L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Juve, alors, s’'etait tapi dans l’ombre.
Sans un regard pour le tsar, au moment o`u celui-ci passait devant lui, car Juve savait combien Fant^omas, le cas 'ech'eant, pouvait s’^etre habilement grim'e, le policier prit le poids du souverain.
Et c’'etait tandis que le prince Nikita s’entretenait avec l’empereur que le policier, aid'e de M. Havard, avait enfin pu, relever ce poids de « quatre-vingt-huit kilos », qui 'etablissait p'eremptoirement que ce n’'etait pas le tsar qui 'etait l`a, que c’'etait Fant^omas.
***
— Agissons, disait Juve.
— Agissons, r'ep'etait M. Havard.
Le policier et le chef de la S^uret'e, rapidement, donn`erent des ordres, rassembl`erent autour d’eux les gendarmes, heureusement group'es autour de l’usine, puis encore quelques policiers belges obligeamment mis `a leur disposition par le service de surveillance.
— Nous allons entrer par le corridor, naturellement ? proposa Juve. Deux hommes demeureront ici, dans la cour, guettant la fen^etre du cabinet o`u se trouve l’imposteur. Mais cette fen^etre est grill'ee. Par cons'equent, aucune fuite n’est `a craindre de ce c^ot'e. Pour nous, nous enfoncerons la porte, nous sauterons sur Fant^omas. Peut-^etre est-il arm'e, mais nous sommes plus d’une douzaine. Ma foi, s’il touche deux ou trois d’entre nous, les autres feront le n'ecessaire.
Or, au moment m^eme o`u Juve et le chef de la S^uret'e donnaient ainsi leurs instructions `a la petite troupe de braves gens qui allaient les aider `a tenter la formidable arrestation, il arriva quelque chose que nul n’avait pr'evu.
Dans le silence de l’usine, net, formidable, une d'etonation, la d'etonation d’un revolver.
— Nom de Dieu, cria Juve, Nikita l’a reconnu. C’est certainement Nikita qui a tir'e.
M. Havard, manquant de sang-froid, avait d'ej`a hurl'e :
— En ayant.
Et, derri`ere lui, au c^ot'e de qui Juve venait de se jeter en avant, tous les autres policiers s’'elancaient. En quelques secondes, revolvers au poing, Juve, M. Havard et les agents arrivaient `a la porte du cabinet directorial. Cette porte, ils l’enfoncaient.
Et alors, sans rencontrer la moindre r'esistance, sans m^eme que les uns et les autres eussent eu le temps de voir le cadavre du prince Nikita, les policiers se ru`erent sur le tsar, sur le faux tsar.
Juve, avant tout autre, avait saut'e `a la gorge du bandit :
— Fant^omas, cria-t-il, Fant^omas, vous ^etes pris.
Et Fant^omas, en effet, 'etait pris.
Dix hommes s’agrippaient `a lui.
Deux gendarmes le maintenaient par les pieds, un policier belge lui tordait les bras en arri`ere. Juve qui le tenait toujours `a la gorge, cria :
— Regardez, chef, regardez si je m’'etais tromp'e.
Et, en m^eme temps, Juve, d’une seule main, arracha la barbe postiche coll'ee au visage du forban, d'eroula le cache-nez qui engoncait son cou, fit tomber ses sourcils d’emprunt.
L’homme avait chang'e d’aspect.
Ce n’'etait plus le faux tsar que tenaient les policiers, c’'etait bien Fant^omas, c’'etait bien l’Insaisissable. Le bandit, pourtant, 'etouffait presque.
— Vous voulez me tuer, r^ala-t-il avec une peur soudaine de b^ete prise au pi`ege.
— Vous tuer ? Pas encore. L’'echafaud vous attend, mais je ne suis pas un bourreau.
Juve recula de trois pas et, d’une voix o`u son triomphe faisait vibrer une joie folle, il ordonna aux gendarmes :
— Mettez les menottes `a cet homme. Liez-lui bras et jambes. Au nom de la loi, Fant^omas, je vous arr^ete.
Or, Juve n’avait pas fini de parler qu’un incident grotesque se produisit.
L’un des policiers belges, en effet, qui venaient d’aider `a l’arrestation s’avanca.
— Monsieur Juve, dit tr`es froidement cet agent, pour une fois, savez-vous, c’est impossible que tu arr^etes cet homme. Ici, monsieur Juve, dans cette usine, vous ^etes de l’autre c^ot'e de la fronti`ere, et il faut que ce soit moi, sais-tu, qui arr^ete Fant^omas.
Juve, d’abord, haussa les 'epaules. Puis, bient^ot, prenant son parti de l’aventure :
— Vraiment ? disait-il, tout en toisant Fant^omas qui demeurait impassible, vraiment, nous sommes en territoire belge ici ? Eh bien, tant pis. Arr^etez Fant^omas, monsieur le policier. Le gouvernement francais en sera quitte pour r'eclamer son extradition.
Mais, `a cette minute m^eme, Fant^omas sortit du silence qu’il avait jusqu’alors flegmatiquement gard'e :
— Vous vous trompez, Juve, disait-il il n’y aura pas d’extradition pour moi.
— Pas d’extradition. Pourquoi donc ? Vous vous moquez de moi, Fant^omas ?
— Je ne raille pas, Juve. Tenez, 'ecartez-vous, regardez l`a, pr`es de ce canap'e. Dites-moi, Juve, reconnaissez-vous le corps du prince Nikita ? Je viens de le tuer. Je l’ai tu'e en territoire belge, c’est la Justice belge qui me jugera.
Juve regarda le cadavre, pris de court.
— Vous avez tu'e le prince Nikita, finit-il par articuler, non sans peine, allons donc. Je suis au courant, Fant^omas, le prince s’est fait sauter la cervelle.
— Pourriez-vous le prouver ?
— Qu’importe, m^eme si je ne prouve pas cela, je prouverai autre chose.
— Et quoi donc, s’il vous pla^it ?
— Que vous avez m'erit'e la mort, Fant^omas. En Belgique ou en France, songez-y, l’'echafaud vous attend et…
Mais Juve s’interrompit car Fant^omas venait d’'eclater de rire.
Oui, Fant^omas riait aux 'eclats.
— Monsieur Juve, d'eclara bient^ot le bandit, reprenant son assurance, vous avez remport'e une victoire en me faisant arr^eter, moi, l’Insaisissable. Soit, je le reconnais, je vous en f'elicite. Mais en me faisant arr^eter ici, je remporte, moi aussi, une victoire. L’'echafaud m’attend en Belgique, dites-vous ? Erreur. On n’ex'ecute pas, en Belgique. Il n’y a de peine capitale en Belgique que dans la Loi, mais, en fait, jamais on ne l’applique. C’est une tradition plus forte que le Code lui-m^eme. Je risque les travaux forc'es. Voil`a tout. Les