La main coup?e (Отрезанная рука)
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L’ex-notaire n’avait pas achev'e, qu’un coup de revolver retentissait.
Juve, `a bout portant, venait, en effet, de tirer sur Ivan Ivanovitch.
Mais le policier s’arr^eta, interdit, stup'efait…
Il avait tir'e en pleine poitrine et Ivan Ivanovitch courait encore.
Juve n’avait pas le temps de se demander longtemps qu’elle 'etait la cause de cette invuln'erabilit'e ? Elle n’'etait d’ailleurs qu’apparente. Une seconde apr`es retentissait un second coup de feu, puis un troisi`eme.
C’'etaient les inspecteurs du Casino qui avaient tir'e et, cette fois, l’officier russe, s’arr^eta brusquement, chancela une seconde, puis tomba sur le sol, perdant son sang de toutes parts. Le malheureux se roulait dans la poussi`ere, en proie `a des souffrances 'epouvantables. Il n’avait pas 'et'e tu'e sur le coup.
Juve se pr'ecipita vers lui :
— Ivan Ivanovitch, qu’avez-vous fait ? qu’alliez-vous faire ? interrogea-t-il vos ordres sont-ils donn'es ? r'epondez avant de mourir. Le Skobeleffdoit-il bombarder le Casino ?
Mais le moribond ne semblait rien comprendre `a l’interrogatoire de Juve.
Sur son visage d'ej`a bl^eme, s’appliquait le masque de la mort. Cependant qu’il vomissait son sang, il articula d’une voix imperceptible :
— Ah, c’est l’expiation, je meurs, j’expie.
— Juve, hurla une voix, `a la fois tonitruante et terrifi'ee.
C’'etait Fandor qui appelait le policier :
— Juve, regardez, c’est effroyable, c’est fou. Ah, regardez, Ivan Ivanovitch est mort et pourtant Ivan Ivanovitch se sauve. Oui, nous avions raison l’un et l’autre, ils 'etaient deux, ils sont deux.
Juve, sans souci du moribond qui exhalait ses derniers r^ales, se pr'ecipita au c^ot'e de Fandor.
Le journaliste 'etait mont'e sur un banc, du haut duquel on d'ecouvrait un superbe panorama sur la mer.
Or, voici que dans le pinceau lumineux qu’envoyait le phare sur le Skobeleffafin de comprendre les mouvements qu’effectuait le grand cuirass'e, venait de se silhouetter une baleini`ere men'ee par six marins qui ramaient vigoureusement. Debout `a l’arri`ere de la baleini`ere, `a la place du commandement, se trouvait Ivan Ivanovitch… un autre Ivan Ivanovitch.
Et celui-l`a 'etait rev^etu d’un uniforme, il allait rejoindre le navire.
Qu’allait-il se passer `a bord ?
***
Pendant que se d'eroulait cet 'episode qui apprenait enfin au policier et au journaliste qu’il y avait deux Ivan Ivanovitch, solution, h'elas, connue trop tard, solution qui faisait que l’un d’eux, probablement l’innocent, gisait d'esormais, raidi par la mort. Juve, machinalement, examinait son revolver et se demandait pourquoi sa balle n’avait pas atteint l’infortun'e officier russe lorsque, le premier, il avait vis'e sa poitrine.
Or, Juve s’apercevait qu’`a part une cartouche d'esormais br^ul'ee et dont la balle 'evidemment avait 'et'e retir'ee, le barillet de son arme 'etait vide.
Non. Il contenait une feuille de papier, o`u il lut ces mots :
« La fille de Fant^omas vous 'epargne un crime et fait son devoir en sauvant son p`ere.
— Fandor, s’'ecria Juve, lis ca.
Le journaliste s’approcha :
— La fille de Fant^omas, d'eclara-t-il, sauve son p`ere, parbleu, Juve, l’officier qui d'esormais se rend `a bord du Skobeleffn’est assur'ement personne d’autre que Fant^omas.
M. de Vaugreland se rapprochait du petit groupe que formaient Juve et le journaliste.
Il venait de faire un large d'etour pour ne point approcher le cadavre de l’infortun'e officier que, d’ailleurs, les hommes de service accouraient enlever, les uns portant une civi`ere, les autres un r^ateau et du sable fin, afin que l’on p^ut, imm'ediatement, faire dispara^itre des all'ees du parc, les flaques de sang qui s’y coagulaient.
M. de Vaugreland, tout tremblant, se rapprocha de Juve :
— Nous sommes sauv'es, dit-il, gr^ace `a votre perspicacit'e, monsieur Juve, le malfaiteur n’est plus en 'etat de nuire et je me f'elicite `a l’id'ee que le scandale sera vite 'etouff'e.
Juve, tout d’abord interdit, regarda le directeur.
Il y eut un silence, puis, brusquement, incapable de contenir sa fureur, le policier empoignait M. de Vaugreland par les 'epaules, et, brutalement, il l^acha :
— Mais, esp`ece d’imb'ecile, vous n’avez donc rien compris ? c’est-`a-dire que nous sommes foutus, au contraire, si dans cinq minutes, une salve d’obus ne vient pas ravager votre boutique, c’est que je ne reconnais plus mon Fant^omas. C’est un innocent que vos hommes ont tu'e et c’est le coupable qui, d'esormais, monte `a bord du Skobeleff. Ah, nous sommes frais, et je dois reconna^itre que nous avons fait l`a du joli travail.
— Monsieur, supplia M. de Vaugreland, absolument abasourdi et terrifi'e `a l’id'ee que des groupes se formaient dans le jardin, que la foule attir'ee par les coups de revolver et dont la curiosit'e s’excitait du mouvement du Skobeleff, grossissait de plus en plus, allons-nous-en d’ici.
M. de Vaugreland, pr^et `a d'efaillir, eut `a peine la force de solliciter de Juve qu’il vint avec lui dans son cabinet.
Quelques secondes plus tord, Juve, Fandor et M. de Vaugreland 'etaient install'es dans le bureau directorial.
Par la fen^etre ouverte on voyait nettement le Skobeleff'evoluer sur la rade sans que l’on puisse comprendre ce que signifiait sa manoeuvre.
— Aucun doute, avait dit Juve, le Skobeleffcherche la meilleure position pour bombarder le Casino.
Le policier, d’ailleurs, depuis quelques instants, examinait minutieusement la lettre que lui avait confi'ee M. de Vaugreland :
— Parbleu, s’'ecria-t-il soudain, apr`es avoir humect'e l’'ecriture et constat'e que celle-ci 'etait 'etonnamment s`eche, parbleu, cette lettre ne date pas d’hier. Elle a 'et'e 'ecrite il y a dix jours, quinze, peut-^etre. C’est curieux. Comment se peut-il…