Том 6. Проза, письма
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Dans un an, peut-^etre, je viendrai vous voir; et quels changements ne trouverai-je pas? — me reconna^itrez-vous, et voudrez-vous le faire? — Et moi, quel r^ole jouerai-je? sera-ce un moment de plaisir, pour vous, ou d'embarras pour nous deux? car je vous avertis, que je ne suis plus le m^eme * , que je ne sens plus, que je ne parle plus de la m^eme mani`ere, et dieu sait ce que je deviendrai encore dans un an; — ma vie jusqu'ici n'a 'et'e qu'une suite de d'esappointements, qui me font rire maintenant, rire de moi et des autres; je n'ai fait qu'effleurer tous les plaisirs, et sans en avoir joui, j'en suis d'ego^ut'e.
— Mais ceci est un sujet bien triste que je t^acherai de ne pas ramener une autre fois; lorsque vous serez `a Moscou annoncez le moi, ch`ere amie… — je compte sur votre constance; adieu;
M. Ler…
P. S. Mes compliments `a ma cousine * , si vous lui 'ecrivez, car je suis trop paresseux pour le faire moi-m^eme.
<См.
Симанской М. Л., 20 февраля 1834 *
<Петербург, 20 февраля 1834 r.>
Ma ch`ere cousine! Je me rends avec extase`a votre aimable invitation, et certainement je ne manquerai pas de venir f'eliciter mon oncle d'abord apr`es diner, car — pour mon grand d'esespoir mon cousin Stolipine est mort avant hier, — et je suis s^ur que vous ne trouverez pas mal que je me prive du plaisir de vous voir quelques heures plus t^ot, pour aller, remplir un devoir aussi triste qu'indispensable. — `A vous pour toute la soir'ee et toute la vie.
M. L.
<См. перевод в примечаниях * >
Лопухиной М. А., 23 декабря 1834 *
S.-P'etersbourg. Le 23 d'ecembre <1834 г.>
Ch`ere amie! — quoi qu'il arrive je ne vous nommerai jamais autrement, car ce serait briser le dernier lien qui m'attache encore au pass'e — et je ne le voudrais pour rien au monde; car mon avenir quoique brillant `a l'oeil, est vide et plat; je dois vous avouer que chaque jour je m'apercois de plus en plus que je ne serai jamais bon `a rien, avec tous mes beaux r^eves, et mes mauvais essais dans le chemin de la vie… car: ou l'occasion me manque ou l'audace!… on me dit: l'occasion arrivera un jour! l'exp'erience et le temps vous donneront de l'audace !..et qui sait, quand tout cela viendra, s'il me restera alors quelque chose de cette ^ame br^ulante et jeune, que dieu m'a donn'ee fort mal `a propos? si ma volont'e ne sera pas 'epuis'ee `a force de patienter ?…si enfin je ne serai pas tout-`a-fait d'esabus'e de tout ce qui nous force d'avancer dans l'existence ?..
Je commence ainsi ma lettre par une confession,vraiment sans y penser! — Eh bien, qu'elle me serve d'excuse: vous verrez l`a du moins que si mon caract`ere est un peu chang'e, mon coeur ne l'est pas. La vue seule de votre derni`ere lettre a d'ej`a 'et'e pour moi un reproche — bien m'erit'e certainement; mais que pouvais-je vous 'ecrire? — vous parler de moi? — vraiment je suis tellement blas'e sur ma personne, [84] que lorsque je me surprends `a admirer ma propre pens'ee, je cherche `a me rappeler: o`u je l'ai lue !..et par suite de cela j'en suis venu `a ne pas lire, pour ne pas penser !..je vais dans le monde maintenant… pour me faire conna^itre, pour prouver que je suis capable de trouver du plaisir dans la bonne soci'et'e; — ah!! !..Je fais la cour, et `a la suite d'une d'eclaration je dis des impertinences: ca m'amuse encore un peu; et quoique cela ne soit pas tout-`a-fait nouveau, du moins cela se voit rarement !..vous supposerez qu'on me renvoie apr`es cela tout de bon… eh bien non, tout au contraire…. les femmes sont ainsi faites; je commence `a avoir de l'aplomb avec elles! rien ne me trouble, ni col`ere, ni tendresse: je suis toujours empress'e et bouillant, avec un coeur assez froid, qui ne bat que dans les grandes occasions: n'est-ce pas, j'ai fait du chemin !..et ne croyez pas que ce soit une fanfaronnade: je le suis maintenant l'homme le plus modeste — et puis je sais bien que ca ne me donnera pas une couleur favorable `a vos yeux; mais je dis, parce que ce n'est qu'avec vous que j'ose ^etre sinc`ere, ce n'est que vous qui saurez me plaindre sans m'humilier, puisque je m'humilie d'ej`a moi-m^eme; si je ne connaissais votre g'en'erosit'e et votre bon sens je n'aurais pas dit ce que j'ai dit; et peut-^etre, puisque autrefois vous avez calm'e un chagrin bien vif, peut-^etre, voudrez-vous maintenant chasser par de douces paroles cette froide ironie qui se glisse dans mon ^ame irr'esistiblement, comme l'eau qui entre dans un bateau bris'e. Oh! combien j'aurais voulu vous revoir, vous parler: car c'est l'accent de vos paroles, qui me faisait du bien; vraiment on devrait en 'ecrivant mettre des notes au-dessus des mots; — car maintenant lire une lettre, c'est comme regarder un portrait: point de vie, point de mouvement; l'expression d'une pens'ee immuable, quelque chose qui sent la mort !..
84
передpersonne было:propre — Ред.
— J'etais `a Царское
Je l'ai trouv'e bien chang'e, votre fr`ere, il est gros, comme J''etais alors, il est rose, — mais toujours s'erieux, pause; pourtant nous avons ri comme des fous la soir'ee de notre entrevue, — et dieu sait de quoi?
Dites moi, j'ai cru remarquer qu'il a du tendre pour m-lle Cath'erine Souchkoff * …est-ce que vous le savez? — les oncles de mamselle auraient bien voulu les marier !..Dieu pr'eserve !..cette femme est une chauve souris, dont les ailes s'accrochent `a tout ce qu'ils rencontrent! — il y eut un temps o`u elle me plaisait, maintenant elle me force presque de lui faire la cour… mais, je ne sais, il y a quelque chose, dans ses mani`eres, dans sa voix, quelque chose de dur, de saccad'e, de bris'e, qui repousse; tout en cherchant `a lui plaire on trouve du plaisir `a la compromettre, de la voir s'embarrasser dans ses propres filets.
Ecrivez-moi de gr^ace, ch`ere amie, maintenant que tous nos diff'erens sont r'egl'es, que vous n'avez plus `a vous plaindre de moi, car je pense avoir 'et'e assez sinc`ere, assez soumis dans cette lettre pour vous faire oublier mon crime de l`ese-amiti'e !..
Je voudrais bien vous revoir encore:. au fond de ce d'esir, pardonnez, il g^it une pens'ee 'ego"iste, c'est que, pr`es de vous, je me retrouverais moi-m^eme, tel que j''etais autrefois, confiant, riche d'amour et de d'evouement, riche enfin de tous les biens que les hommes ne peuvent nous ^oter, et que dieu m'a ^ot'e. lui! — Adieu, adieu — je voudrais continuer mais je ne puis.
M. Lerma.
— P. S. Mes compliments `a tous ceux auxquels vous jugerez convenable de les faire pour moi… adieu encore.
<См. перевод в примечаниях * >
Верещагиной А. М., весна 1835 *
<Петербург, весна 1835 г.>
Ma ch`ere cousine!
Je me suis d'ecid'e de vous payer une dette que vous n'avez pas eu la bont'e de r'eclamer, et j'esp`ere que cette g'en'erosit'e de ma part touchera votre coeur devenu si dur pour moi depuis quelque temps; je ne demande en r'ecompense que quelques gouttes d'encre et deux ou trois traits de plume pour m'annoncer que je ne suis pas encore tout `a fait banni de votre souvenir; — autrement je serai forc'e de chercher des consolations ailleurs (car ici aussi j'ai des cousines) — et la femme la moins aimante (c'est connu) n'aime pas beaucoup qu'on cherche des consolations loin d'elle. — Et puis si vous pers'everez encore dans votre silence, je puis bient^ot arriver `a Moscou — et alors ma vengeance n'aura plus de bornes; en fait de guerre (vous savez) on m'enage la garnison qui a capitul'e, mais la ville prise d'assaut est sans piti'e abandonn'ee `a la fureur des vainqueurs.
Apr`es cette bravade `a la hussard, je me jette `a vos pieds pour implorer ma gr^ace en attendant que vous le fassiez `a mon 'egard.
Les pr'eliminaires finis, je commence `a vous raconter ce qui m'est arriv'e pendant ce temps, comme on fait en se revoyant apr`es une longue s'eparation.
Alexis * a pu vous dire quelque chose sur ma mani`ere de vivre, mais rien d'int'eressant si ce n'est le commencement de mes amourettes avec M-lle Souchkoff, dont la fin est bien plus int'eressante et plus dr^ole. Si j'ai commenc'e par lui faire la cour, ce n''etait pas un reflet du pass'e — avant c''etait une occasion de m'occuper, et puis lorsque nous f^umes de bonne intelligence, ca devint un calcul: — voil`a comment. — J'ai vu en entrant dans le monde que chacun avait son pi'edestal: une fortune, un nom, un titre, une faveur * …j'ai vu que si j'arrivais `a occuper de moi une personne, les autres s'occuperont de moi insensiblement, par curiosit'e avant, par rivalit'e apr`es.