La main coup?e (Отрезанная рука)
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Le journaliste avait encore couru `a perdre haleine.
Enfin, vers deux heures du matin, alors que de guerre lasse il se rapprochait de la tani`ere de Bouzille, il 'etait tomb'e sur un talus de verdure, `a l’ombre de grands arbres, il s’y 'etait endormi du sommeil du juste.
`A pr'esent, il se frottait les yeux et regardait ses agresseurs.
— H'e, s’'ecria-t-il, soudain, d’une voix qu’il voulait rendre aimable, h'e, parbleu, mais c’est l’ami le Bedeau qui braque sur moi son rigolo.
Le Bedeau ne broncha pas.
Il hocha la t^ete affirmativement, mais sur ses l`evres il y avait un sourire f'eroce.
Fandor continua son identification par le Barbu qu’il reconnut aussi.
Puis il s’'ecria :
— Mais d'ecid'ement nous sommes en plein pays de connaissances, voil`a, si je ne me trompe, ce brave OEil-de-Boeuf, l’ancien copain de Bec-de-Gaz.
Tous ces hommes n’avaient plus ces allures d’apaches qui leurs 'etaient propres lorsqu’ils habitaient Paris.
Pour
Fandor reconnut aussi le quatri`eme individu qui se tenait `a quelques m`etres en arri`ere :
C’'etait Mario Isolino.
— Le bonneteur, s’'ecria-t-il, stup'efait de le voir en libert'e.
Mario Isolino, fort ennuy'e d’^etre identifi'e, se rapprocha d’un pas et par prudence il allait protester qu’il ne tenait qu’un r^ole de figurant dans toute cette affaire, mais le Bedeau, d’une pouss'ee brusque, le renvoya en arri`ere :
— Toi, le macaroni, hurla-t-il, t^ache de la boucler, on ne te demande pas ton avis.
Mario Isolino ne se le fit pas r'ep'eter.
Il pirouetta sur les talons et se tint prudemment `a l’'ecart, d'ecid'e, cette fois, `a ne plus souffler mot.
L’Italien avait scrupuleusement ex'ecut'e les ordres de Fant^omas.
Au lieu indiqu'e, il avait trouv'e la bande, il avait remis le filet au Bedeau, puis suivi celui-ci et ses compagnons, le Bedeau lui en ayant donn'e l’ordre.
Les paroles cordiales de Fandor ne faisaient aucune impression sur ses agresseurs. Le journaliste s’en rendait compte et consid'erait avec un ennui croissant les canons de revolver braqu'es sur sa poitrine. Que lui voulait-on ?
Fandor 'etait intrigu'e au plus haut point.
Il n’allait pas tarder `a le savoir.
— Fandor, interrogea le Bedeau, bas les masques aujourd’hui. Tu sais ce que c’est qu’une mouche ?
— Ma foi, dit Fandor, je m’en doute du moins. Ca a des ailes, ca bourdonne.
Le Bedeau l’interrompit :
— Ca bavarde aussi et bien trop souvent. Et les mouches, sais-tu ce qu’on en fait ?
— Ma foi, poursuivit Fandor qui commencait `a s’inqui'eter s'erieusement, j’imagine qu’on ne s’en occupe gu`ere et qu’on les laisse aller et venir…
— Non, interrompit encore le Bedeau qui ajouta d’une voix f'eroce :
— Une mouche, quand on la tient, on l’'ecrase. On les d'etruit les mouches, comme nous allons te d'etruire, comme des sales b^etes qu’elles sont, comme une sale b^ete que tu es.
« Ah, parbleu, poursuivait l’apache en s’animant, s’il y a des copains qui se baladent aujourd’hui `a la Nouvelle, s’il y en a d’autres qui pourrissent en Centrale, s’il y en a d’autres qui attendent leur passage au tourniquet, s’il y en a m^eme qui ont 'et'e envoy'es au champ de navets, c’est bien rapport `a toi, Fandor, rapport `a ta crapule d’ami Juve. Nous autres, on te guigne depuis longtemps, on te tient, ton affaire est claire. Faut payer, Fandor. L’heure est venue. On raque d’avance. C’est ta peau qu’il nous faut.
— Bon, pensa Fandor, ca va mal. Et `a haute voix, il leur jeta :
— Vous ^etes des salauds et des l^aches. Tuez-moi donc puisque vous le pouvez. Je vous jure que si c’'etait en mon pouvoir, je ne manquerais pas d’en descendre quelques-uns. Eh bien, tire donc, Bedeau de malheur, si tu ne veux pas que je t’abatte comme un chien.
Fandor avait fait un bond en arri`ere.
R'esolu d'esormais `a lutter sauvagement, `a d'efendre son existence avec une indomptable 'energie, il avait d’un geste rapide, port'e la main `a sa poche, y avait saisi son revolver.
Mais son bras aussit^ot avait 'et'e arr^et'e, il avait recu sur le poignet un choc si violent qu’il dut l^acher son arme :
— Ca y est, jura-t-il, je suis foutu.
Instinctivement, Fandor ferma les yeux, pensa `a Juve.
Il eut un tendre souvenir pour la fille de Fant^omas.
Les secondes lui parurent des heures.
Et le journaliste, encore qu’il f^ut immobilis'e, sans se rendre compte comment ni pourquoi, encore qu’il f^ut par terre, le visage enfonc'e dans la poussi`ere, n’entendait pas claquer le revolver.
Il entendait ses agresseurs parler :
— Ca va bien pour les cordes, d'eclarait le Bedeau… et maintenant le filet.
Fandor, attach'e par les pieds et les poings, vit alors Mario Isolino qui s’approchait, sur un signe du Bedeau, et 'etendait par terre, `a c^ot'e de lui, future victime des apaches, un grand filet aux mailles serr'ees, aux fils solides et r'esistants, sorte de nasse de p^eche ou de hamac.
— Que diable vont-ils faire de moi ? pensa Fandor dont le coeur battait `a lui rompre la poitrine.