La main coup?e (Отрезанная рука)
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Soudain, M. de Vaugreland l’interrompit :
— Juve, fit-il, je me souviens d’une sc`ene 'etrange. Tenez, au moment de l’assassinat du malheureux Norbert du Rand. Ivan Ivanovitch est venu me proposer de me rendre les trois cent mille francs que le Casino lui avait, disait-il, pr^et'es le matin m^eme :
« Qui lui avait pr^et'e cet argent ?
« Nous ne pouvions pas croire qu’un semblable pr^et avait 'et'e effectu'e. Personne d’entre nous n’avait en effet recu la visite d’Ivan Ivanovitch.
— Pourquoi me rappelez-vous tout cela ? interrogea Juve.
— Je ne sais pas, fit M. de Vaugreland, c’est simplement la co"incidence des deux sommes qui attire mon attention.
— Monsieur le Directeur, d'eclara Juve, vous m’ouvrez des horizons.
Il semblait r'efl'echir profond'ement, un silence angoissant r'egna dans la pi`ece, que nul n’osait troubler.
— Fandor, s’'ecria Juve, 'ecoute : La lettre que voici remonte `a trois semaines… Elle a 'et'e 'ecrite s^urement par Ivan Ivanovitch, car il y a trois semaines le malheureux avait dilapid'e au jeu des sommes formidables. Affol'e, perdant la t^ete, il est venu au Casino, il a sollicit'e, demand'e de l’argent, menac'e de bombarder la ville si on ne le remboursait pas. Et il a 'et'e recu par un directeur – ou tout au moins par quelqu’un qui s’est donn'e pour tel. Quelqu’un qui avait trois cent mille francs sur lui et qui a pu les lui remettre. Ce quelqu’un – n’en doute pas, Fandor – c’'etait Fant^omas. Fant^omas a gard'e la lettre, cette lettre que na"ivement Ivan Ivanovitch esp'erait rattraper le fameux soir o`u, ayant fait gagner Norbert du Rand et ayant partag'e avec lui un gain important, il se proposait de restituer au Casino, en 'echange du document compromettant, la somme que lui avait pr^et'ee, le matin m^eme, qui tu sais.
« D`es lors, poursuivit Juve, Ivanovitch 'etait dans les mains du bandit. Oblig'e de lui ob'eir, contraint `a ex'ecuter ses ordres, agissant comme une machine, toujours sous la crainte de voir cette lettre remise aux autorit'es et d’^etre ch^ati'e de son incons'equence. Certes, Fant^omas a r'ecompens'e Ivan Ivanovitch en lui faisant gagner de l’argent. Rappelle-toi le truquage du num'ero sept de la roulette, mais rappelle-toi aussi, Fandor, que chaque fois qu’un crime se produisait, la responsabilit'e semblait devoir en retomber sur le malheureux officier.
— Souvenez-vous, Juve, s’'ecria Fandor qui comprenait `a merveille l’explication du policier, souvenez-vous de l’'emotion du vrai Ivan Ivanovitch, le fameux soir o`u je l’ai emp^ech'e de regagner son bord. Il pr'etendait avoir
— C’'etaient des ordres de Fant^omas, d'eclara Juve qui ajouta :
« Souviens-toi, Fandor, que perp'etuellement l’un et l’autre nous 'etions en pr'esence, soit du vrai Ivan Ivanovitch, soit de Fant^omas qui avait pris sa silhouette, son visage et son apparence pour perp'etrer les plus atroces forfaits.
— Souvenez-vous, Juve, poursuivit Fandor, que Fant^omas a failli nous brouiller, pour nous avoir trop bien persuad'es qu’Ivan Ivanovitch 'etait le coupable.
Juve et Fandor, sans souci du directeur, se prenaient les mains, se les serraient `a les broyer.
M. de Vaugreland, abasourdi, consid'erait, stup'efait, les deux hommes, qui subjugu'es par l’int'er^et r'eciproque de leurs explications ne se pr'eoccupaient plus de lui en aucune facon.
Soudain la sonnerie du t'el'ephone retentit. M. de Vaugreland, machinalement, bondit `a l’appareil :
— All^o ? all^o ? Qu’est-ce que vous dites ? Je ne comprends pas. Tenez, je suis trop fatigu'e, trop 'emu.
Le malheureux passa le r'ecepteur `a Juve qui, se contentant de r'epondre par brefs monosyllabes, transcrivit, sur une feuille de papier, l’information qu’on lui adressait.
Et Fandor qui regardait par-dessus son 'epaule lut cette simple nouvelle transmise par le s'emaphore :
« LeSkobeleff quitte la rade avec des ordres r'eguliers de son gouvernement. »
Fandor bondit `a la fen^etre.
Assur'ement l’information 'etait exacte.
Pendant les quelques secondes que le journaliste et le policier s’'etaient entretenus, le majestueux cuirass'e avait fait volte-face et d'esormais, en effet, toutes lumi`eres 'eteintes, sauf les feux r'eglementaires, il pointait vers la haute mer…
— Dieu soit lou'e, non seulement nous voici d'ebarrass'es d’Ivan Ivanovitch, mais encore cette menacante forteresse flottante sera hors de vue lorsque se l`evera le jour. Je suis fort heureux d’apprendre que le Skobeleffs’en va. Esp'erons que nous allons ^etre tranquilles, dit M. de Vaugreland.
— Hum, fit Juve, avec un sourire d’amertume, tranquilles ? c’est peu probable. Sans doute Ivan Ivanovitch est mort mais c’est un innocent que l’on a tu'e. Sans doute le Skobeleffgagne la haute mer… mais le cuirass'e russe a pour chef supr^eme, `a son bord, le plus redoutable capitaine qui soit au monde. Car le Skobeleffest d'esormais command'e par qui ? par Fant^omas.
FIN