Charles Perrault. Peau-d'Ane
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4. Intitulez ce passage et faites le devoir !
La jeune princesse, remplie de vertu et de pudeur, pensa s’'evanouir `a cette horrible proposition. Elle se jeta aux pieds du roi son p`ere, et le conjura, avec toute la force qu’elle put trouver dans son esprit, de ne la pas contraindre `a commettre un tel crime.
Le roi, qui s’'etait mis en t^ete ce bizarre projet, avait consult'e un vieux druide pour mettre la conscience de la princesse en repos. Ce druide, moins religieux qu’ambitieux, sacrifia, `a l’honneur d’^etre confident d’un grand roi, l’int'er^et de l’innocence et de la vertu, et s’insinua avec tant d’adresse dans l’esprit du roi, lui adoucit tellement le crime qu’il allait commettre, qu’il lui persuada m^eme que c’'etait une oeuvre pie que d’'epouser sa fille. Ce prince, flatt'e par les discours de ce sc'el'erat, l’embrassa, et revint d’avec lui plus ent^et'e que jamais dans son projet : il fit donc ordonner `a l’infante de se pr'eparer `a lui ob'eir.
La jeune princesse, outr'ee d’une vive douleur, n’imagina rien autre chose que d’aller trouver la f'ee des Lilas, sa marraine. Pour cet effet elle partit la m^eme nuit dans un joli cabriolet attel'e d’un gros mouton qui savait tous les chemins. Elle y arriva heureusement. La f'ee, qui aimait l’infante, lui dit qu’elle savait tout ce qu’elle venait lui dire, mais qu’elle n’e^ut aucun souci, rien ne pouvant lui nuire si elle ex'ecutait fid`element ce qu’elle allait lui prescrire.
5. Qu’en pensez-vous, la deuxi`eme proposition de la f'ee est bonne ? Pourquoi ? Faites le devoir !
La princesse remercia bien sa marraine ; et d`es le lendemain matin elle dit au roi son p`ere ce que la f'ee lui avait conseill'e, et protesta qu’on ne tirerait d’elle aucun aveu qu’elle n’e^ut une robe couleur du temps. Le roi, ravi de l’esp'erance qu’elle lui donnait, assembla les plus fameux ouvriers, et leur commanda cette robe, sous la condition que, s’ils ne pouvaient r'eussir, il les ferait tous pendre. Il n’eut pas le chagrin d’en venir `a cette extr'emit'e ; d`es le second jour ils apport`erent la robe si d'esir'ee. L’empyr'ee n’est pas d’un plus beau bleu lorsqu’il est ceint de nuages d’or, que cette belle robe lorsqu’elle fut 'etal'ee. L’infante en fut toute contrist'ee, et ne savait comment se tirer d’embarras. Le roi pressait la conclusion. Il fallut recourir encore `a la marraine, qui, 'etonn'ee de ce que son secret n’avait pas r'eussi, lui dit d’essayer d’en demander une de la couleur de la lune. Le roi, qui ne pouvait lui rien refuser, envoya chercher les plus habiles ouvriers, et leur commanda si express'ement une robe couleur de la lune, qu’entre ordonner et l’apporter il n’y eut pas vingt-quatre heures…
L’infante, plus charm'ee de cette superbe robe que des soins du roi son p`ere, s’affligea immod'er'ement lorsqu’elle fut avec ses femmes et sa nourrice. La f'ee des Lilas, qui savait tout, vint au secours de l’afflig'ee princesse, et lui dit : « Ou je me trompe fort, ou je crois que, si vous demandez une robe couleur du soleil, ou nous viendrons `a bout de d'ego^uter le roi votre p`ere, car jamais on ne pourra parvenir `a faire une pareille robe, ou nous gagnerons au moins du temps. »
< image l:href="#"/>6. Dites si la suite du conte est telle que vous l’avez imagin'ee. Faites le devoir !
L’infante en convint, demanda la robe, et l’amoureux roi donna, sans regret, tous les diamants et les rubis de sa couronne pour aider `a ce superbe ouvrage, avec ordre de ne rien 'epargner pour rendre cette robe 'egale au soleil. Aussi, d`es qu’elle parut, tous ceux qui la virent d'eploy'ee furent oblig'es de fermer les yeux, tant ils furent 'eblouis. C’est de ce temps que datent les lunettes vertes et les verres noirs. Que devint l’infante `a cette vue ? Jamais on n’avait rien vu de si beau et de si artistement ouvr'e. Elle 'etait confondue ; et sous pr'etexte d’avoir mal aux yeux, elle se retira dans sa chambre, o`u la f'ee l’attendait, plus honteuse qu’on ne peut dire. Ce fut bien pis : car, en voyant la robe du soleil, elle devint rouge de col`ere. « Oh ! pour le coup, ma fille, dit-elle `a l’infante, nous allons mettre l’indigne amour de votre p`ere `a une terrible 'epreuve. Je le crois bien ent^et'e de ce mariage qu’il croit si prochain, mais je pense qu’il sera un peu 'etourdi de la demande que je vous conseille de lui faire : c’est la peau de cet ^ane qu’il aime si passionn'ement, et qui fournit `a toutes ses d'epenses avec tant de profusion ; allez, et ne manquez pas de lui dire que vous d'esirez cette peau. »
L’infante, ravie de trouver encore un moyen d’'eluder un mariage qu’elle d'etestait, et qui pensait en m^eme temps que son p`ere ne pourrait jamais se r'esoudre `a sacrifier son ^ane, vint le trouver, et lui exposa son d'esir pour la peau de ce bel animal. Quoique le roi f^ut 'etonn'e de cette fantaisie, il ne balanca pas `a la satisfaire. Le pauvre ^ane fut sacrifi'e, et la peau galamment apport'ee `a l’infante, qui, ne voyant plus aucun moyen d’'eluder son malheur, s’allait d'esesp'erer, lorsque sa marraine accourut.
7. Intitulez ce passage et faites le devoir !
L’infante embrassa mille fois sa marraine, la pria de ne pas l’abandonner, s’affubla de cette vilaine peau, apr`es s’^etre barbouill'ee de suie de chemin'ee, et sortit de ce riche palais sans ^etre reconnue de personne. L’absence de l’infante causa une grande rumeur. Le roi, au d'esespoir, qui avait fait pr'eparer une f^ete magnifique, 'etait inconsolable. Il fit partir plus de cent gendarmes et plus de mille mousquetaires pour aller `a la qu^ete de sa fille ; mais la f'ee, qui la prot'egeait, la rendait invisible aux plus habiles recherches : ainsi il fallut bien s’en consoler.
Pendant ce temps l’infante cheminait. Elle alla bien loin, bien loin, encore plus loin, et cherchait partout une place ; mais quoique par charit'e on lui donn^at `a manger, on la trouvait si crasseuse que personne n’en voulait. Cependant elle entra dans une belle ville, `a la porte de laquelle 'etait une m'etairie, dont la fermi`ere avait besoin d’une souillon pour laver les torchons, nettoyer les dindons et l’auge des cochons. Cette femme, voyant cette voyageuse si malpropre, lui proposa d’entrer chez elle ; ce que l’infante accepta de grand coeur, tant elle 'etait lasse d’avoir tant march'e. On la mit dans un coin recul'e de la cuisine, o`u elle fut, les premiers jours, en butte aux plaisanteries grossi`eres de la valetaille, tant sa peau d’^ane la rendait sale et d'ego^utante. Enfin on s’y accoutuma ; d’ailleurs elle 'etait si soigneuse de remplir ses devoirs que la fermi`ere la prit sous sa protection. Elle conduisait les moutons, les faisait parquer au temps o`u il le fallait ; elle menait les dindons pa^itre avec une telle intelligence, qu’il semblait qu’elle n’e^ut jamais fait autre chose : aussi tout fructifiait sous ses belles mains.
8. Lisez ce passage et imaginez-vous `a la place de la princesse ! Est-ce qu’il y a la diff'erence entre vous et l’infante ? Faites le devoir !
Un jour qu’assise pr`es d’une claire fontaine, o`u elle d'eplorait souvent sa triste condition, elle s’avisa de s’y mirer, l’effroyable peau d’^ane, qui faisait sa coiffure et son habillement, l’'epouvanta. Honteuse de cet ajustement, elle se d'ecrassa le visage et les mains, qui devinrent plus blanches que l’ivoire, et son beau teint reprit sa fra^icheur naturelle. La joie de se trouver si belle lui donna envie de s’y baigner, ce qu’elle ex'ecuta ; mais il lui fallut remettre son indigne peau pour retourner `a la m'etairie. Heureusement le lendemain 'etait un jour de f^ete ; ainsi elle eut le loisir de tirer sa cassette, d’arranger sa toilette, de poudrer ses beaux cheveux, et de mettre sa belle robe couleur du temps. Sa chambre 'etait si petite, que la queue de cette belle robe ne pouvait pas s’'etendre. La belle princesse se mira et s’admira elle-m^eme avec raison, si bien qu’elle r'esolut, pour se d'esennuyer, de mettre tour `a tour ses belles robes, les f^etes et les dimanches ; ce qu’elle ex'ecuta ponctuellement. Elle m^elait des fleurs et des diamants dans ses beaux cheveux, avec un art admirable ; et souvent elle soupirait de n’avoir pour t'emoins de sa beaut'e que ses moutons et ses dindons, qui l’aimaient autant avec son horrible peau d’^ane, dont on lui avait donn'e le nom dans cette ferme.
Un jour de f^ete, que Peau-d’^Ane avait mis la robe couleur du soleil, le fils du roi, `a qui cette ferme appartenait, vint y descendre pour se reposer, en revenant de la chasse. Ce prince 'etait jeune, beau et admirablement bien fait, l’amour de son p`ere et de la reine sa m`ere, ador'e des peuples. On offrit `a ce jeune prince une collation champ^etre, qu’il accepta ; puis il se mit `a parcourir les basses-cours et tous leurs recoins. En courant ainsi de lieu en lieu, il entra dans une sombre all'ee, au bout de laquelle il vit une porte ferm'ee. La curiosit'e lui fit mettre l’oeil `a la serrure ; mais que devint-il, en apercevant la princesse si belle et si richement v^etue, qu’`a son air noble et modeste il la prit pour une divinit'e ! L’imp'etuosit'e du sentiment qu’il 'eprouva dans ce moment l’aurait port'e `a enfoncer la porte, sans le respect que lui inspira cette ravissante personne.