La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Quel est donc ce wagon sp'ecial que vous devez emmener ?
Le m'ecanicien d'esigna une voie de garage au loin et expliqua :
— Nous conduisons la voiture cellulaire `a Pietermarisburg. Dans le « panier `a salade » il y a un prisonnier de marque. Fandor, vous savez bien, celui qui a tu'e le champion Jupiter, le boxeur noir. La Cour supr^eme va le juger.
L’ing'enieur paraissait s’en soucier comme un poisson d’une pomme. Le mat'eriel, au contraire, le retenait :
— C’est une « Pacific » dernier mod`ele, `a ce que je vois, mais, dites-moi, m'ecanicien, n’avez-vous pas eu d’ennuis avec les purgeurs ? Quelques-uns de vos coll`egues s’en sont plaints…
— Non, monsieur l’ing'enieur, jamais. Pas la moindre chose. Je dois reconna^itre, cependant, que le dispositif de ce purgeur est d'elicat et qu’on peut avoir des ennuis.
— Bien.
Puis, passant `a un autre ordre d’id'ees, l’ing'enieur demanda :
— `A quelle heure, le d'epart ?
— `A une heure douze exactement, monsieur l’ing'enieur. D’ordinaire, c’est `a une heure dix-huit, mais on nous avance de six minutes aujourd’hui `a cause du wagon p'enitentiaire.
— Expliquez-moi vos mouvements.
— Nous allons par la voie du d'ep^ot jusqu’`a l’aiguille, nous reculons ensuite pour prendre le wagon cellulaire qui doit ^etre attach'e en t^ete du train. Nous venons alors nous placer sur la voie principale, apr`es la troisi`eme aiguille, et nous stoppons `a cinquante m`etres du disque avanc'e. C’est l`a que nous attendons l’arriv'ee de l’express. La machine qui l’aura amen'e `a Durban se retirera, viendra prendre place au d'ep^ot. Nous refoulerons alors jusqu’au convoi demeur'e dans la gare.
— C’est bien, interrompit d’un ton sec l’interlocuteur du m'ecanicien, je serai de retour `a une heure dix, je ferai le trajet avec vous sur la machine, car je rentre cet apr`es-midi `a Pietermaritzburg, et, en cours de route, je tiens `a m’assurer du bon 'etat des purgeurs.
L’homme regarda sa montre.
— Midi moins le quart, fit-il…
Et, saluant de la main le m'ecanicien, il ajouta en s’'eloignant :
— Je vais d'ejeuner, `a tant^ot.
'Evitant de regagner la ville ou la gare des voyageurs, le personnage qui s’'etait donn'e comme le remplacant de M. Mullerstone, apr`es avoir 'et'e r^oder quelques instants autour de la voiture cellulaire, rebroussa chemin, passa derri`ere le d'ep^ot des machines, puis, enjambant une balustrade, se perdit dans les terrains vagues qui entouraient les b^atiments de service de la grande gare.
***
Pourquoi Juve jouait-il toute cette com'edie ?
Quel 'etait le but secret qu’il poursuivait ?
Le policier ne devait avoir qu’une seule pens'ee, qu’un seul d'esir : sauver Fandor, le sauver `a tout prix.
Depuis quarante-huit heures qu’il avait vu arr^eter et conduire en prison son infortun'e ami, Juve se d'esesp'erait `a l’id'ee qu’aucun d’eux ne pourrait r'eussir, et que, vraisemblablement, malgr'e Juve, le malheureux Fandor, tra^in'e devant la cour de Pietermaritzburg, y serait condamn'e, puis ex'ecut'e, sans qu’on ait rien pu faire pour lui.
Il arrive que l’approche du danger inspire. Juve, tout `a coup, avait form'e un plan audacieux :
On allait transf'erer le pr'evenu de la prison de Durban `a celle de la capitale, o`u si'egeait la Cour supr^eme. Eh bien, c’'etait pendant ce trajet qu’il fallait faire 'evader Fandor.
Juve s’'etait donc rendu au si`ege social de la Compagnie de chemin de fer, confiant dans sa bonne 'etoile et se jurant qu’il obtiendrait, co^ute que co^ute, l’autorisation de faire le parcours sur la locomotive, pr'etextant il n’en savait trop quelle histoire, mais convaincu de la r'eussite.
Or, l’ing'enieur 'etait malade et devait renoncer `a une inspection annonc'ee depuis plusieurs jours.
D’apr`es ce qu’il venait d’apprendre du m'ecanicien, Juve estimait que la t^ache 'etait singuli`erement facilit'ee.
Il avait retenu ceci : la locomotive irait d’abord accrocher `a son tender la voiture cellulaire, puis, avec ce seul wagon, elle s’en irait fort avant sur la voie attendre le moment venu de reculer pour prendre le train alors en gare de Durban.
Donc, pendant une dizaine de minutes, peut-^etre, un convoi uniquement constitu'e par la locomotive et le wagon cellulaire se tiendrait en pleine campagne, `a deux kilom`etres au moins de toute habitation.
Juve devrait alors faire un coup de force, obliger les m'ecaniciens, sous la menace du revolver, peut-^etre, `a conduire leur machine un peu plus loin encore. Ensuite, il n’aurait plus qu’`a lib'erer Fandor et `a s’enfuir avec lui dans la campagne.
Fandor serait gard'e, lui avait-on expliqu'e, par de braves gens qu’il pourrait peut-^etre gagner par un bon pourboire. En tout cas, quoi qu’il p^ut arriver, Juve tirerait Fandor d’affaire, ou alors il y laisserait sa peau.
Si extraordinaire et irr'ealisable que par^ut ce plan au premier abord, Juve, au fur et `a mesure que s’approchait le moment de le mettre `a ex'ecution, se sentait devenir de plus en plus calme, il acqu'erait de plus en plus la certitude, la conviction qu’il allait r'eussir.
Certes, le plus d'elicat c’'etait d’obtenir du m'ecanicien qu’une fois celui-ci sur la voie principale avec sa machine et la voiture cellulaire, il consent^it `a avancer de quelques kilom`etres, alors qu’en r'ealit'e son devoir 'etait d’attendre et de reculer pour prendre le train express qu’il devait conduire `a Pietermaritzburg.
Mais Juve se disait que les m'ecaniciens de la locomotive, malgr'e la surprise qu’ils 'eprouveraient, n’h'esiteraient pas `a ob'eir `a l’ordre de leur sup'erieur : Juve.
Lorsqu’on serait en rase campagne, on s’expliquerait.
Juve, sur le bord d’une route, entra dans une modeste auberge, se fit servir un repas rapide.
`A une heure moins deux, Juve enjambait la balustrade, se retrouvait dans la gare. D'esormais, les 'ev'enements allaient s’encha^iner avec une irr'eductible r'egularit'e.
— Mon plan, se r'ep'etait Juve, est sans doute audacieux, mais pas irr'ealisable… Sauverai-je Fandor ?
Et, serrant les poings, menacant du regard un ennemi invisible, Juve concluait :