Trouver le sol sous les pieds
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J«etais allonge et je me disais que Mariana etait peut-etre morte. Enfin. Mais je n’arrivais pas a comprendre pourquoi c’etait encore moi qui souffrais. Je me suis dit que ce n’etait peut-etre que l’enfer. J'etais tombee malade quand j’etais Mariana et j’avais fait du mal a mon papa et a ma maman, alors j’avais ete punie pour ca, et maintenant j’avais de nouveau mal. Et il y a une academie effrayante devant moi. C’est magique, mais c’est vraiment effrayant parce qu’il y a beaucoup d’escaliers. Et les escaliers peuvent te faire souffrir. Peut-etre que je me ferais tuer la-bas aussi. Je veux dire, ils voulaient le faire dans le livre, mais ce garcon, Willy, il voulait vivre, et moi… Et je n’ai pas eu a le faire. Je me suis demande quel age j’avais et a quoi je ressemblais. Ca ne pouvait pas etre Mariana, n’est-ce pas?
Je ne m’attendais pas a ce que quelqu’un vienne a moi, mais quelqu’un l’a fait. C'etait une femme: elle etait mince et portait une robe etrange, comme un uniforme de film de guerre. Je ne la connaissais pas, mais elle me rappelait quelqu’un… Sans doute la dame du livre qui aimait battre Willy.
L«etrange dame s’est approchee, m’a regarde et…
«Espece de maudit monstre», dit-elle presque dans un murmure. «Quand vas-tu mourir?»
«Bonjour», ai-je repondu en demandant: «Excusez-moi, qui etes-vous?».
«Petite merde!», la femme m’a vise d’un coup-de-poing.
Puis la porte s’est ouverte brusquement, et quelqu’un portant des vetements de medecin l’a empechee de me frapper. Plus tard, la police est arrivee et d’autres medecins m’ont demande quelque chose, mais quelque chose bourdonnait dans mes oreilles et ne me permettait pas de comprendre ce qui se passait. Je n’entendais rien et je regardais les gens autour de moi avec confusion, mais ils ne comprenaient pas que je n’entendais rien, puis la machine pres du lit a clignote et les lumieres se sont eteintes.
«Tu me comprends?»
Ce medecin se tenait a nouveau devant moi. Il me regardait dans les yeux comme s’il essayait d’y lire quelque chose, mais je m’en moquais.
«Je comprends», j’ai acquiesce et les lumieres se sont a nouveau eteintes.
La fois suivante ou je me suis reveillee, ils m’ont fait quelque chose. Ce n’etait pas effrayant, je me demandais seulement pourquoi ils enfoncaient un tube dans… Eh bien, «la». Ils ont aussi fait quelque chose a mes fesses, mais ce n’etait pas douloureux. Ensuite, le mot «hospice» a ete prononce, et j’ai su que j’etais en train de mourir. J'etais contrariee parce que les gens meurent longtemps dans les hospices et souffrent (j’ai entendu des histoires a ce sujet quand j’etais Mariana), mais je voulais mourir rapidement. Mais un homme qui ressemblait a un ange (il avait meme une aureole2) est arrive et a dit qu’il n’y aurait pas d’hospice parce qu’il m’emmenerait. J’ai compris que l’homme etait la Mort parce que c’est masculin en Allemagne. J'etais tres heureuse et j’ai accepte – enfin, qu’il m’emmene. Et l’homme qui etait la Mort m’a dit que maintenant tout irait bien et que nous vivrions tous dans une grande maison, lumineuse et confortable. J’ai glousse parce que je n’avais jamais entendu quelqu’un me decrire une tombe de cette facon.
Cela a du durer un mois avant qu’ils ne sortent un tube de… – enfin, de «la» – et qu’ils m’installent dans un fauteuil roulant, ce qui, bien sur, m’a fait pleurer. Un garcon aux cheveux boucles, que M. La Mort appelait «fils», est apparu a cote de moi. Il s’est avere que la Mort avait aussi des enfants, si bien que j’etais seule et non desiree. Ce garcon, qui etait le fils de la Mort, m’a caresse et a commence a me demander de ne pas avoir peur car tout irait bien. Puis il m’a serre dans ses bras et je me suis prepare a mourir.
«Qu’est-ce que tu fais?» M’a demande le garcon.
«Ils se preparent a mourir», ai-je repondu honnetement. «Quand ils meurent, ils pissent et font caca, je le sais, alors il faut que je reste assis comme ca pour que les femmes ne s’enervent pas parce qu’elles ont trop besoin de nettoyer.»
«Tu ne vas pas mourir», dit le garcon en regardant autour de lui.
Immediatement, cet homme, qui etait la Mort, s’est approche et m’a prise dans ses bras. C'etait si doux, si chaleureux que j’ai pleure a nouveau parce que je ne pouvais pas m’en empecher.
«Pourquoi pleure-t-elle, papa?» Demande le garcon aux cheveux boucles, qui me rappelle quelqu’un.
«Parce qu’elle n’avait personne, mon fils», a repondu l’homme qui me tenait dans ses bras. «La depression est le pire bourreau des enfants particuliers».
Ils m’ont mis dans une voiture et m’ont emmene quelque part. Probablement, au cimetiere pour m’y enterrer. Personne ne voulait de moi, ou m’auraient-ils emmene de l’hopital? Soit dans un orphelinat, soit dans un cimetiere…
1. Le terme «Fraulein» est considere comme obsolete et n’est plus utilise aujourd’hui. (Ici et plus loin: note de l’auteur).
2. Lorsque la lampe eclaire par derriere, le medecin peut donner l’impression d’avoir un halo autour de la tete, surtout si la vision du patient est defaillante.
Fiance
Nous ne sommes pas arrives dans un cimetiere, mais dans une maison. A la maison, une femme nous a accueillis, pas comme celle qui est venue dans le service, mais une femme tres differente. Elle etait gentille. Elle a dit qu’elle s’appelait Mme Elsa, mais que je pouvais l’appeler… Maman. J’ai encore pleure parce que j’ai eu maman, une vraie, tu imagines? Et celui que j’appelais Monsieur Mort s’est avere etre Papa. Et le garcon aux cheveux boucles s’appelait Herman. J'etais vraiment dans un conte de fees parce que cela ne pouvait pas m’arriver.
«Tu veux qu’on t’adopte?» M’a demande mon nouveau papa.
«Est-ce que je ne peux pas etre adoptee?» J’ai demande et explique immediatement: «Eh bien, pas pour de vrai parce que je pourrais pretendre qu’Herman est mon fiance et que j’aurais un avenir.»
Papa a souri, et le garcon (il a aussi entendu ce que j’ai dit) semblait au bord des larmes.
«As-tu besoin d’un fiance pour l’avenir?» Maman a souri.
«Eh bien, s’il y a un fiance», j’ai partage mes pensees, «alors un jour, il y aura une famille… Je sais que je vais mourir de toute facon, mais juste pour le plaisir, je peux?».
Ma mere a pleure et l’a autorise, et Herman m’a serre dans ses bras et m’a dit a quel point j’etais bon. Il a eu tellement chaud que c’etait incroyablement bon. Je n’avais pas de mots du tout, seulement des larmes. J’ai beaucoup pleure ce jour-la, plus que je ne pense avoir pleure dans toute ma vie.
Au dejeuner, il s’est avere que j’avais peu de volonte, et la douleur a fait couler les larmes. Papa m’a meme un peu gronde.
«Tu ne dois pas tolerer la douleur», dit-il en me caressant. «Si ca fait mal, tu dois me le dire».