Том 6. Письма 1860-1873
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Петербург. Четверг. 28 июля
Если на моих письмах отражается настроение, в котором я нахожусь, когда их пишу, то я удивляюсь, как они могут вызывать в тех, кто их читает, иное чувство, кроме отвращения… Правда, пишу я их всегда по утрам, а в утренние часы меня особенно тяготит присутствие собственной персоны.
Я прибыл сюда в воскресенье вечером* и узнал, что накануне мы едва-едва не погорели. Огонь вспыхнул около девяти часов утра в глубине двора, а пожарные насосы подоспели только в 10. Пламя обхватило три этажа.
Я мельком видел Дмитрия, который вновь обрел своего Пилада*. По-моему,
Дарье, кажется, лучше. Несомненно одно — она находит удовольствие в обществе своей сестры и хотела бы удержать ее при себе*. Давеча они пять часов подряд провели в саду. Даже обедали там.
В политике мы чудовищным образом оконфузились. Кое-кому взбрело в голову требовать конгресса*, когда никто его уже не хочет. Милейший князь*, несмотря на свою гордую независимость, не посмел противиться этой блажи, за которой, в сущности, скрывается нежная забота о бедных немецких родственниках*. И нам воздали по заслугам: насмеялись над нами. В этой нашей глупейшей инициативе мы нашли лишь одного союзника — Португалию, — и то, я полагаю, тут расстаралась госпожа Мойра. — Словом, вид у нас жалкий. Мы как животное, застрявшее в своем развитии на том этапе, когда особь еще не вычленяет себя из стада.
Я узнал от Дмитрия, что до дня его отъезда ты не получила еще ни одного № «Journal de St-P'etersbourg», между тем как подписная плата взимается с 1 июля. Это безобразие.
В Царском я увиделся наконец с графиней Орловой-Давыдовой, приехавшей из Ниццы, и она много расспрашивала меня о вас. У нее по-прежнему вид человека не от мира сего, хотя в иной она переходить вовсе не собирается.
Я все еще обретаюсь в большой гостиной. Камин готов… а засим — Господи, помоги, и т. д. — Напишу тебе в будущее воскресенье. Да хранит вас Бог.
Тютчевой Эрн. Ф., 31 июля 1866*
Tsarsko"i'e-S'elo. 31 juillet
Ma chatte ch'erie, j’'eprouve le besoin de t’'ecrire une lettre moins maussade que la derni`ere, bien que je suis s^ur que tu n’y as pas pris garde, et que, p<ar> c<ons'equent>, tu pouvais parfaitement bien te passer de cette r'eparation. Je me sens devenir de jour en jour plus insupportable, et la fatigue que j’'eprouve `a courir apr`es tous les moyens de m’'etourdir, pour masquer le grand vide qui est devant moi, n’ajoute pas peu `a mon irritation habituelle. Dieu, qu’il y aurait de belles choses `a dire l`a-dessus!
Hier je d^inais chez Olympe Bariatinsky…* La pauvre femme, si achev'ee dans sa nullit'e, ne se doutait gu`eres de l’impression qu’elle produisait sur moi. Et tout l’entourage 'etait `a l’avenant. Ah quelles sottes gens! Elles donneraient de l’ironie `a une hu^itre. Il y avait l`a surtout un petit diplomate autrichien qui est le mod`ele du genre…
Les lions du jour, en ce moment, ce sont les Am'ericains*. Je vous renvoie pour les d'etails aux journaux, surtout `a celui de St-P'etersbourg que vous ne recevez pas, bien que vous y soyez tr`es positivement abonn'ees…
Je les verrai demain soir `a Pavloffsk, et c’est m^eme la raison qui a retard'e ma rentr'ee en ville… Je suis tr`es curieux de voir, comment sont faits les gens qui nous aiment… Cela me para^it plus curieux encore que leurs monitors* que tout le monde court voir `a Kronstadt, et que j’irai voir aussi peut-^etre dans le courant de la semaine prochaine, en allant `a P'eterhoff, o`u il me tarde d’apprendre par Gortchakoff, lui-m^eme, tout le d'etail de la sottise qu’ils ont faite…* Et c’est le cas de leur demander, `a propos de sottise, quand finira-t-elle? Car toute leur mani`ere d’agir ne saurait ^etre qu’une sottise continue, gr^ace au point de d'epart compl`etement faux qu’ils ont adopt'e… Tout cela n'ecessite un renouvellement complet. Toute notre politique 'etrang`ere est comme la langue russe, parl'ee par ces messieurs, ce n’est que du francais traduit… Il viendra un jour, j’esp`ere, o`u l’on ne comprendra pas que de pareils types aient pu exister.
On ne sait rien encore quant `a la date positive de la rentr'ee de la Cour `a Tsarsko"i'e. Un voile religieux recouvre encore ces augustes myst`eres, mais on se permet de conjecturer que ce ne sera pas avant la moiti'e du mois… etc. etc.
J’ignore encore l’objet pr'ecis de la mission de Manteuffel*, arriv'e depuis trois jours, mais elle se laisse pressentir. S’il est vrai que Napol'eon r'eclame les fronti`eres de 1814, bien que ce soit le minimum de ce qu’il pourrait avoir `a demander, cela ne laissera pas que de mettre le cabinet prussien dans un grand embarras, attendu qu’il y aurait autant d’inconv'enients p<our> lui de refuser que d’accorder… Toute la situation de l’Europe n’est qu’un pi`ege. La crise ne fait que de commencer. Elle est loin encore de son apog'ee…
Depuis quelques jours il fait assez beau, et par un rayon de soleil un peu chaud et un ciel pur les jardins de Tsarsko"i'e, gracieux et grandioses, sont vraiment tr`es beaux `a voir. On s’y sent dans un 'el'ement plus choisi… J’aime aussi les soir'ees `a Pavloffsk o`u de la bonne musique remplace un sot parlage — sans exclure la chance de quelques rencontres, comparativement int'eressantes…
L’autre jour, en venant ici, — c’'etait jeudi, — j’ai cru avoir persuad'e Dmitry de venir me rejoindre `a Pavloffsk avec son ami. — Kitty, de son c^ot'e, s’est mise en quatre pour l’engager `a venir la voir `a Tsarsko"i'e. — Mais il para^it que l’ami n’a pas acquiesc'e `a tous ces projets. Bref, ils n’ont pas laiss'e entamer leur fi`ere ind'ependance… C’est prendre beaucoup trop de pr'ecautions contre une influence tr`es peu envahissante… Rien d’absurde comme la jeunesse…
Je ne te parle plus de Daria. C’est une redite aussi fatiguante qu’inutile. Le fait est qu’`a tout prendre elle est absolument dans le m^eme 'etat que celui o`u tu l’as vue, et qu’`a pr'esent, comme alors, le sentiment qu’elle vous inspire est m'elang'e de profonde piti'e et d’une tr`es vive impatience, car il est certain qu’il y a des moments o`u sous la pression de la maladie ce fond de personnalit'e extravagante, qui est en elle, s’'etale avec un tel cynisme qu’il n’y a plus moyen de la supporter. La piti'e fait place `a un tout autre sentiment… Kitty s’acquitte de sa t^ache avec beaucoup de r'esolution. Elle ne demande pas mieux que de jouer son r^ole avec tout le soin et tout le z`ele possible. Mais encore faut-il qu’il y ait au moins un spectateur dans la salle, et je suis, moi, ce spectateur unique… Je suis appel'e `a r'esoudre un probl`eme moral tr`es curieux: ce qui vaut mieux, d’un naturel qui se laisse aller `a toutes ses pentes, ou d’une affectation contenue et aspirant au bien.