La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Fandor.
— Juve.
— Pardonne-moi, Fandor.
— Non, vous Juve, pardonnez-moi, j’ai manqu'e de confiance.
— Et moi je t’ai soupconn'e.
— Petit, c’est moi qui ai eu tous les torts. Tiens, je m’en accuse. Depuis que nous sommes dans cette maudite principaut'e de Monaco, je ne suis plus le m^eme. J’ai jou'e, Fandor, je me suis laiss'e prendre `a la griserie du jeu. Voil`a ma faute.
— Et moi, Juve, j’ai 'et'e faible envers Denise, j’aimais la fille de Fant^omas.
— Je te pardonne, Fandor.
— Juve, ce n’'etait pas votre faute.
Ces deux hommes qui, pendant dix ans, avaient affront'e ensemble les p'erils les plus 'epouvantables, qui n’avaient recul'e devant aucun danger, qui avaient port'e aux limites les plus recul'ees les efforts de leurs h'ero"ismes, 'etaient timides entre eux comme des enfants.
L’attendrissement pourtant de ces natures 'energiques ne pouvait durer longtemps, Fandor, imp'etueux, revint `a la charge :
— Juve, quand vous avez vu Ivan Ivanovitch – car je ne doute pas de vous – quand vous l’avez vu accepter de l’argent, qu’avez-vous fait ?
— Je me suis pr'ecipit'e vers lui, Fandor, mais il a fui `a la course. Je n’avais pas de preuve, je n’'etais pas en 'etat de l’arr^eter, je l’ai laiss'e fuir.
— Et depuis ?
— Depuis, je ne l’ai pas revu. Sauf tout `a l’heure.
— 'Ecoutez, Juve, quand je vous ai dit qu’Ivan Ivanovitch 'etait prisonnier, prisonnier dans la tani`ere de Bouzille, je ne vous ai pas menti. Quand je vous ai dit que j’avais vu Ivan Ivanovitch dans la galerie Sud, je ne vous ai pas menti davantage. Or, je le sais bien, vous non plus, vous ne mentiez pas en soutenant le contraire. Il faut donc que nous soyons victimes, tous les deux, de quelque chose d’incroyable. Tout notre malheur vient de ce que cette ruse, nous ne pouvons arriver `a la deviner. Juve, nous n’avons qu’un moyen de tirer ces affaires au clair : ne plus nous exposer `a de semblables contradictions. Il ne faut plus nous quitter. Il ne faut plus nous s'eparer l’un de l’autre, f^ut-ce une minute.
Juve qui venait d’'ecouter Fandor avec la plus grande attention, hochant la t^ete approbativement `a chacune de ses paroles, tendit encore une fois sa main au journaliste :
— Viens, Fandor, tu as raison, j’ai confiance en toi, viens. Ne nous quittons plus, luttons ensemble, nous triompherons ensemble.
29 – LA PEUR
— Personne ? Non, personne. On ne m’a pas entendu. Bigre, j’ai eu peur tandis que je me glissais sous les fils, et un peu plus, ma cl'e n’ouvrait pas l’escalier secret. Quel imb'ecile, ce M. de Vaugreland. Il n’a m^eme point song'e que si je lui remettais la cl'e, la cl'e vol'ee `a Louis Meynan, je pouvais parfaitement en avoir pris l’empreinte, en avoir fait ex'ecuter une autre exactement semblable. Cela fait de la peine. Ni Juve ni Fandor ne seraient tomb'es dans un pi`ege si grossier. Bah, tant mieux pour moi. D'ecid'ement, il ne vient personne ? non. Alors, je puis proc'eder en toute qui'etude. Le malheur est qu’on n’y voit goutte, ici. Ah, sapristi de sapristi, ^etre si pr`es de r'eussir et peut-^etre demeurer si loin du succ`es. Maudite obscurit'e, elle va me g^ener et je n’ose allumer une lanterne.
… On n’y voyait goutte, en effet, et le personnage qui se plaignait de ne pas y voir clair avait raison de s’effrayer s’il avait une besogne d'elicate `a effectuer.
Mais qui 'etait ce personnage ?
O`u se trouvait-il ?
C’'etait un homme dont on ne distinguait point les traits, tant l’obscurit'e 'etait profonde, mais dont la silhouette suffisait `a inspirer la terreur.
On l’aurait mal vu mais on l’aurait devin'e.
Il 'etait dans l’obscurit'e comme quelque chose de plus obscur encore, comme une tache noire dans du noir.
Sur ses 'epaules un lourd manteau retombait, drap'e en plis harmonieux. On n’apercevait aucun linge blanc. Il ne devait porter ni faux-col ni manchettes. M^eme son visage ne dessinait pas une tache plus claire.
Son visage ?
Si quelque observateur s’'etait efforc'e de l’apercevoir, il aurait `a coup s^ur renonc'e `a satisfaire son d'esir. `A certains moments, on aurait pu distinguer, en effet, sur la face de l’homme une sorte de cagoule, de longue cagoule, qui, enfonc'ee sur le cr^ane, masquait les traits, tombait en plis flottants sur sa poitrine.
Quel 'etait cet homme ?
Fant^omas.
Rien qu’`a la souplesse de ses mouvements, rien qu’`a la minceur de sa silhouette, rien qu’`a l’anonymat voulu de ses traits, on l’aurait reconnu.
Mais o`u se trouvait-il donc ?
Autour de lui, tout 'etait noir, de l’obscurit'e des souterrains. Aussi bien l’air 'etait lourd, humide et froid. C’'etait dans une cave que Fant^omas se trouvait, dans une cave 'enorme, une cave que n’'eclairait aucun soupirail, que ne semblait meubler aucun objet, une cave vide, une cave 'etrange.
« Morbleu, grommela le bandit qui venait de s’agenouiller sur le sol et t^atonnait devant lui, je me demande si je ne vais point tout g^ater en agissant ainsi dans l’obscurit'e ? une fausse manoeuvre et s’en est fait de mes espoirs. Au moins pour aujourd’hui.
Le bandit se remuait lentement. La manoeuvre qu’il accomplissait dans le noir 'etait certainement d'elicate.
Soudain, il s’immobilisa. Penchant la t^ete, il parut 'ecouter. Oui, Fant^omas 'ecoutait… mais qu’'ecoutait-il donc ?
Dans le silence profond de la cave, soudain, un l'eger bruit s’'etait fait entendre. Comme le ronron discret, comme la vibration que produit un moteur 'electrique.
Et puis tout d’un coup, interrompant le ronronnement, un autre bruit se fit entendre qui, cependant, chose 'etrange, semblait provenir du ronronnement lui-m^eme…
Quel 'etait ce nouveau bruit ?
`A vrai dire, il 'etait difficile `a d'efinir.
C’'etait quelque chose comme une suite de craquements, de craquements que s'eparaient des intervalles de temps in'egaux. On e^ut dit que quelqu’un remontait une montre gigantesque et que c’'etait le ressort que l’on entendait grincer : crac-crac, puis un silence, crac-crac-crac. Puis encore un silence, puis d’autres grincements.
Mais `a peine ce bruit, ce bruit m'ecanique, avait-il cess'e, `a peine le ronronnement monotone avait-il repris que Fant^omas reprit son soliloque :
« Bigre de bigre, c’est moins commode que je ne l’avais pens'e. Hum, vais-je pouvoir m’y reconna^itre ? D’autant que j’imagine que si je me trompe la premi`ere fois, il me sera impossible de r'eussir ensuite. Attention `a la manoeuvre.
Et le bandit se tut. De nouveau, les bruits singuliers reprirent, le ronronnement d’abord, les grincements ensuite.