La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Fandor, Fandor, qui donc t’a lib'er'e ? demande Juve.
Et le journaliste de r'epondre : Fant^omas.
Mais `a peine avait-il prononc'e ce nom qu’il se taisait.
— Fant^omas est intervenu, devait dire Juve un peu plus tard. M'efions-nous.
Le policier ne croyait pas si bien dire.
Depuis quelques instants la puissante locomotive avait des soubresauts inqui'etants et ronflait avec une ardeur v'eritablement anormale.
— Ca monte, ca monte, Juve, s’'ecria Fandor, le nez sur le manom`etre.
Les deux hommes se regard`erent, terrifi'es.
Par suite de quelque mal'efice d^u `a Fant^omas, les soupapes d’'echappement se trouvaient ferm'ees, la pression montait toujours. Il fallait redouter une explosion.
Et la locomotive roulait `a cent kilom`etres `a l’heure.
Sauter `a cette allure, 'etant donn'e surtout que la voie 'etait bord'ee d’arbres et de roches, c’'etait se vouer `a une mort certaine. Les deux amis, toutefois, ne perdaient pas leur sang-froid.
L’un et l’autre connaissaient 'egalement le maniement des locomotives. Ils coururent `a l’extr'emit'e du tender, au levier commandant le frein pneumatique.
— Ralentissons, avait sugg'er'e Juve, et sit^ot que nous le pourrons, nous sauterons…
Mais le frein n’agissait pas.
Il n’y avait plus rien `a faire. Ah, d'ecid'ement, Fant^omas tenait parole, il les avait rendus l’un `a l’autre, c’'etait exact, mais c’'etait aussi pour les envoyer `a la mort dos `a dos.
— Juve.
— Fandor.
— Que pouvons-nous faire ?
— H'elas, je ne vois rien.
La Pacific volait sur les rails, atteignait une vertigineuse vitesse, on la sentait osciller sur ses ressorts puissants.
Il semblait, `a chaque instant, qu’elle allait s’arracher de la voie pour tomber dans un gouffre ou grimper au flanc abrupt d’un versant de montagne.
— Il faut tenter quelque chose, avait dit Juve.
Et Fandor venait de voir Juve se pencher sur la plateforme de t^ole qui r'eunissait le tender et la locomotive. Il souleva cette plaque mobile.
Sous le plancher de t^ole se trouvaient les cha^ines et la puissante vis de serrage qui maintenaient attach'es ensemble le tender et la locomotive. S’ils r'eussissaient `a d'efaire ces attaches, s’ils parvenaient `a d'ecrocher les cha^ines, `a d'evisser le tender, la locomotive, all'eg'ee du poids qu’elle tra^inait, bondirait en avant, pourrait, faisant sa course plus rapide encore, s’en aller exploser au loin, sans entra^iner avec elle ce tender dont la vitesse peu `a peu se ralentirait, qui finirait par s’arr^eter.
Avec une h^ate f'ebrile, Juve et Fandor, anim'es par une lueur d’espoir, d'efirent les attaches.
Ils r'eussirent enfin dans leur entreprise, se r'efugi`erent sur le tender. Deux ou trois secousses. Puis soudain, ils virent la locomotive bondir en avant, subitement d'elest'ee de la charge qu’elle tra^inait derri`ere elle.
La machine se s'epara d’eux.
Ils 'etaient sauv'es.
Mais leur cri de triomphe se changea brusquement en un cri de d'esespoir :
Sur le petit toit de la locomotive, toit destin'e `a prot'eger le m'ecanicien et le chauffeur des intemp'eries, s’'etait dress'e quelque chose, quelqu’un qui, les mains jointes, les bras tendus vers eux, semblait implorer secours.
Ce quelqu’un, Juve et Fandor l’avaient reconnu.
Il avait un visage d’une extr^eme douceur au milieu duquel s’ouvraient de grands yeux clairs. Sur son front, sur ses tempes, bouclaient de beaux cheveux.
— Teddy !
— H'el`ene !
Juve et Fandor venaient en effet de reconna^itre l’enfant.
Le malheureux ^etre que la locomotive d'esormais libre de tout contr^ole entra^inait `a une mort certaine n’'etait autre que la fille de Fant^omas.
Comment se trouvait-elle donc l`a ?
Assur'ement l’audacieuse et t'em'eraire enfant avait eu connaissance du transfert de Fandor `a la prison de Pietermaritzburg et – tout comme Juve – elle avait eu l’id'ee, l’irr'esistible d'esir de partir avec l’infortun'e captif, comptant sur le hasard pour lui porter secours.
— Dieu du ciel ! s’'ecria Fandor.
Juve murmura, les yeux fous :
— Elle est perdue.
Les paroles qu’ils 'echangeaient se perdaient dans le brouhaha de la machine qui crachait de la fum'ee et de la vapeur par tous les interstices de ses organes surchauff'es.
Et, au fur et `a mesure que les secondes passaient, si le tender ralentissait sa marche, la locomotive, elle, augmentait la sienne.
Cinquante m`etres, cent m`etres en l’espace de deux secondes les s'eparaient. Une derni`ere fois, ils entendirent un cri terrible, la malheureuse enfant entra^in'ee par le monstre de fer avait appel'e d’une voix d'echirante :
— Fandor, au secours…
Et le journaliste, `a cette 'emotion trop forte, tombait 'evanoui dans les bras de Juve, cependant que celui-ci jurait :
— Je la sauverai, je la sauverai… Il n’est pas possible que Juve laisse ainsi p'erir la fille de Fant^omas.
FIN