La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Ce ne serait pas possible, fit M. de Vaugreland, les officiers en uniforme ne sont pas admis au Casino. Ivan Ivanovitch ne l’ignore pas et s’il veut passer inapercu le moyen n’est gu`ere bon.
Le directeur s’arr^eta :
On venait de frapper `a la porte de son bureau.
— Entrez, fit-il…
Un huissier se pr'esenta, porteur d’un t'el'egramme. Ayant d'echir'e le pointill'e, le directeur lut `a haute voix :
La d'ep^eche 'etait ainsi concue :
Amiral commandant escadre Villefranche `a directeur Casino. Envoyons torpilleur reconna^itre mouvements duSkobeleff , nous vous tiendrons au courant.
C’'etait sign'e :
Amiral K'eradak.
M. de Vaugreland poussa un soupir de satisfaction :
— Ah, fit-il, voil`a qui me rassure un peu ; l’amiraut'e de Toulon a pris en consid'eration les craintes, discr`etes d’ailleurs, que je lui exprimais tout `a l’heure.
Cependant, Juve insista, press'e d’en finir. Il dit `a M. de Vaugreland :
— Cela ne doit pas se prolonger plus longtemps. La situation est d'elicate, nous perdons un temps pr'ecieux. Avec votre autorisation, monsieur le directeur, je m’en vais mettre la main au collet d’Ivan Ivanovitch ?
— Comme vous voudrez, dit Vaugreland.
Il sonna au t'el'ephone priv'e qui communiquait avec les salles de jeux :
— All^o, all^o, c’est vous, madame G'erar ? bien, c’est M. de Vaugreland. Voulez-vous prier les inspecteurs P'erouzin et Nalorgne de se rendre directement dans le jardin et d’approcher de la personne que vous savez qui s’y prom`ene ? M. Juve les rejoindra dans une seconde, le temps de descendre.
M. de Vaugreland, une fois l’ordre donn'e, devint tout p^ale.
Il regarda Juve :
— Alors, c’est bien d'ecid'e ?
— Naturellement, r'epondit le policier.
Celui-ci quitta le bureau directorial, suivant, `a quelques secondes de distance, Fandor qui le pr'ec'edait.
Les deux hommes devaient traverser la salle de jeux. L’un comptait passer par l’Atrium, c’'etait Fandor, l’autre par l’extr'emit'e de la galerie – c’'etait Juve – pensait gagner directement le jardin.
Mais l’inspecteur de la s^uret'e avait `a peine descendu quelques marches que Fandor rebroussa chemin, se heurtait `a lui :
— Eh bien, annonca le journaliste, voil`a du nouveau.
— Qu’y a-t-il donc, Fandor ?
— Il y a que cet animal s’est introduit dans la salle.
— Dans la salle ? s’'ecria Juve, c’est impossible, les issues 'etaient gard'ees.
— Parbleu, oui, jusqu’au moment o`u le directeur a donn'e l’ordre `a ses hommes d’aller au jardin. Ivan Ivanovitch, qui guettait 'evidemment cet instant, a profit'e d’une seconde d’inattention, de l’absence de P'erouzin ou de Nalorgne pour p'en'etrer. Ah, il n’a pas perdu de temps.
M. de Vaugreland qui, apr`es avoir ferm'e `a double tour la porte de son cabinet, s’'etait 'elanc'e `a la suite de Juve, entendit les derniers mots de cette conversation et en comprit le sens.
Il leva les bras au ciel :
— La malchance, murmura-t-il, s’en m^ele, c’est affreux.
— Quoi ? demanda Juve en descendant, nous allons l’arr^eter dans la salle, discr`etement, voil`a tout. Nous l’am`enerons ici, il faudra bien qu’il s’explique.
Alarm'e, M. de Vaugreland l’interrompit :
— Vous n’y pensez pas. On ne peut pas l’arr^eter dans la salle, il y a l`a des grands ducs, des gens de la cour de Russie. Cela ferait un scandale 'enorme, d’autant plus que tous les regards doivent ^etre braqu'es sur Ivan Ivanovitch.
— Pourquoi ? interrogea Fandor.
— Mais `a cause de son uniforme, s’'ecria M. de Vaugreland.
Fandor semblait de plus en plus stup'efait. Il y avait en effet quelque chose que le jeune homme ne s’expliquait pas. Il r'epondit en hochant la t^ete, `a mi-voix et comme s’il se parlait `a lui-m^eme :
— Le plus curieux, c’est qu’Ivan Ivanovitch, que je viens de voir `a l’instant dans la salle, n’est pas en uniforme mais en habit.
… Juve ne prenait point part `a la conversation, mais il pr'ec'edait ses deux compagnons, s’approchait des tables de jeux :
M. de Vaugreland courut `a lui, s’appuya `a son 'epaule pour lui murmurer `a l’oreille :
— Je vous en prie, monsieur, fit-il, ne l’arr^etez pas encore. Voyons ce qu’il va faire.
Puis il ajoutait, dans l’espoir de convaincre Juve :
— D’abord nous ne sauterons certainement pas, tant qu’il sera au Casino… le fait qu’il est l`a, dans les salles, nous garantit 'evidemment contre le bombardement.
— Cela, observa Juve, c’est `a savoir. Les d'esesp'er'es de cette esp`ece n’y regardent pas de si pr`es.
Mais M. de Vaugreland insistait.
— Bon, dit Juve, haussant imperceptiblement les 'epaules, j’attendrai.
Ivan Ivanovitch, c’'etait bien lui et lui en habit et non pas en uniforme, comme on l’avait cru un instant, apr`es avoir err'e dans la salle de jeux, avec un visage impassible, une apparence nonchalante et tranquille, s’'etait lentement approch'e des tables de roulette.
Il avait tir'e quelques pi`eces d’or de ses poches.
Le directeur, Fandor et Juve le surveillaient de loin et, pour parer `a toute 'eventualit'e, sur le d'esir du policier, M. de Vaugreland envoya M meG'erar chercher les inspecteurs P'erouzin et Nalorgne qui, lorsqu’ils revinrent du jardin, d'eclar`erent, naturellement, qu’ils n’avaient pas vu Ivan Ivanovitch.
Fandor, de ses yeux percants, surveillait le jeu de l’officier russe :
— Mais c’est qu’il gagne, murmura-t-il `a l’oreille de Juve.