La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Au nom de la Loi… commencait Juve.
Une voix tr`es calme lui r'epondit :
— Est-ce que vous croyez qu’il est vraiment mort ?
La demande 'etait pour le moins surprenante et, surtout, faite sur un ton aussi tranquille.
— Morbleu, r'epondit Juve qui s’'etait arr^et'e, j’imagine que vous n’en doutez pas, mis'erable, vous ^etes un assassin.
L’autre, toujours tr`es calme, r'epondit :
— Mais, pas du tout, Monsieur Juve. C’est un tour que l’on m’a jou'e, d’ailleurs…
Juve n’'etait pas encore revenu de la stup'efaction qu’il 'eprouvait en s’entendant appeler par son nom, qu’une nouvelle aventure survenait, risible presque et que, `a coup s^ur, le policier n’avait point pr'evue.
Le paysan, en effet, levait les bras, prenait `a sa cravate une 'epingle et se l’enfoncait dans la poitrine ; au m^eme moment une violente d'etonation retentissait, et Juve voyait l’homme, le gros homme maigrir instantan'ement, se d'egonfler plut^ot, oui, se d'egonfler, car Juve sentait un violent courant d’air.
— Hein ? commenca le policier, qu’est-ce que vous ^etes encore en train de faire ?
De plus en plus flegmatique, l’inconnu r'epondait :
— Vous le voyez, je suppose, en v'erit'e. Pour n’^etre pas reconnu de vous, je m’'etais d'eguis'e avec une vessie pleine d’air. Maintenant, j’ai tout int'er^et `a ce que vous sachiez qui je suis et, par cons'equent…
— Mais qui ^etes-vous donc ?
— Un de vos amis, Monsieur Juve. D’ailleurs, vous allez me reconna^itre.
En deux gestes, le paysan, en effet, d'epouilla sa longue blouse bleue, jeta aux pieds de Juve une vessie crev'ee, se d'ebarrassa d’une perruque, d’une fausse moustache. C’'etait le visage glabre, la silhouette maigre de Backefelder, le riche millionnaire am'ericain qui apparaissait `a Juve, abasourdi.
— Vous, Monsieur Backefelder ? Ah c`a, mais je deviens fou. Que diable faites-vous ici ?
L’Am'ericain haussa les 'epaules :
— Je me distrais, r'epondit-il. J’essaye de me distraire. Je cherche des 'emotions. Je suis trop riche. Monsieur Juve, j’ai trop souvent le spleen.
Tout en parlant, Backefelder, – car c’'etait bien lui, Juve devait parfaitement reconna^itre le flegmatique yankee qu’il avait 'et'e jadis chercher au Havre apr`es un vol commis par Fant^omas, – s’approcha du cadavre de Timol'eon Fargeaux, se pencha vers lui.
Backefelder poursuivit :
— Cet homme est mort. Vraiment, c’est dommage. Et je ne suis pas content d’^etre m^el'e `a cette aventure. Je le dirai `a Fant^omas.
Ce calme, pourtant, d'epassait la mesure. Et Juve, d’abord, 'etait si stup'efait, qu’il n’avait plus exactement compris ce qu’il convenait de faire, mais il retrouva son sang-froid habituel pour protester, pour bondir `a nouveau vers Backefelder, qu’il saisit par le bras :
— Monsieur, criait Juve, il y a des plaisanteries qu’il ne faut pas faire et qui co^utent tr`es cher. Vous vous plaindrez `a Fant^omas ? Hum, ce n’est pas certain. En attendant, moi, je vous arr^ete et je vous somme de me dire comment vous ^etes ici, pourquoi vous y ^etes et ce que vous ^etes venu faire ?
Juve 'etait fort en col`ere. Backefelder, lui, conservait son imperturbable flegme :
— Une cigarette ? proposa-t-il. Non ? Vous avez tort, Monsieur Juve, mes cigarettes sont excellentes. Ah, vous voulez causer, eh bien, causons. Pourquoi je suis ici ? Voil`a : j’ai des millions, je m’ennuie. Rappelez-vous, il y a six mois, je suis venu vous voir `a la Pr'efecture de police, et je vous ai dit :
« V'eritablement, vos histoires avec le nomm'e Fant^omas, vos aventures enfin, sont d'elicieusement int'eressantes. Je vous offre cinq cent mille francs si vous me laissez vous accompagner partout et assister `a toutes vos d'emarches. Vous vous rappelez, Monsieur Juve ? et vous vous rappelez aussi ce que vous m’avez r'epondu ? »
— Parfaitement, je vous ai envoy'e promener.
— Exactement, en effet. Donc, ne pouvant m’allier avec vous, je me suis arrang'e pour rencontrer Fant^omas. Je lui ai tenu le m^eme langage qu’`a vous. Je lui ai donn'e cinq cent mille francs et il m’a mis au courant de tout ce qu’il faisait. Oh, ne vous y trompez pas, Monsieur Juve, je ne suis pas devenu un bandit. J’ai bien pr'evenu Fant^omas que je voulais seulement ^etre un t'emoin. ^Etre `a m^eme, en somme, de me distraire. J’ai dit `a Fant^omas :
— Monsieur, r'epondit Juve, je vous crois, mais il y a quelque chose que vous ne m’expliquez pas. Qu’^etes-vous venu faire ici ?
— Attendez, r'epondait flegmatiquement Backefelder… Il faut me laisser le temps de vous expliquer. Mes conventions faites avec Fant^omas, j’ai d'ej`a assist'e `a pas mal de choses int'eressantes. Hier, j’'etais avec lui et il m’a dit : « Voulez-vous voir une aventure curieuse ? Allez donc au ch^ateau de Garros, faites asseoir Timol'eon Fargeaux `a trois heures vingt-sept exactement devant la fen^etre de sa chambre, je vous garantis que vous verrez alors, et dans ces conditions, une aventure stup'efiante. » Monsieur Juve, je suis venu, je peux dire que j’ai vu, mais je ne vous cache pas que je suis peu satisfait. En fait, Fant^omas m’a amen'e `a causer la mort de ce pauvre Monsieur. Je n’y suis pour rien, car je ne savais pas. Mais cependant, c’est fort d'esobligeant.
Backefelder se leva pour secouer sur le marbre de la chemin'ee la cendre de sa cigarette, il revint s’asseoir devant Juve, et toujours tranquillement, interrogea :
— Enfin, ce qui est, est et nous n’y pouvons rien. Qu’allez-vous faire. Monsieur Juve ?
— D’abord, je vais vous arr^eter, parce que c’est mon devoir. Je vais vous enfermer ici, dans une cave, o`u je verrai `a venir vous chercher un peu plus tard. Ensuite, je vais t^acher de d'ecouvrir d’o`u vous venez, ce qui me dira o`u est Fant^omas.
— Oh, d'eclara l’Am'ericain, ce n’est pas la peine que vous vous donniez beaucoup de mal, Monsieur Juve. Je n’ai m^eme pas jur'e `a Fant^omas de ne pas parler. Je l’ai, au contraire, pr'evenu que, pour n’^etre pas consid'er'e comme un complice, d`es que je tomberais entre vos mains je m’empresserais de vous raconter tout ce que je sais sur son compte. J’ajoute que, si je reste avec vous, d`es que je tomberai entre les mains de Fant^omas, je lui rapporterai tout ce que vous aurez dit d’int'eressant.