sur un ab^ime, et la sensation qu’il allait y choir irr'em'ediablement…
Mais le notaire, n'eanmoins, avait l’'energie du d'esespoir, et l’'epouvante que lui causait l’'eventualit'e d’une porte de prison se refermant sur lui ranimait son audace, lui donnait tous les courages.
Gauvin s’enfoncait dans la nuit en courant.
De m^eme qu’il avait fui lorsqu’il avait entendu des bruits suspects dans son cabinet et qu’il avait constat'e que quelqu’un qu’il croyait ^etre un malfaiteur l’avait vol'e, de m^eme il fuyait ; mais, cette fois, il savait la v'erit'e et comprenait ce qui s’'etait pass'e.